Après des accusations des leaders indépendantistes d'espionnage sur leur téléphones par le gouvernement espagnol, ce même exécutif a annoncé avoir lui-même été victime d'espionnage via le logiciel Pegasus. Mais pour la presse espagnole, c'est vers le Maroc que les accusations pointent. Depuis que des partis indépendantistes ont dénoncé l'espionnage de plus de 60 de leurs membres par les services de sécurité espagnols, suite à une publication dans The New Yorker, les yeux sont rivés sur la réaction du gouvernement espagnol. Ce dernier vient d'annoncer en réponse, que le chef de l'exécutif espagnol, Pedro Sanchez et la ministre de la Défense, Margarita Robles ont été victimes d'une attaque similaire, indiquant au passage que ce n'est que lorsque les indépendantistes catalans ont lancé leurs accusations que des travaux de recherche et d'analyse sur leur téléphones ont été effectués. Ils ajoutent par ailleurs que l'attaque se serait produite en mai 2021, laissant le soin aux journalistes de faire leur propres conclusions. Ces derniers ont estimé que cela se serait produit un mois après l'accueil du chef du polisario en cachette par l'Espagne, et donc en pleine crise diplomatique avec le Maroc. Evidemment, les accusations se sont donc naturellement tournées vers le Maroc qui a déjà été la cible d'accusations d'utilisation du logiciel espion Pegasus par Forbidden Stories qui, avait reçu plusieurs listes de numéros supposément espionnés par différents pays, dont européens, mais qui n'a choisi de mettre en avant que le Maroc dans son tapage médiatique, sans toutefois montrer de preuves. Le gouvernement espagnol a également savamment mis les journalistes sur la piste qu'ils voulaient privilégier tout en entretenant un certain mystère. Le ministre de la Présidence, Félix Bolaños, a déclaré que l'ex ministre des Affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya (remerciée à cause de l'affaire Brahim Ghali) n'avait pas été espionnée et qu'il n'y avait pas de rapport indiquant cela. Il a toutefois appelé à « ne pas faire hypothèses sans fondement sur la paternité » des attaques sur les mobiles des officiels espagnols, et d'ajouter qu »il n'y a rien de confirmé par le Centre national de cryptologie au-delà de l'espionnage sur Sánchez et Robles ». Le responsable espagnol a par ailleurs appelé à la prudence concernant les accusations proférées lorsqu'on lui a demandé si l'attaque pouvait avoir été commanditée par quelqu'un du Centre national de renseignement (CNI) sans autorisation judiciaire ou si le Maroc pouvait être derrière. Au même moment, les médias ibériques ont multiplié les articles accusant le Maroc, cherchant à lier l'histoire à la nouvelle position de Madrid concernant le différend autour du Sahara qui n'a pas été du goût de la presse espagnole (à cause de craintes que le Maroc ne réclame également Sebta et Melilla occupées, ndlr), attribuant au royaume une liste de 10.000 téléphones infectés par Pegasus dont 200 numéros espagnols, citant The Guardian qui cite Citizen Lab. Mardi, la porte-parole de l'exécutif espagnol, Isabel Rodríguez, a estimé que pour le moment la piste privilégiée était une « faille de sécurité », ce qui suggère que se seraient les services de renseignements espagnols qui n'auraient pas fait leur travail correctement. «N'anticipons pas les conséquences possibles de ce qui pourrait arriver si nous découvrons qui est derrière cela, si jamais nous le découvrons», a déclaré Isabel Rodríguez en point de presse. Et alors que les accusations contre le Maroc se multiplient par la presse ibérique, il semblerait que la version avancée par le gouvernement qui affirme que l'attaque se serait produite l'année dernière en mai, ne soit pas plausible. « Il est impossible que des mois passent sans que l'utilisateur ne détecte qu'il se passe quelque chose d'étrange sur son mobile », a indiqué une source au sein de CNI, cité par le site d'information La Razon. Il n'est pas possible qu'un appareil mobile soit piraté des mois durant sans que cette interférence ne soit remarquée par l'utilisateur ou les systèmes de surveillance et de sécurité espagnols qui effectuent très souvent des contrôles et des mises à jour de leur systèmes sur les téléphones des officiels et en particulier celui du chef du gouvernement. Le site ajoute que les attaques de Pegasus laissent des traces sur les téléphones, de telle sorte qu'il est pratiquement impossible pour l'utilisateur « de ne pas remarquer qu'il y a eu quelque chose d'étrange », en citant sa source. Par ailleurs d'autres médias affirment que les terminaux des membres du gouvernement subissent des protocoles, révisions et des mises à jour à distance ponctuellement. « Les appareils sont analysés en permanence avec les systèmes et les ressources qui existent à tout moment », a écrit El Mundo dans une interview. Enfin, des membres du CNI rejettent leur responsabilité dans cette affaire estimant que pendant 10 mois, le gouvernement espagnol a eu un protocole tout fait et bien élaboré pour se défendre contre Pegasus. Le CNI a envoyé un manuel à l'exécutif en juillet 2021 pour détecter si les téléphones des hauts fonctionnaires étaient infectés par le logiciel, affirment des médias ibériques, mettant en doute l'idée même que le gouvernement espagnol ne soit pas au courant d'une éventuelle attaque de Pegasus depuis tout ce temps et qu'il ne l'ait pas révélé, ou même utilisé cet argument contre le Maroc en pleine crise diplomatique alors qu'il avait même cherché l'appui de l'Union européenne pour faire pression sur Rabat.