Quelques jours après la multiplication des déclarations de responsables politiques sur l'usage intensif de l'argent pour l'achat de votes, l'Association marocaine de protection des biens publics (AMPB), a saisi la présidence du Ministère public pour l'ouverture d'une information judiciaire et l'audition du Chef du gouvernement sortant, Saâd Eddine El Otmani, du SG du PAM, Abdellatif Ouahbi et du SG du PPS, Nabil Benabdallah. Pendant que la campagne électorale des scrutins du 8 septembre (législatives, communales et régionales) bat son plein, les déclarations des responsables partisans sur l'usage de fonds pour l'achat de votes fusent par-ci par-là au point de ne pas laisser indifférents les activistes de protection des deniers publics. Ainsi, se basant sur « des déclarations à la presse du Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Otmani, dans lesquelles il a confirmé que les fonds sont largement distribués lors des élections qui a employé l'expression « ça tombe comme à Gravelotte (comme une pluie violente) » ainsi que d'autres déclarations similaires des représentants du Parti Authenticité et Modernité (PAM) et du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), le Bureau national de l'AMPB a saisi la présidence du Ministère public. Atteinte à la crédibilité des élections La plainte déposée contre X, dont Hespress FR détient une copie, a été motivée par plusieurs raisons. D'abord, l'AMPB a considéré que de telles déclarations constituent une atteinte à l'intégrité et à la crédibilité des élections et des principes constitutionnels liés à la transparence, à la concurrence et à l'égalité, d'autant plus qu'elles ont été émises par le Chef du gouvernement, seul habilité par la Constitution et la loi à assurer la mission de veiller sur le déroulement des élections dans des conditions juridiques saines garantissant une concurrence loyale entre tous les candidats. Et d'ajouter que le gouvernement et son Chef devraient être au premier rang des institutions devant lutter contre ces pratiques qui nuisent à la crédibilité des élections. Deuxièmement, l'AMPB souligne que le silence face à de telles déclarations et allégations faites par des responsables publics et politiques, et l'abstention d'intervenir ainsi que le fait de ne prendre aucune mesure à leur égard, serait compris comme de la clémence envers le phénomène, l'encourageant et favorisant les candidats soupçonnés de distribuer des fonds. La plainte se base également sur le fait que ces allégations, si elles sont avérées, constituent une violation manifeste des dispositions de la loi et sont sanctionnées par le Code électoral. L'achat de votes est réprimé par la loi Dans ce cadre, la plainte précise que l'article 100 du Code électoral stipule ce qui suit : « Est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 100.000 dirhams quiconque a obtenu ou tenté d'obtenir le suffrage d'un ou de plusieurs électeurs par des dons ou libéralités, en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs d'emplois publics ou privés, ou d'autres avantages, en vue d'influencer leur vote, soit directement soit par l'entremise d'un tiers... Sont punis des peines prévues ci-dessus ceux qui ont accepté ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses ainsi que ceux qui y ont servi d'intermédiaire ou y ont participé » La plainte de l'AMPB a rappelé également les dispositions des articles 102 et 103 du Code électoral, notant que l'article 102 stipule qu' « est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 100.000 dirhams quiconque a offert, pendant la campagne électorale, des dons ou libéralités, des promesses de libéralités, ou de faveur administratives soit à une collectivité locale soit à un groupe de citoyens quels qu'ils soient, en vue d'influencer le vote d'un collège électoral ou d'une fraction de ce collège. Et de souligner que les peines prévues par les articles 100, 101 et 102 sont doublées, conformément à l'article 103, lorsque l'auteur de l'infraction est un fonctionnaire public ou un agent de l'administration ou d'une collectivité locale. L'AMPB a tenu à souligner dans sa plainte, datant du mardi 31 août 2021, que des déclarations ont été même publiées sur les sites officiels des partis concernés. Ghalloussi : le Parquet devrait réagir En conséquence des différentes raisons suscitées, l'AMPB demande au président du Ministère public «d'intervenir d'urgence et conformément à la loi et d'ordonner l'ouverture d'une enquête judiciaire approfondie sur toutes les déclarations et allégations faites par des responsables publics et politiques concernant l'utilisation présumée de fonds par certains candidats lors de ces élections afin de mettre le processus électoral à l'abri de tout soupçon pouvant porter atteinte à son caractère sacré et à la crédibilité des résultats qui en découleront ». Dans le détail, l'AMPB demande l'audition du Chef du gouvernement et secrétaire général du PJD, Saâd Eddine El Otmani, du Secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouhabi, du secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah ainsi que toute personne ou responsable politique qui peut servir l'enquête. L'AMPB réclame la poursuite de toute personne impliquée dans cette affaire. Joint par Hespress FR, le président de l'Association marocaine de protection des biens publics, Mohammed Ghallousi, a déclaré que «Parquet devrait veiller sur l'application de la loi étant donné qu'il a pris l'habitude d'interagir avec tous les communiqués et tout ce qui s'écrit sur les réseaux sociaux ». « Donc, comment se fait-il que le ministère public n'agisse pas à propos de ces déclarations et allégations qui ont été répandues à grande échelle et qui ont même été publiées dans des communiqués ? », s'est-il interrogé en soulignant que « le parquet procède par auto-saisine lorsqu'il s'agit d'affaires en relation avec la liberté d'expression et n'attend pas de saisine de la part ». « S'il s'agit de faits avérés à propos d'achat de votes, il faut lancer les poursuites contre les fraudeurs et s'il s'agit de déclarations à caractère politiques ou de surenchères politiques, il faut bien entendu poursuivre les responsables politiques qui ont nui à la crédibilité des épreuves électorales », a-t-il conclu.