L'ex-directrice régionale de la santé à Casablanca-Settat, Nabila Rmili, a été nommée ministre de la Santé le 7 octobre dernier dans le gouvernement d'Aziz Akhannouch. Des dossiers bouillants attendent ainsi la nouvelle maire de Casablanca. Comment va-t-elle s'y prendre ? C'est la question que se posent les professionnels de la santé qui attendaient cette nomination pour connaître le visage de leur prochain interlocuteur au ministère de la Santé. Il s'agit, pour eux, de lui présenter leurs dossiers revendicatifs dont ils espèrent la réalisation. Parmi les professionnels exaspérés par leur situation, il y a les infirmiers et techniciens de santé du public et les médecins du secteur public. Equité, dignité, et égalité Le mouvement des infirmiers et techniciens de santé du Royaume (MITSM), lui, a comme priorité de remédier au « vide juridique » que connaît la profession à travers la création de l'Ordre national des infirmiers et techniciens de santé ainsi que la création du référentiel des emplois et compétences des métiers paramédicaux (REC). Cette catégorie de professionnel réclame également le recrutement des lauréats des instituts supérieurs des professions infirmières et techniques de santé (ISPITS) pour remédier à la pénurie en ressources humaines que connaît le secteur et soulager les effectifs en exercice . Outre l'amélioration des conditions de travail, le MITSM appelle la tutelle à « l'augmentation de la prime de risque, l'instauration de formations de base et de formations continues adaptées aux besoins réels afin de revoir le rythme d'avancement de l'infirmier de même que l'égalité des chances en matière de promotion professionnelle à l'instar des autres catégories (ingénieurs, pharmaciens, médecins et autres fonctions publiques) ». Des revendications qui n'ont jamais vu le jour ni pendant le mandat de Khalid Ait Taleb ni de celui de son prédécesseur Anass Doukkali. En tout cas, les infirmiers et techniciens de santé du Maroc croisent les doigts et espèrent la réalisation de leurs revendications par la nouvelle ministre qui se doit avant tout d'ouvrir un dialogue avec les professionnels de santé, toutes catégories confondues, avant de se mettre au travail estime Fatima-Zahra Belline, membre du MITSM dans une déclaration à Hespress FR. « En tant que mouvement, nous n'avons pas d'autre choix que d'espérer. On souhaite lui donner la chance de commencer son travail et trouver ses repères. La nouvelle ministre a eu quelques approches dans les médias, où elle a avancé des promesses qu'on espère qu'elle va tenir. Pendant la campagne électorale, elle parlait souvent du citoyen, sans pour autant évoquer les professionnels. Ce n'est qu'après sa nomination qu'elle a parlé de nous, notant qu'elle est au courant des dossiers revendicatifs des professionnels sur lesquels elle compte se pencher », nous indique Fatima-Zahra Belline. Le mouvement des infirmiers a toujours eu des promesses qui n'ont jamais été tenues, poursuit notre interlocutrice. Mais ils restent positifs « alors que Dr Rmili est du domaine et connaît très bien les contraintes que vivent au quotidien les infirmiers et techniciens de santé », souligne la militante qui estime qu'avant tous, des rencontres devront impérativement avoir lieu avec les professionnels avant toute chose. Pharmacie : Une loi-cadre pour une collaboration harmonieuse Le secteur de la pharmacie connaît également de nombreux problèmes à en croire Dr Hamza Guedira, président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens qui soulève plusieurs perturbations pendant la pandémie « On a vu qu'il n'y avait pas de gouvernance réelle du secteur. Et donc, le futur responsable de ce département, notamment Nabila Rmili, doit procéder à une mise à niveau tous azimuts en termes de gouvernance, de budget et de formation des ressources humaines. Et pour ce qui est des pharmaciens, qui gèrent un produit stratégique en l'occurrence le médicament, nous attendions beaucoup du prochain gouvernement parce que le secteur est pratiquement anéanti à cause de la succession de mauvaises décisions », a-t-il noté. Dr Guedira sollicite ainsi la responsable du secteur de la santé et de la pharmacie, a adopté une approche en adéquation avec la Constitution et les discours royaux adressés à ce secteur, pour qu'il travaille en partenariat avec les professionnels du secteur, proposant même à la mise en place d'une loi-cadre. « Je souhaiterai qu'on ait une loi-cadre sur les 30 ans à venir pour qu'on ait une visibilité dont a besoin l'ensemble des composantes du secteur. Et puis, à partir de cette loi-cadre, il va falloir une refonte des lois pour chaque composante du secteur pour qu'elles puissent travailler en harmonie. C'est-à-dire, les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, les paramédicales. Parce qu'aujourd'hui, honnêtement, c'est l'obscurité totale. C'est l'anarchie et le désordre » dit-il. Suite à des désaccords avec la direction du médicament et de la pharmacie du MS, le président du CNOP a même appelé le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, à envisager « la création d'un ministère spécial pharmacie et médicaments qui permettra aux professionnels d'avoir un porte-parole politique au sein du gouvernement ». Médecins : Amélioration des conditions de travail et motivation des cadres Le syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP) réclame depuis des années l'amélioration des conditions de travail, et la motivation des cadres de santé. Parmi leurs priorités, figure l'équivalence du doctorat en médecine au doctorat national et l'activation des dispositions de la dernière convention du 6 août 2020 concernant l'autorisation de l'indice 509 avec toutes ses indemnités, qui leur permettra de toucher un salaire correct pour toutes les années d'études qu'ils ont fait. Comment ? Les médecins du secteur public perçoivent des salaires selon l'indice 336 (salaire équivalent au diplômé d'un master) qui se situe autour des 8.000 DH. En revanche, l'indice 509, que réclament aujourd'hui les blouses blanches, leur permettra d'avoir un salaire minimum entre 11.000 DH et 12.000 DH, qui compenseront au moins leurs 10 ans d'études minimums. Le même syndicat réclame aussi, depuis un moment déjà, l'activation de l'ensemble des mutations suspendues depuis 2018 et plus. Selon la même source, il s'agit là d'un « problème qui persiste, au-delà de toute description, et qui dépasse les limites de la patience », notant que « la condition de compensation n'est pas remplie, les concours d'emploi ne rencontrent plus aucun succès et les médecins ou encore les lauréats ne sont plus attirés par la santé publique». Cette doléance légitime intervient alors que le Maroc connaît une pénurie sans précèdent de médecins et spécialistes, mais aussi des infirmiers et techniciens de santé. Et puis, il y a la demande d'activation de l'intégration de tous les étudiants en médecine qui ont réussi les concours de résidanat pour la spécialité, dans les différents centres de formation continue en milieu hospitalier, afin d'alléger la pression sur les médecins au sein de ses structures.