Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a évoqué samedi la « crise grave » provoquée par le torpillage d'un mégacontrat de sous-marins français à Canberra, dénonçant un « mensonge (…), une duplicité (…), une rupture majeure de confiance » et un « mépris » de la part des alliés de la France. Interrogé au journal télévisé de la chaîne publique France 2, M. Le Drian a ainsi justifié le rappel des ambassadeurs français à Canberra et Washington par le fait qu'il y avait « une crise grave entre nous ». Cette mesure, la première dans l'histoire des relations entre Paris et Washington, « est très symbolique. Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, li y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris donc ça ne va pas entre nous », a-t-il déclaré. « Nous avons rappelé nos ambassadeurs pour essayer de comprendre et pour montrer à nos pays anciennement partenaires que nous avons un très fort mécontentement, qu'il y a vraiment une crise grave entre nous ». Le rappel de l'ambassadeur français à Londres a été jugé en revanche inutile: « on connait leur opportunisme permanent », a-t-il ironisé quelques mois après le Brexit. « La Grande-Bretagne dans cette affaire, c'est quand même un peu la cinquième roue du carrosse ». Plus de mégacontrat de sous-marins à 56 milliards d'euros Les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni ont annoncé mercredi un partenariat stratégique pour contrer la Chine, AUKUS, incluant la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à Canberra qui a sorti de fait les Français du jeu. La France avait signé en 2016 un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) pour la fourniture à l'Australie de 12 sous-marins à propulsion diesel, souvent qualifié de « contrat de siècle » en raison de son ampleur et de sa portée stratégique. Le ministre des Affaires étrangères a d'ailleurs jugé que la crise pèserait sur la définition du nouveau concept stratégique de l'Otan, sans pour autant évoquer de sortie de l'alliance atlantique. « L'Otan a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l'Otan à Madrid l'aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition », a estimé M. Le Drian. « Mais il faut qu'en même temps l'Europe se dote de sa boussole stratégique et ce sera sous la responsabilité de la France au premier semestre 2022 », a-t-il ajouté, évoquant la présidence française de l'Union européenne au 1er janvier. Après le retrait brutal des Américains d'Afghanistan, sans concertation avec ses alliés, et ce torpillage du mégacontrat de sous-marins, « si les Européens ne sentent pas que pour rester dans l'Histoire, il faut qu'ils s'unissent et défendent ensemble leurs propres intérêts, alors leur destin sera totalement différent », a martelé Jean-Yves Le Drian.