L'Espagne se prépare pour la réouverture des frontières avec le Maroc dans les enclaves occupées de Sebta et Melillia. Le gouvernement de Pedro Sachez étudierait la façon d'imposer au Maroc sa propre loi, en envisageant une taxation douanière et l'option de l'introduction dans l'espace Schengen. Malgré quelques réchauffements, la crise diplomatique entre Rabat et Madrid est toujours d'actualité, en témoignent plusieurs éléments qui démontrent que le Maroc n'a toujours pas passé l'éponge sur l'épisode des manigances avec l'Algérie et le polisario, ainsi que sa position hostile à la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Et alors que l'Espagne pensait que les relations allaient reprendre leur cours normal après le limogeage de l'ex-ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Laya Gonzales des suites de l'affaire Brahim Ghali, la fermeture des frontières avec les deux enclaves occupées, par le Maroc s'éternise et préoccupe du côté espagnol. Le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, qui a initié la crise entre les deux royaumes, ne s'est toujours pas résolu à régler le différend et compte aller plus loin dans sa riposte « contre » le Maroc. L'exécutif espagnol cherche à imposer une refonte des relations commerciales, socio-économiques et de contrôle des frontières sous la forme d'un modèle de frontière auquel le Maroc n'aura pas son mot à dire. L'exécutif a créé une commission spéciale comprenant au moins 6 représentants des différents ministères impliqués pour préparer la réouverture des frontières de Sebta et Melillia, selon des sources gouvernementales espagnoles citées par le journal El Pais. Les départements concernés sont ceux du chef du gouvernement, de la Politique territoriale, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, des Finances, de la Santé, mais aussi des services secrets, indique la même source. De son côté, le gouvernement marocain qui a fermé ses frontières avec les deux enclaves occupées depuis le début de la crise sanitaire ne les a pas rouvertes depuis, même si les espaces aériens et maritimes, eux, l'ont été entre le Maroc et l'Espagne continentale. Cela fait presque deux ans que ces frontières sont fermées. Selon les estimations de Madrid, les frontières avec Sebta et Melillia ne seraient rouvertes par Rabat qu'au deuxième trimestre de 2022. Et c'est en ce sens que les autorités espagnoles comptent profiter de ce temps pour adapter à leur manière les futures règles qui devraient régir le flux commercial et des personnes entre les deux territoires. En Espagne, des inquiétudes ont été créées après avoir constaté le durcissement de la position marocaine sur le Sahara, surtout depuis l'affaire de Brahim Ghali, perçu comme un poignard dans le dos. Une position marocaine qui ne tolère plus de double jeu et qui a mis dans la balance le Sahara marocain comme condition sine qua non de tout nouvel accord commercial avec ses partenaires. Mais aussi, depuis la multiplication des gestes inamicaux du gouvernement Sanchez, l'Espagne a été témoin de la remise sur la table du dossier de la souveraineté sur les villes occupées, chose qui ne se fait pas lorsque les relations sont bonnes, selon la lecture de l'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel García-Margallo. Craignant une crise migratoire comme celle de l'été dernier et à cause de la dépendance économique au Maroc des deux villes, le gouvernement socialiste pose devant lui plusieurs options pour contrecarrer le Maroc. Dans ses plans, l'Espagne compte continuer sa clôture de barbelés, installer des caméras à reconnaissance faciale, à réduire drastiquement les flux de personnes malgré les conséquences économiques pour les habitants des deux enclaves. Et les options envisagées pourraient mettre encore plus mal les relations déjà dégradées avec le Maroc. Madrid « ne tolérera plus » le commerce de contrebande qui fait engranger aux deux villes entre 600 et 800 millions d'euros par an pour Sebta et environ 500 millions à Mellilia. Ce commerce de contrebande profite aux deux villes occupées puisque plus de 70 % de leurs importations d'Espagne, d'Europe ou d'Asie sont destinées à être revendues au noir au Maroc à travers le système d'entrée inhumain imposé par l'Espagne aux Marocains, aussi connu sous le nom des « femmes-mulets ». A contrario, les importations des deux villes, en provenance du Maroc, se chiffrent à moins de 1 % pour Melillia par exemple et officiellement, elles n'exportent au Maroc pour moins d'un million d'euros par an, ce qui est loin des chiffres réels. Face à ce commerce très avantageux pour l'Espagne, le gouvernement Sanchez veut tester encore plus les limites de la tolérance du Maroc en cherchant à imposer des douanes commerciales pour ce flux non équilibré, cela, dans l'ambition de taxer les produits exportés et gagner encore plus au change. De son côté, les deux villes importeront seulement des fruits et des légumes. L'entrée dans l'Union douanière est une autre option que l'Espagne envisage même si elle leur ferait perdre leurs avantages fiscaux. Enfin, l'option la plus délicate serait l'entrée des deux villes occupées dans l'espace Schengen ce qui obligerait les habitants des villes marocaines voisines d'entrer avec un visa. L'option avait été déjà mise sur la table cet été, sur proposition du secrétaire d'État à l'UE du ministère des Affaires étrangères, Juan González-Barba, et avait estimé qu'une telle proposition demanderait un consensus national. Elle devrait également être acceptée par les autres membres de l'espace Schengen. Cette mesure pourrait se concrétiser si elle est appuyée par la France, pays qui assure la présidence du Conseil de l'Union européenne pour les 6 prochains mois. Le président français, Emmanuel Macron, a en effet adressé la réforme de l'espace Schengen au rang de priorité. L'objectif affiché du président, la protection des Européennes contre la « menace » migratoire, en rappelant les deux crises auxquelles le Vieux Continent a eu à faire face, celle du naufrage de migrants dans la Manche et la crise avec la Pologne et la Biélorussie.