Lors de sa dernière réunion tenue à distance, le Bureau national du Syndicat national de l'enseignement (SNE), affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT), s'est arrêté sur la situation de l'éducation au Maroc en temps de pandémie qu'il juge « tendue d'une manière qui menace la saison scolaire actuelle et l'avenir des générations futures ». Le syndicat justifie ses propos par le choix confus du ministère de l'Education nationale d'opter pour le modèle de l'enseignement en alternance. Un modèle qui a donné suite, selon le même syndicat, à la réduction du temps d'apprentissage des élèves et ses répercussions sur le déroulement de la mise en œuvre des curricula et des programmes d'études mis en place pour acquérir les compétences ciblées. Le mode d'enseignement en alternance adopté par le ministère de l'Education nationale depuis le début de la saison scolaire 2020/21 pour faire face à la pandémie, a énormément été critiqué par les nombreux parents qui se sont confiés à Hespress Fr. Entre les cours en présentiel et ceux dispensés à distance, les familles et les élèves s'en retrouvent perdus. Ils se posent aussi une tonne de questions, notamment si leurs enfants arriveront à finir le programme scolaire dans les temps. Joint par Hespress Fr au sujet de ce point abordé en premier lors de la réunion syndicale précitée, Abdelghani Raki, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement affilié à la CDT a rappelé que la tutelle a fait un choix en cette conjoncture de crise sanitaire, à savoir enseigner en présentiel à 50% de son emploi du temps scolaire, et les 50% restants du temps devient une auto-apprentissage. Comment ? Dans les détails, l'enseignant dispense 50% des cours en présentiel, et les 50% des cours restants, il les donne aux élèves pour les étudier à la maison. Ce qu'on appelle justement « l'auto-apprentissage ». Si ces derniers ont des difficultés sur un point du cours, ils en parlent avec leur professeur lors du cours présentiel suivant. « Cette formule d'auto-apprentissage des élèves, les Marocains l'ont testée l'année précédente quand le confinement a été instauré. Il y a eu donc l'enseignement à distance qui a été un ratage à tous les niveaux, et le ministère l'a confirmé en se basant, pour les examens, uniquement sur les cours dispensés en présentiel et non sur ceux dispensés à distance. Cela confirme clairement que les cours enseignés à distance ne l'ont jamais été correctement et qu'on ne pouvait pas évaluer les élèves sur la base de ces cours« , estime le syndicaliste. Le SNE a réalisé plusieurs sondages dans ce sens, sortant ainsi avec plusieurs constats, nous confie Raki. Le premier c'est que plus du tiers des élèves ne suivaient pas du tout les cours dispensés à distance, tandis que les autres suivaient les cours sur les différentes plateformes d'enseignement et étaient présents quand l'enseignant donnait un cours à distance sur l'un des réseaux sociaux. Cela dit, plusieurs raisons ont fait qu'un tiers des élèves marocains n'ont pas pu suivre leurs cours à distance souligne le syndicaliste. La première raison reste la situation sociale précaire des enfants. « Pas tous les enfants ont la chance d'avoir un smartphone, une tablette, un ordinateur ou encore moins la Wifi chez eux. Pas tous les élèves ont 5 dhs pour recharger internet ou encore habitent dans des zones géographiques où la couverture Internet est bonne. Tous ces facteurs ont donné suite à un bilan médiocre de l'année scolaire 2019-2020« , souligné Raki, notant que cet état est toujours d'actualité. Vu tous ces problèmes que connait le système de l'éducation nationale, les enseignants et élèves arriveront ils à achever leur programme scolaire, avec excellence et non seulement sur les papiers, ou bien sommes-nous en train de sacrifier une année de plus et avec elle toute une génération ? Interrogé sur ce point, le SG du SNE nous a indiqué *que la tutelle a adressé une circulaire aux enseignants et responsables locaux au niveau des provinces et régions, pour appréhender les cours qui ont été appris réellement et correctement, vu que les examens annuels seront basés sur les cours réalisés en présentiel, soit 50% du programme scolaire. Selon le syndicaliste, « 99% des cours dispensés à distance, ne seront pas pris en compte dans les examens ». Pour répondre à notre question, Raki estime qu'il s'agit là d'une énorme perte de temps scolaire et se demande par la même occasion comment peut-on demander à un enfant au CP de s'auto-éduquer et d'auto-apprendre, sans prendre en compte ni son jeune âge, ni sa situation sociale et familiale (parents au chômage, parents indisponibles au travail ...). Tout cela donnera suite à « un handicap dans le futur » se désole notre interlocuteur. Face à tous ces facteurs qui gangrènent le bon fonctionnement de l'école, on se demande aujourd'hui si cette année scolaire peut encore être sauvée. Abdelaghani Raki reste optimiste et espère que notre pays et le monde entier avec, sorte de cette pandémie avec les moindres dégâts. « On espère que ce sera la dernière année de pandémie, et que tout reviendra à la normale l'année prochaine. Du coup, un effort exceptionnel doit être fourni par tous les intervenants lors de la prochaine saison scolaire pour rattraper le temps et réparer les dégâts causés par la crise sanitaire« , dit-il. Et pour que les ressources humaines fassent des efforts dans un domaine, elles doivent avoir le moral pour le faire, la conviction et la motivation, souligne le syndicaliste qui pointe l'absence d'un dialogue avec la tutelle depuis plus de deux ans. 23 dossiers revendicatifs sur la table d'un ministère qui fait « la sourde oreille« Au moment où il est demandé aux enseignants et cadres de l'enseignement de fournir un effort supplémentaire et exceptionnel pour pouvoir sauver toute une génération de Marocains, Raki estime que ces employés doivent sentir que leurs efforts sont pris en considération. » Au moment où je vous parle, notre tutelle fait la sourde oreille sur les revendications des syndicats, qui sont les représentants des employés » dénonce-t-il. Cela fait presque deux ans que les syndicats les plus représentatifs du secteur de l'éducation ne se sont pas réunis avec le ministre de l'Education nationale, Said Amzazi. La dernière rencontre date du 25 février 2019, lors du dialogue sectoriel. Depuis, silence radio. « C'est lors des rencontres qu'on peut trouver des solutions à tous les problèmes du secteur. Quand nous nous mettons à table avec la tutelle, nous ne faisons pas que réclamer des augmentations et primes, mais nous discutons aussi de l'école publique. Nous évoquons l'amélioration des conditions de travail pour l'élève et l'enseignant pour que les cours soient dispensés dans de meilleures conditions avec un résultat final satisfaisant pour toutes les parties prenantes« , dit-il. Accusé par l'opinion publique de lancer des grèves au quotidien et de bloquer le bon fonctionnement de l'école publique et l'apprentissage des élèves, le syndicaliste rappelle que « le système de l'éducation nationale vit dans un grand tourment depuis deux mois« , d'où les grèves et sit-in des différentes catégories de l'enseignement. D'un côté les contractuels, de l'autre les diplômés …. accusant ainsi la tutelle de cette congestion que vit le secteur. « Nous avons 23 dossiers en suspens avec le ministère. Et ces dossiers comportent des grèves et sit-in. Et le résultat est un emploi du temps scolaire perdu. Mais le responsable est le ministère. La preuve ? Le ministre ne s'est pas réuni avec les syndicats depuis plus de deux ans. À ma connaissance, c'est un fonctionnaire de l'Etat que les citoyens marocains payent. Mais on a l'impression qu'il nous fait une faveur en se réunissant avec nous. C'est son devoir d'écouter et de discuter avec les syndicats du secteur et les associations des parents d'élèves et tous les partenaires sociaux. Sans parler de la gestion de la pandémie qui s'est faite de manière unilatérale par le ministère, sans intégrer les autres parties et écouter leurs propositions et suggestions qui pouvaient être utiles », conclut Abdelghani Raki.