Le projet Pegasus conduit par le consortitum Forbidden Stories dit avoir découvert que le numéro de téléphone du Roi Mohammed VI figurait sur la liste des numéros marocains du logiciel espion Pegasus de la société israélienne NSO. Plusieurs membres de la famille royale marocaine et de proches collaborateurs du souverain dont le patron de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire auraient également été ciblés, selon les investigations menées par les 17 médias associés au projet. Imaginez un instant la conversation téléphonique suivante : Forbidden Stories : "Allô , vous êtes bien le Roi du Maroc?" Roi Mohammed VI : "oui, c'est bien moi". Forbidden stories : "nous voulons vérifier que c'est bien votre numéro parce que nous pensons qu'il a été piraté par le Maroc". Roi Mohammed VI : "vous voulez dire que j'aurais piraté mon propre téléphone ?" Forbidden Stories : "non, on veut dire, vos services de sécurité". Roi Mohammed VI : " ah, vraiment ? Lequel de mes services ? Forbidden Stories : "ben en fait, on ne sait pas vraiment parce que le numéro de téléphone de votre chef de la DGST et de la DGSN, Abdellatif Hammouchi, est également dans la liste". Cela aurait été un véritable scoop pour Forbidden stories si le consortium avait pu obtenir un tel échange avec le Roi du Maroc. Evidemment, il n'en est rien. Pourtant, si l'on en croit les informations parues ces derniers jours dans les 17 supports associés au "Projet Pegasus » monté par la plateforme de l'association de journalistes Freedom Voices Network, Forbidden Stories, c'est uniquement en opérant une telle vérification que des noms peuvent être mis devant les 50 000 numéros de téléphone dont dit disposer le consortium de journalistes, dont 10 000 attribués au Maroc. Le piratage, lui, ne peut être "confirmé" que si le propriétaire du téléphone le donne pour expertise technique réalisée par le Security Lab d'Amnesty International et qu'elle soit corroborée par le groupe de recherche canadien Citizen Lab. Là encore, nous avons du mal à imaginer que le Roi Mohammed VI donne son téléphone portable pour une telle opération, tout comme, d'ailleurs, on ne peut concevoir que le président français Emmanuel Macron, également ciblé selon Forbidden Stories, par le logiciel espion Pégasus, se prête à cet exercice pour le moins inconcevable. Ce "Projet Pégasus" suscite de nombreuses questions évidemment et chacun y va de son analyse depuis plusieurs jours. Plus nous avançons dans le temps, plus nous lisons et entendons l'exposition des faits, les réactions et les commentaires et plus le caractère grotesque de cette affaire émerge comme une verrue au milieu de la figure. Une énorme excroissance, un poireau, une véritable tumeur qu'aucun traitement ne pourra plus soigner tant elle grandit vite au fil des heures. Non seulement les 17 médias associés y jouent leur crédibilité mais le consortium Forbidden stories dont le directeur Laurent Richard qui se voyait déjà comparé à Edward Snowden version française, y laissera sa raison d'être même. La colère de certains journaliste du quotidien Le Monde Au sein de la rédaction du quotidien français Le Monde où plusieurs réunions « secrètes » avaient pourtant été organisées autour du dossier Pégasus, la colère est à peine voilée chez certains vieux routiers de la rédaction. Peu enclin à caresser dans le sens du poil dès qu'il s'agit du Maroc, notre contact qui accepte de témoigner à condition que son nom ne soit pas cité, est "hors de lui", dit-il. "Cela fait 19 ans que je travaille ici, je n'ai jamais vu un tel amateurisme. Tout dans l'emballage et rien dans le fond". "Il y a des contradictions criantes d'un média à l'autre, regardez ce qu'écrit le Washington Post par exemple", argumente notre reporter qui conclut "sans qu'aucune preuve ne soit jamais avancée. Regardez par exemple, d'un côté, la responsabilité directe du premier flic du Maroc est pointée et de l'autre, on dit qu'il était lui-même ciblé par le logiciel israélien. Nous sommes dans le ridicule le plus absolu". Le directeur de Forbidden Stories allait chercher les listes à Berlin Au sein de l'équipe de Forbidden Stories, le cœur n'est pas aux réjouissances non plus. Les défections dans les rangs du consortium se seraient multipliées ces derniers mois dont celle de la journaliste Cécile Schilis-Gallego qui s'était spécialisée sur les dossiers Maroc. "L'argent manque", nous apprend un membre du consortium également sur le départ. Il quitte la structure car "l'égo démesuré de Laurent (Richard) nous discrédite et va mener à notre perte. Je ne veux pas être là pour le voir". Laurent Richard voit grand et surtout, il a bon espoir que "The Pegasus Project" lui permette d'obtenir des financements importants, notamment de structures, de Fondations dont le Maroc semble retenir toute l'attention. A la question de savoir comment le consortium a eu accès à la liste des 50 000 numéros de téléphones qui auraient été ciblés par le logiciel espion israélien, notre interlocuteur hésite avant de nous dire que Laurent Richard et Sandrine Rigaud, rédactrice en chef, accompagnés d'un membre de l'association Amnesty International "se rendaient à Berlin pour y rencontrer leur contact. Un israélien je crois mais on en a jamais su plus que cela, c'était un sujet tabou que personne ne pouvait aborder ouvertement", affirme le journaliste qui s'empressera de raccrocher lorsque nous lui demandons pourquoi le Maroc prenait autant de place dans le traitement éditorial de l'équipe de Forbidden Stories. Une certitude: cibler Abdellatif Hammouchi est "une commande" Pour comprendre que le directeur général de la DGST et de la DGSN est l'homme à abattre, il n'est nul besoin de poser la question d'autant que les enjeux dépassent Forbidden Stories. Son Projet Pégasus , avec tous les manquements qui le caractérisent, présente au moins le mérite de confirmer que pointer une arme médiatique sur la tempe du patron de la sécurité intérieure marocaine est un des objectifs, pour ne pas dire "mandats" de Forbidden Stories. Tous les éléments distillés dans le dossier traité essentiellement par les médias français associés à la médiatisation, nous ramènent inévitablement à l'homme fort de la sécurité marocaine et ce n'ai bien évidemment pas la première fois. On aura rarement vu, dans la presse française, un tel acharnement contre une seule et même personne. En réalité, il s'agit d'une véritable cabale menée avec une ardeur furieuse et cela dure depuis la crise qui avait jeté un froid sur les relations entre Paris et Rabat en 2014. La réforme en profondeur entreprise par Abdellatif Hammouchi sur ordre du Roi des appareils sécuritaires de l'Etat dont il a la charge dérangerait-elle au point d'imaginer des "dossiers sur mesures" comme celui de Pégasus? Pourtant, l'homme ne semble pas agir dans le secret à la manière de J Edgar Hoover, le créateur aux pratiques contestées du FBI. S'il y avait un point commun, il tiendrait uniquement de la volonté de protéger un pays et ses institutions, et là-dessus, les services de sécurité marocains n'ont rien à envier à leurs équivalents européens.Ne serait-ce pas là peut-être le.... mobile ? Disons-le une bonne fois pour toutes, avec le langage qui sied : il s'agit de rabattre son caquet à ce pays arabe et musulman, cette ancienne colonie, ces bougnoules qui revendiquent leur régime monarchique, nous contredisent publiquement, nous prennent des parts de marchés en Afrique, méprisent nos entreprises et viennent nous donner des leçons en matière de lutte contre le terrorisme. Le patron de la sécurité intérieure marocaine ciblé par Pégasus? Le plus extravagant dans les révélations du Projet Pégasus est qu'Abdellatif Hammouchi lui-même aurait été ciblé par le logiciel espion israélien, à en croire la publication ibérique El Espagnol. Elle affirme dans un article publié le 20 juillet sous la plume acerbe de la journaliste Sonia Moreno que le Directeur Général de la DGST et de la DGSN, figure également dans la liste des personnes espionnées. Tentant de l'expliquer, la journaliste pointe du doigt, sans convictions aucune, les services extérieurs du Maroc, la DGED dirigée par Mohammed Yassine Mansouri. Un narratif qui n'a rien à envier aux livres de John le Carré, Ian Flemming ou encore Graham Greene : agents secrets, guerre entre les services, logiciel espion et vaste complot politique d'envergure internationale. Mais à y regarder de plus près, les ingrédients qui rendent captivant les romans d'espionnage manquent cruellement dans l'histoire que présente Forbidden Stories : des preuves. Rien, pas le moindre document présenté, pas le moindre indice avancé. Rien. Des contradictions, des hypothèses burlesques et une méconnaissance choquante du monde de l'espionnage. Le Projet Pegasus, cette créature pour le coup véritablement fantastique créée par les mythologistes du consortium, devait apporter éclairs et tonnerre dans le ciel marocain. Aujourd'hui, elle risque bien de couper définitivement les ailes des responsables de Forbidden Stories, peu regardant sur les intérêts défendus par leur source berlinoise. Le consortium a-t-il été manipulé par un service de sécurité ? Tout porterait à le croire. Cependant, ceci n'explique en rien l'inconsistance de l'enquête qui a été livrée et la désinformation volontairement cultivée par ses auteurs. Amnesty International a pris ses distances avec le dossier, Jean Castex le premier ministre français déclare "irresponsable" de commenter les révélations de la presse à ce stade et le Maroc ne lâchera rien devant la justice au niveau international, sachant qu'il a démenti il y a un an et maintient qu'il ne dispose pas de cette technologie israélienne. Les Gafam aussi puissant que des logiciels espions Il y a également quelque chose qui nous fait tous sombrer dans un ridicule bouleversant dans une affaire présentée comme le scandale de la décennie : il n'y a rien ou si peu qui différencie le logiciel espion israélien Pégasus de ce que font....les Gafam. Google, Amazone, Facebook, Apple et Microsoft, les géants américains qui dominent le web ont la capacité de nous espionner et d'obtenir exactement les mêmes informations que Pégasus sans que les utilisateurs en aient conscience. Imaginez enfin qu'il puisse y avoir eu le contact suivant : -Forbidden Stories : "Allo, vous êtes bien le directeur général de la Direction générale de la Surveillance du Territoire Abdellatif Hammouchi?" -A.Hammouchi : "oui oui, c'est bien moi". -Forbidden Stories : "je vous appelle parce que vous avez été espionné par la technologie israélienne Pégasus via votre smartphone. Oui, je sais qu'on a fait campagne contre vous pour dire que vous étiez derrière l'espionnage des journalistes et des militants de droits de l'Homme au Maroc mais en fait, on s'est peut-être trompé". -A.Hammouchi : "une chose est sûre, vous vous trompez encore : tout le monde sait que tous les sécuritaires dans le monde n'utilisent pas de smartphone." Une centaine de journalistes, 17 médias et Amnesty International pour arriver à ça. Un déshonneur pour la presse.