Que veut la France? Que vaut la France ? A la deuxième question, je répondrais d'emblée que la France est pour le Maroc un allié historique et important au comportement versatile et imprévisible, sauf qu'à un tournant aussi décisif pour le Royaume comme celui de la reconnaissance de son intégrité territoriale par les USA la république a vraiment du retard, un retard qui nous amène à poser la question suivante : Où se situe la France par rapport aux derniers développements au Sahara marocain ? *Par Dr Mustapha Grine En effet la France, ancienne puissance coloniale, est directement concernée par le cours des événements, en raison de sa position restée jusqu'ici prépondérante et de son engagement politique, économique et culturel au Maroc en particulier et dans la région en général, mais ces derniers développements, par leur ampleur et la rapidité avec laquelle ils sont survenus, semblent avoir généré une grande stupeur à Paris et risquent fort de mettre en péril les intérêts de nos partenaires français, car il parait que la dynamique créée par les USA au Sahara va ouvrir la voie et l'appétit à d'autres concurrents de l'hexagone. Ainsi, par son manque de réactivité, très suspect par ailleurs, la France s'est retrouvée, prise en tenaille, d'une part elle ne peut pas retirer ses investissements et ses « troupes » du Maroc, vu que ça lui reviendrait extrêmement cher sur le plan stratégique et entraînerait la perte définitive de sa position politique et culturelle dominante et sa présence économique très lucrative, une perte sèche qui risque de se propager, non pas seulement dans le royaume mais, comme une réaction en chaîne, dans une bonne partie du continent Africain, et par conséquent la perte inéluctable de son influence en Afrique et de son poids à l'international. Et d'un autre côté, elle ne peut pas laisser faire les anglo-saxons sans défendre son statut, car ça la reléguerait à un rang appendiculaire et lui laisserait un rôle secondaire indigne de ce grand pays. Ainsi, la solution la plus sage à court terme comme à long terme aurait été de s'intégrer dans cette dynamique et de se positionner en renouvelant et en redynamisant ses relations avec le Royaume en particulier et l'Afrique francophone en général, sauf qu'à regarder de près, il n'en est rien, la France traîne le pas, et serait apparemment tentée , dans sa recherche de riposte aux anglo-saxons, de profiter de l'inimitié algérienne historique envers le Royaume ( dans laquelle la France détient d'ailleurs une bonne part de responsabilité), cette inimitié qui frôle la haine et qui a récemment été attisée par la reconnaissance du Sahara Marocain par les USA. Et comme si le mal de France devait toujours nous venir d'Algérie, Paris serait-elle tentée à cette occasion et dans cette même logique, d'user du profond mécontentement du pouvoir en place à Alger envers les américains pour renforcer sa présence dans la région au dépends du Royaume Chérifien, en instrumentalisant le conflit ou en délocalisant ses capitaux et ses équipes vers l'Est ? Surtout dans ce contexte où la France vit sous la crainte d'être rattrapée par l'histoire sur la base de sa responsabilité dans crimes commis pendant la période coloniale et sa part de responsabilité dans la genèse des problèmes territoriaux entre le Maroc et l'Algérie? Si telle est la réflexion de Paris, ce qui n'est absolument pas sage politiquement, bien que ça ne m'étonnerait nullement vu la maladresse dont elle fait preuve depuis quelques années déjà, et vu que la France a presque perdu tout crédit auprès du peuple algérien en raison de son manque de neutralité vis-à-vis du mouvement social en Algérie et son interférence dans les affaires internes des algériens et du soutien qu'elle a toujours prodigué à la dictature comme elle l'avait fait en Tunisie auparavant, Si telle est sa réflexion, alors elle ne peut la mettre à exécution sans l'aide et l'implication directe des généraux déchus par le Hirak et qui sont restés loyaux envers Paris, n'est-ce pas elle qui les a mis en place, protégés et soutenus depuis l'indépendance? Ceci expliquerait alors aisément le revirement de situation sur le plan juridique en Algérie, à travers l'annulation des peines prononcées en première instance et en appel, et la proclamation d'innocence par la cour suprême, en faveur d'anciens responsables du régime militaire algérien coupables de crimes contre le peuple, de détournement de fonds, de complot contre l'Etat et d'abus divers, cette décision de la cour suprême, qui met à mal l'intégrité et l'indépendance du système judiciaire algérien dans sa globalité, ne semble nullement être un hasard ou une coïncidence avec le retour du président algérien, que le président français Macron avait promis de soutenir (sous-entendre prendre des décisions à sa place). Tout ce scénario, très mal fait d'ailleurs, viserait finalement à nuire et essayer de plier le Maroc afin de le dissuader de diversifier ses relations internationales et le maintenir sous « protectorat » non déclaré, sauf que ceci risque de coûter encore une fois cher à la France, à en juger par le débarquement de l'américain David Schenker et ses déclarations hier à Alger après quoi il se rendrait à Rabat, une visite pleine de signaux, surtout si les USA réussissaient à désamorcer la crise Maroco-Algérienne voir même lancer les deux pays sur la voie de la réconciliation et la normalisation. Toutefois, il est important pour nous, devant une pareille situation, de rester éveillés, car le risque pour notre pays est double: D'abord la manipulation possible du lobby français au Maroc et dans certains pays Francophones, encore sous tutelle, par Paris, avec des retombées et prolongements possibles au sein de l'Union Africaine, et ensuite l'activation d'éventuelles cellules terroristes dormantes au sud algérien et au Sahel par Alger dont les connivences avec les terroristes ne sont plus un secret pour personne, afin de mener des actions de déstabilisation dans les grandes villes abritant les consulats étrangers, à savoir Dakhla et Laayoune. Ce qui nous pousse à proclamer une stratégie-action selon trois axes : Le renforcement de la surveillance autour des intérêts et investissements Marocains en Afrique sub-saharienne et l'intelligence économique, l'activation des alliances marocaines afin de consolider la présence internationale, consulaire et économico-financière dans les provinces du Sud et enfin la mise en alerte des services de renseignement militaires et civils aux frontières en partenariat avec les américains. Après tout qu'est-ce que la France a, que les autres puissances ne peuvent pas offrir ? Ne serait-il pas temps pour Paris d'essayer d'autres voies, plus sages vis-à-vis desquels nous serons plus réceptifs ? *Président de l'observatoire National de Justice Sociale ( ONJS)