Il cherche à faire payer un tortionnaire ayant détruit des centaines de familles depuis plus de 10 ans. Lui c'est Remdane Mesud Larbi, le président de l'association sahraouie de la défense des droits de l'homme (ASADEDH) qui représente les victimes de membres des milices du polisario, une organisation séparatiste créée et financée par l'Algérie pour s'emparer du Sahara. Pour Hespress Fr, il livre toutes les incohérences du dossier « Brahim Ghali». Dans l'affaire de l'accueil illégal du chef du polisario, Brahim Ghali, en Espagne pour soins liés à la Covid-19, le gouvernement espagnol a été pris en flagrant délit de complot pour faire éviter une condamnation certaine à un fugitif recherché pour crimes contre l'humanité. Arrivé en Espagne au mois d'avril en contournant la douane et la police des frontières, Brahim Ghali est entré dans un pays européen en bafouant toutes les lois en vigueur. Mais à la différence d'un migrant clandestin, lui, a bénéficié de l'aide du gouvernement espagnol dans une opération faite à la demande de la présidence algérienne qui lui a fourni une fausse identité afin qu'il ne soit pas reconnu. Le leader du mouvement séparatiste sahraoui financé par l'Algérie, faisait l'objet de plusieurs plaintes en Espagne depuis 2008, notamment pour torture, meurtre, détention illégale mais aussi pour viol. Grâce à la complicité de l'Espagne, il a pu échapper à toutes ces affaires en se faisant passer pour un diplomate algérien. En outre, il a bénéficié d'une clémence inouïe, jugée « partiale », de la part du juge Santiago Pedraz de l'Audiencia Nacional. Hespress FR: Comment l'affaire de Mohamed Benbattouche/Brahim Ghali a-t-elle fait renaître le dossier des victimes sahraouies du polisario? La plainte déposée par l'association date de décembre 2007 avec 3 victimes qui ont déposé plainte le 26 décembre. La plainte a été acceptée en 2012 et le juge de l'époque avait poursuivi 27 accusés dont Brahim Ghali et certains chefs du polisario, 4 membres des services de renseignements algériens qui étaient à l'époque dans un rattachement militaire en Mauritanie. La plainte a été acceptée et évidemment il s'agit d'un dossier complexe et vaste. Premier pas qu'on a fait, c'est qu'on a rassemblé 106 victimes et des médecins légaux internationaux qui les ont examinés et ce dossier complet se trouve au tribunal d'instruction numéro 5 de l'Audiencia Nacional. Cette affaire périssait des fois et d'autres reprenait vie à cause de la difficulté pour la justice de localiser les accusés et les identifier étant donné qu'ils utilisent des passeports algériens et ont pris de fausses identités. Il y a un rapport de police espagnole datant de 2017 dans lequel il est dit qu'étant donné les circonstances de ces personnes qui voyagent avec des noms d'emprunt, il n'a pas pu être possible de les localiser. De notre côté, nous avons demandé plusieurs fois la mise en place d'avis de recherche internationaux ou européens pour arrêter ces chefs de guerre qui voyagent en Europe. Il n'y a pas eu de décision favorable à ces requêtes et le dossier est resté comme ça jusqu'au moment où l'affaire de Benbattouche a éclaté. Que démontre l'affaire de l'accueil de Brahim Ghali en Espagne? Elle démontré que ce que nous disions à propos des accusés (membres du polisario, ndlr) qui utilisent de fausses identités pour voyager, était vrai. Il est arrivé (en Espagne) d'une manière qui prouve qu'il avait peur de la justice et cela avec la complicité de quelques membres du gouvernement espagnol. Il est arrivé dans un aéroport marginal, celui de Saragosse, et il a été soigné à Logroño, dans un hôpital de moindre importance dans une petite ville, et cela veut dire qu'il avait peur de quelque chose. Si les autorités qui lui ont permis d'entrer n'avaient pas quelque chose à se reprocher, il aurait pu entrer via Madrid ou Barcelone, il aurait été admis dans un grand hôpital connu et il aurait utilisé son vrai nom. S'il n'avait pas peur il n'aurait pas choisi d'utiliser l'identité de Benbattouche. Il n'a pas donné ses documents justifiant son identité à l'aéroport, ce n'est qu'au moment où la police est intervenue qu'il l'a fait. Deuxième des choses, lorsque notre association a pris connaissance qu'il se trouvait en Espagne et que son identité a été confirmée par la police et par le ministère espagnol des Affaires Etrangères, il fallait que le juge l'interroge et cela n'a duré qu'un jour. Nous avions demandé à ce que des mesures conservatoires soient prises, qu'on lui interdise de voyager ou qu'on lui confisque son passeport (pour éviter qu'il ne s'échappe). Le juge a estimé que ce n'était pas nécessaire en disant selon lui qu'il ne cherchait pas à se soustraire à la justice, sauf que dès qu'il a été entendu (par visioconférence), il est reparti le même jour à la tombée de la nuit, à 2h du matin précisément, et de la même façon par laquelle il est entré (sans passer les contrôles douaniers) alors qu'il était encore malade. Il est sorti cette fois via un autre aéroport marginal, celui de Pampelune. Il est sorti d'Espagne alors qu'il n'était pas complètement rétabli, il n'a pas attendu de guérir de peur qu'il y ait une nouvelle plainte. L'ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, Arancha González Laya, a évité de révéler l'identité du donneur d'ordre lorsqu'elle a été entendue par la justice. Qu'en pensez-vous? L'ancienne ministre des Affaires Etrangères est entendue par la justice et est accusée en même temps. C'est elle, le grand artisan de l'entrée de Ghali ou Benbattouche en Espagne en cachette. Selon la presse espagnole et les analystes, la décision de faire entrer Brahim Ghali de cette manière tordue pour lui faire éviter la justice n'a pas pu être prise seulement par la ministre des Affaires Etrangères, il doit y avoir d'autres parties derrière cette décision et qui ont coordonné l'opération. Je pense que le juge de Logroño (en charge d'enquêter sur l'entrée illégale de Brahim Ghali, ndlr) est sur cette piste de recherche pour trouver la personne X comme ils l'ont nommé. La personne X, c'est l'inconnue dans la chaine de décision. L'ancienne ministre a dit qu'elle ignorait que Brahim Ghali était poursuivi par la justice espagnole, vous la croyez? Je trouve ça bizarre! Comment une ministre des Affaires Etrangères, avec tous les appareils de l'Etat qui existent, ne sache pas qu'un homme est accusé de génocide, et cela depuis 2008? Pour moi, ce n'est pas possible que la décision (de l'accueillir) ait été prise en deux jours et ce n'est pas possible que dans un pays comme l'Espagne, un pays développé et avancé, qu'elle ne soit pas au courant. En plus, n'oubliez pas, il a été découvert que cet homme a même eu la nationalité espagnole, et ça devrait être une raison de plus pour le poursuivre parce qu'il s'agit d'un Espagnol qui a commis des crimes contre des Sahraouis d'origine espagnole, contre des Mauritaniens et des Canariens. Les déclarations du chef de cabinet (de l'ancienne ministre), disent cela. La décision de le faire entrer n'a pas pu être prise par une seule partie. Il faut une commission ou autre, et il faut surtout une tête pensante et cette tête c'est la personne X. Le juge Pedraz a refermé le dossier une deuxième fois, comment voyez-vous cette décision ? Avec tout notre respect pour le juge Pedraz (en charge de la plainte déposée par l'association ASADEDH contre les membres du polisario, ndlr), notre respect et notre considération pour l'indépendance de la justice espagnole, en vérité il n'était pas impartial. Le juge Pedraz, nous a étonné. Il nous a étonné deux fois, lorsqu'il n'a pas pris de mesures conservatoires quand Benbattouche était à Logroño pour éviter sa fuite. Et pour nous, son départ (d'Espagne) à cette heure de la nuit c'est une fuite. La deuxième chose, c'est lorsqu'il a classé le dossier. L'affaire est ouverte depuis 2012 et lui, décide d'archiver la plainte au moment où l'affaire a atteint son sommet. Nous avons présenté un recours à chambre, elle l'a accepté et a ordonné à Pedraz de rouvrir le dossier de nouveau et a estimé qu'il n'était pas habilité à juger à cause de certaines erreurs qu'il a commises. Ces erreurs, il a essayé de les corriger en deux jours, samedi et dimanche, et a annoncé sa décision un lundi pour archiver de nouveau le dossier. Je voudrais dire aux victimes et à l'opinion publique que le dossier n'est pas mort et n'est pas archivé, il est aux mains de la chambre criminelle et nous allons poursuivre le combat. A-t-il commis une erreur selon vous? Le juge Pedraz a commis une erreur et quelques médias aussi. La plainte ne vise pas seulement Ghali. Elle vise 23 éléments du polisario qui ont commis des crimes et 4 agents des services secrets algériens. Lui parle uniquement de Ghali, donc il y a une incohérence dans le dossier. S'il doit être archivé, il doit l'être pour tous et s'il se poursuit, c'est pour tous également. Il y a certaines voix au sein du polisario qui disent que la plainte a visé Brahim Ghali parce qu'il est le chef du polisario etc. Non ! Lorsque nous avons porté plainte le leader du polisario c'était Mohamed Ben Abdelaziz, et lui, ne fait pas partie des personnes visées par la plainte. Pour nous, il s'agit d'une affaire de droits de l'homme qui n'est liée ni à la politique ni à la position. Quelle est la nature de l'affaire selon vous ? C'est une question purement liée aux droits de l'homme, une question de droits universels, et nous avons trouvé du soutien dans les pays d'Amérique latine et en Espagne, où la vérité sur le polisario été mise à nu grâce à la médiatisation de l'entrée illégale de Brahim Ghali. La société civile espagnole a commencé à nous poser des questions, en nous demandant comment cela s'est-il passé, comment ces choses se sont produites, ce qui a engendré une grande sympathie surtout en Espagne et en Amérique latine avec les victimes de ces violations des droits de l'Homme qui se sont passées sur le territoire algérien et pratiquées par les membres du front polisario. Grâce à son arrivée en cachette et tout ce qui s'est est suivi ainsi que sa découverte, la société civile espagnole et des pays d'Amérique latine, ils ont commencé pousser plus loin les questionnements. Comment et pourquoi cet homme est-il arrivé en cachette ? Cela veut dire qu'il a peur de quelque chose, en d'autres termes, il a commis quelque chose de grave. Si j'étais certain de ne rien avoir fait, j'irais devant la justice, mais lui, il vient en cachette, il utilise l'identité de quelqu'un d'autre. Et maintenant il a impliqué d'autres personnes, quelques membres du gouvernement espagnol qui ont donné l'ordre à la police des frontières de ne pas faire son travail à savoir de vérifier son identité et celle des passagers qui l'accompagnaient. Ils sont entrés en Espagne, dans l'espace Shengen, mais personne n'a pu savoir qui étaient ces personnes. L'ex cheffe de la diplomatie espagnole avait parlé d'une affaire « humanitaire » au début avant d'avouer sa nature « politique ». Vous en dites quoi ? C'est l'une des contradictions et des problèmes avec lesquels l'ancienne ministre des Affaires Etrangères essaie de se débattre. Au début elle avait dit qu'il s'agissait d'une question purement humanitaire et ensuite il s'est avéré que c'était une affaire d'ordre politique. Je pense que c'est le résultat de pressions algériennes qui ont finalement fait entrer le gouvernement espagnol dans un gros problème dont il sera difficile d'en sortir. L'opposition crie au scandale, tout le monde d'ailleurs. Les Algériens ont pesé avec le gaz et ont profité de la crise d'électricité en Espagne, pour faire soigner Brahim Ghali en Espagne, et quand le gouvernement espagnol a su qu'il était poursuivi dans une affaire de génocide il a tenté de le faire entrer en cachette, c'est ça qui a créé un problème pour le gouvernement actuel en Espagne. Bien sûr, il y aura d'autres noms qui seront révélés, les noms d'autres personnes impliquées dans cette affaire. L'enquête est toujours en cours. Que reprochez-vous au juge Santiago Pedraz? Pedraz a commis deux erreurs dans cette affaire. La première c'est qu'il s'est basé sur une loi de 1973 alors qu'il devait considérer celle de 1995, parce qu'il s'agit de crimes contre l'humanité et que la majorité des victimes sont d'origine espagnole. Deuxième erreur, c'est quand il dit que les victimes ont tenu des propos contradictoires. Ces personnes ne se sont pas contredites. Ces gens sont des victimes. Il y a 27 accusés, et parmi les plaignants certains accusent Ghali et d'autres ne l'accusent pas. La plainte ne concerne pas uniquement Ghali, c'est contre 23 personnes (membres du polisario). Il a uniquement entendu 8 personnes. Pourtant, l'un des plaignants qui a porté plainte avec nous, Dahi Aguai, il accuse Ghali directement. Il l'a accusé dans la plainte et devant le juge. Mais il y a d'autres personnes qui n'ont pas de lien avec Ghali (qui ont été entendues). Les victimes de Ghali sont là, mais lui ne les as pas tous entendues. Le juge a choisi 8 personnes et parmi elles se trouvent certaines qui accusent Ghali seul, d'autres qui accusent d'autres membres du polisario comme Bachir Mustafa Sayed qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt. Monsieur Pedraz a voulu mettre tout ce monde dans le même sac comme s'il s'agissait uniquement de Ghali, et ça c'est une déformation des faits. Comment les victimes sahraouies ont-elles ressenti le jugement de cette affaire? Elles ont ressenti de la déception. C'est une déception par rapport à la confiance qu'elles ont placé dans la justice. Mais nous, ce qu'on leur dit, c'est cette affaire ne s'arrête pas à la décision d'un seul homme, ni Pedraz ni un autre. Et nous allons continuer. Comme il l'a archivé la dernière fois et ils lui ont dit qu'il n'était pas compétent, c'est qui ce qui devrait arriver cette fois encore. Et nous avons bon espoir que cela se produise dans les jours à venir. Le moral doit rester haut. Un droit n'est jamais perdu tant que quelqu'un s'efforce de le revendiquer.