Les agriculteurs algériens ont été accusés par l'Etat d'être responsables de la flambée des prix des fruits et légumes. Après le Hirak, les chefs d'entreprises, les journalistes, les mouvements MAK et Rachad, les agriculteurs, dont une majorité peine à joindre les deux bouts, sont les nouveaux boucs émissaires du régime algérien. Alors que le pays traverse une pénurie de produits de grande consommation, tels que le lait, les fruits et légumes et même le pain, aliment de base de l'alimentation algérienne, le régime algérien s'est une fois de plus défilé devant ses responsabilités. Cette fois-ci, à défaut d'accuser le Maroc, ce sont les agriculteurs qui en ont pris pour leur grade et ont subi une campagne de « déstockage » et de saisies de leurs marchandises de force, à croire que l'Etat possède possède ces récoltes. Selon l'Etat algérien, les agriculteurs dans tout le pays, se seraient donné le mot pour augmenter les prix des légumes, dont la pomme de terre. Cette idée farfelue n'a pas manqué d'interpeller le journaliste algérien, exilé en France, Abdou Semmar, qui s'est insurgé contre cette énième forme de répression qui vise de pauvres agriculteurs, privés de leurs légumes. « La loi autorise l'agriculteur à stocker sa marchandise dans un entrepôt frigorifié, deuxièmement les frigos ont été autorisés… Il est où le crime? » s'est demandé le journaliste spécialisé dans les enquêtes et dont les écrits dérangent à Alger. « Il est où le crime si je suis un agriculteur et j'ai stocké mes pommes de terres dans un frigo? Ce sont mes pommes de terres, c'est moi qui les ai cultivées », a-t-il insisté, face à la confiscation de la production des agriculteurs qui stockaient leurs pommes de terres dans des entrepôts. Les autorités algériennes ont qualifié cette pratique d' »illégale ». Et d'expliquer que la pomme de terre n'est pas un produit subventionné par l'Etat algérien, et donc les agriculteurs ne touchent pas de subventions publiques pour les cultiver, d'où le caractère illégal de ces opérations de « déstockage » telles qu'appelées par l'agence de presse officielle algérienne APS. L'Etat algérien estime que la flambée des prix des fruits et légumes dans le pays est due à ce stockage qui aurait pour objectif de spéculer sur les prix. Mais cette flambée des prix et les pénuries ne sont pas une nouveauté en Algérie, c'est une tendance qui court depuis plusieurs mois. Mais face à une éventuelle nouvelle crise de colère de la population, dans un pays toujours aussi instable, malgré la répression continue des marches du Hirak et toute forme de voix dissidente ou critique, le régime algérien a dû intervenir, et faire porter le chapeau de cette situation aux agriculteurs. Cette crainte d'une nouvelle sortie dans les rues s'explique par une hausse hors normes des prix. En effet, sur la pomme de terre où l'augmentation s'est fait le plus ressentir, le prix est passé de 20 dinars le kilo à 110 dinars soit plus de 5 fois son prix initial. Pour le journaliste Abdou Semmar, cette hausse s'explique par plusieurs éléments et le facteur sécheresse y est pour beaucoup, et qui a impacté la croissance de l'agriculture qui a fait moins de 1% au premier trimestre 202. Et d'ajouter que même en période normale, l'agriculture algérienne ne satisfait que 40 à 45% des besoins de la population algérienne. A cela s'ajoute le manque de moyens des agriculteurs qui n'ont pas tous des entrepôts frigorifiques. « L'Algérie n'a pas les infrastructures nécessaires pour stocker de grosses quantités de pommes de terres, ou d'autres produits agricoles afin de provoquer une pénurie et par ricochet susciter une augmentation des prix », a-t-il déclaré. En outre, plusieurs régions de l'Algérie ne disposent pas de ces entrepôt frigorifiques qui nécessitent un gros investissement que les agriculteurs ne peuvent pas se permettre de faire étant donné que l'agriculture en Algérie est artisanale. Et pour ceux qui en disposent, M. Semmar a estimé que les agriculteurs ne peuvent pas garder leurs légumes plus de trois mois car ils ne peuvent pas payer les factures d'électricité qui reviennent très chères. Ainsi, il a estimé que « l'argument avancé par les autorités algériennes n'a aucun sens. Vous (les autorités algériennes) êtes en train de faire du cinéma », a-t-il affirmé en dénonçant l'acharnement du système algérien contre ces agriculteurs. « On est en train de chercher des boucs émissaire (…) (Ils disent que) les commerçants ne sont pas corrects, que c'est une mafia(…) Vous allez voir, dans une semaine ou deux, on va nous dire que les commerçants algériens font partie du MAK (le mouvement de l'autodétermination de la Kabylie, ndlr) ou du Rachad (mouvement d'inspiration islamiste créé par un ancien diplomate algérien, ndlr), ou qu'ils ont été payés par le Maroc ou Israël pour déstabiliser l'Algérie et provoquer la cherté de la vie », a ironisé le journaliste. « Ils incriminent les agriculteurs en les qualifiant de criminels. C'est comme si vous disiez que les agriculteurs ont caché toutes les pommes de terre du pays pour en augmenter les prix (…) Cette histoire ne tient pas debout », a-t-il encore lâché.