A l'approche du deuxième anniversaire du Hirak prévu le 22 février, la revue de l'armée algérienne « El Djeich » a consacré son numéro de février à la défense du président algérien absent, Abdelmadjid Tebboune, et à la critique des militants du Hirak et d'une supposée tentative d'ingérence étrangère. Dans un exercice de haute voltige, les rédacteurs de la revue militaire, ont tour à tour critiqué les marches du Hirak, avant de rappeler que cette journée a été nommée « Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie » tentant de lui donner un cachet faussement fraternel et éteindre la flamme des revendications et la grogne sociale en faveur d'une Algérie démocratique loin de la dictature militaire. La revue a consacré son édito et son premier article également à un prêche sur la légitimité du président Abdelmadjid Tebboune qui aurait accompli de grands projets depuis son élection en 2019, dans un contexte d'une première tentative d'organisation des élections ratée, et une deuxième largement boycottée par le peuple algérien. Abdelmadjid Tebboune sauveur de l'Algérie Présenté en sauveur et bâtisseur de ce qu'ils ont appelé « nouvelle Algérie », le président de la république aurait été élu « en toute transparence et démocratie » et avec sa victoire, il aurait « anéanti à jamais » les « rêves » des militants du Hirak et des partis d'opposition, « cette nébuleuse interlope qui pariait sur le vide de l'arène politique et le démembrement de l'Etat national ». Au moment où le président algérien se trouve toujours en Allemagne pour son deuxième séjour maladie avec un coût d'hospitalisation estimé par des médecins en Allemagne à 40.000 euros par jour pour lui et sa garde rapprochée, pendant que le pays affronte seul la pandémie du coronavirus avec des hôpitaux insalubres, ainsi qu'une campagne nationale de vaccination qui aura duré 4 jours avec quelques vaccins distribués ça et là, la revue Djeich a jugé que « Monsieur le Président a initié une approche efficiente contre le Covid-19 dont la bataille est gagnée par rapport à d'autres pays mieux équipés ». « Il convient de dire que la nouvelle Algérie est une réalité concrète, traçant son chemin avec sagesse et fermeté, s'inspirant de sa glorieuse histoire, son Président élu, son valeureux peuple et son armée héroïque », a ajouté la publication avant de se contredire un peu plus loin en employant au futur les revendications du Hirak. « Notre pays célèbre le deuxième anniversaire des marches populaires pacifiques à travers lesquelles le peuple algérien a exprimé ses ambitions et ses aspirations en des lendemains radieux où la justice sera une réalité, où prévaudra l'égalité des chances et où tout le monde se mobilisera pour construire une Algérie forte et prospère », peut-on lire. Et de continuer à glorifier le président Tebboune qui aurait mené de front trois batailles: « Tout d'abord la lutte contre le sous-dévelopement où il a mis en valeur les zones d'ombre ainsi que l'amélioration du niveau de vie des citoyens », alors que les manifestations dénonçant le chômage et la pauvreté s'intensifient. Deuxième bataille, la gestion de la crise du coronavirus, et « la tenue du référendum sur la Constitution et l'organisation des élections législatives et locales, tous ces acquis ont été concrétisés », ajoute la publication au moment où le taux de participation au référendum a enregistré un score historiquement bas de 23,7% et de 39,93% pour l'élection d'Abdelmadjid Tebboune. Hirak et menace étrangère Se refusant de nommer le « Hirak », un mouvement anti-système, la revue y fait référence en appelant les militants de « rêveurs » et d' »illusionnistes » et affirme que l'époque du Hirak appartient au passé. « Les rêveurs qui veulent semer le chaos et la discorde au sein du peuple ou les illusionnistes qui aspirent à concrétiser des intérêts au détriment de la Nation, semblent ignorer que cette époque est bien révolue et ne représente qu'un souvenir lointain », écrit El Djeich. Et la revue qui a titré son édition « Déterminés à mettre en échec tous les desseins hostiles » d'ajouter « que tout le monde soit sûr que les objectifs de cette secte nauséabonde ne peuvent et ne pourraient se concrétiser ». Concernant le volet de la menace étrangère, l'armée algérienne qui continue de rabâcher cette excuse pour légitimer sa présence, a écrit que l'Algérie est ciblée par « des parties étrangères qui n'ont pas apprécié cette démarche patriotique et souveraine qu'il a empruntée dans un monde caractérisé, ces derniers temps, par des mutations, des défis et des menaces visant le cœur même de l'Etat national », en faisant référence à tous les chamboulements qu'a connu le pays ces derniers mois, notamment l'emprisonnement d'étudiants, de journalistes, de bloggeurs, de manifestants, d'hommes d'affaires, d'anciens patrons des renseignements, ou encore de figures politiques. « La nouvelle Algérie, qui dérange cette partie (la partie étrangère, sans la nommer) rejette toute tutelle de quelque partie que ce soit, toute injonction ou intervention étrangères, car l'Algérie, qui a payé un lourd tribut pour le recouvrement de sa souveraineté, n'acceptera jamais toute atteinte à ce principe immuable du peuple algérien dans son ensemble », a ajouté El Djeich. Selon la revue, l'armée nationale populaire (ANP) s'est tenue « aux côtés du peuple, en s'alignant sur ses choix et sur tout ce qui pourrait répondre à ses revendications, dont les plus importantes ont été concrétisées sur le terrain (…) à l'exemple des élections législatives, comme l'a annoncé Monsieur le président de la République à plusieurs occasions ». Mais la revue a oublié que l'une des principales revendications du peuple algérien se trouvait dans les slogans répétés pendant les marches du Hirak: « Dawla madania machi askaria! » (un Etat civil et non pas militaire!) et « chaab la yourid hokm el askar min jadid !», (le peuple ne veut plus d'un régime militaire!). Les « parties ennemies » ont » commencé à agiter leurs pions et instruit certaines voix malintentionnées, servant des agendas extérieurs connus de tous, à s'élever dans le but de s'approprier les revendications légitimes du peuple et de distiller leur venin dans une tentative de plonger le pays dans le chaos et de brouiller les cartes », a encore ajouté la revue après que le système a incarcéré les journalistes, et maintient en détention l'un des correspondants de TV5 Monde pour avoir couvert les manifestations du Hirak et au moment où un autre journaliste spécialiste des enquêtes a dû être exfiltré en France pour pouvoir s'exprimer après que sa vie et celle de sa famille a été menacée.