L'Espagne a toujours fait de la question migratoire un enjeu central de sa politique étrangère et de ses interactions avec son voisinage. Mais les événements survenus ces dernières semaines révèlent un double langage voire même standard dans l'attitude des autorités espagnoles, selon le pays d'origine des migrants nous dit « La Razon » dans son édition de jeudi. En effet, poursuit le média espagnol, qui pour ce faire, aurait eu un entretien avec l'écrivain marocain, auteur de "Quartier prudent, relations hispano-marocaines", Nabil Driouch, « lorsqu'il s'agit de migrants en provenance du Maroc, on constate que la « machine » politique et médiatique espagnole s'emballe, emporte avec elle les institutions européennes, en empruntant un langage tiré du lexique de la guerre, allant même jusqu'à parler d'« invasion » ». En revanche, poursuit le journal, « la réaction espagnole est beaucoup plus tolérante et conciliante, lorsque la péninsule ibérique subit une vague de migrants illégaux en provenance d'un autre pays d'Afrique du Nord », l'Algérie en l'occurrence. Les nuances de l'Espagne De fait, elle est donc plus atténuée pour ne pas dire quasiment absente, comparé à celle envers les plus de 10 000 migrants algériens qui sont arrivés sur les côtes espagnoles (selon les autorités) depuis le début de l'année, dont plus de 2 500 rien qu'en septembre. Pour en avoir une idée, en une semaine, du 27 septembre au 3 octobre, près de 1900 migrants clandestins (harraga) sont arrivés en Espagne sur des embarcations de fortune communiquait le journaliste espagnol spécialiste des questions migratoires, Ignacio Cembrero. 72% des personnes ayant débarqués sur le sol espagnol étaient Algériens, contre 21 % de Marocains et 7% d'autres nationalités. « Jamais la proportion d'Algériens n'a été si élevée », notait-il. Des chiffres qui confirment une réalité constatée depuis le début de l'été dernier. Selon l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex, en 2021, c'est de l'Algérie qu'est parti le plus grand nombre de migrants illégaux vers l'Espagne. En outre, c'est le troisième en une période donnée (T1/T2/T3 2021) à être entré en Europe. Selon Francisco José Clemente Martin, membre de la délégation de l'ONG CIPMD à Almeria (Espagne), en seulement deux week-ends, du mois de septembre dernier, 4 000 Algériens avaient franchi les côtes espagnoles. La traversée n'est pas que le privilège de désœuvrés Si par le passé, la traversée par des barques de fortune était limitée aux jeunes sans activité et en quête de l'« eldorado européen », force est de constater que le flux s'est élargi désormais à des familles et des cadres ayant une situation sociale stable en Algérie. L'émigration clandestine est devenue un projet familial en Algérie. Les familles contribuent et préparent la traversée de leurs enfants en leur apportant aides financières et soutien moral et paient le prix fort pour qu'ils atteignent l'Europe et plus particulièrement la France. Ils déboursent jusqu'à 900 000 DA (4 500 euros) pour prendre place sur des bateaux sophistiqués et très rapides pouvant effectuer la traversée en moins de trois heures. Les « harraga » démarrent de la côte ouest du pays (région d'Oran) qui est plus proche de l'Espagne vers Almeria ou des réseaux et passeurs attendent les plus nantis pour une autre traversée vers le Vieux continent, celle-là. Mais en réalité, il n'est nul nombre exact quant aux migrants algériens ayant atteint l'autre rive. Les chiffres avancés jusque-là par les autorités sont, seulement, ceux des personnes interceptées ou secourues par les garde-côtes espagnols. Des centaines d'autres, parviennent à échapper à cette surveillance, alors que des dizaines échouent et disparaissent en haute mer, aussi l'estimation des 10 000 « harraga » avancée est loin d'être une vérité et l'on peut la doubler que ce ne serait pas qu'une juste probabilité. Le temps de la clairvoyance est arrivé pour l'Espagne « L'Espagne, généralement hypersensible aux flux migratoires incontrôlés, semble anormalement silencieuse, sinon complice, du moins complice. Cela soulève des questions légitimes de la part de tout observateur objectif. Personne n'est dupe » dit encore La Razon. « Il est temps que l'Espagne opte enfin pour une politique de clarté concernant son voisinage. L'association n'est pas conforme aux doubles standards de l'Espagne. C'est une condition sine qua non pour une personne sereine, résiliente et capable de relever les défis. Le double standard ne peut qu'altérer la confiance et susciter des doutes légitimes chez le voisin marocain » conclut-on.