Le parlement européen a adopté, jeudi soir, une résolution d'urgence dénonçant la détérioration des libertés en Algérie, citant, exemples concrets à l'appui, les arrestations massives de militants de la société civile et de journalistes. Les eurodéputés réunis en plénière à Bruxelles condamnent « fermement l'escalade des arrestations et détentions illégales et arbitraires et le harcèlement juridique dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme, les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les militants pacifiques en Algérie », indique le texte de la résolution européenne. Et d'estimer que ces pratiques ferment « toute possibilité de dialogue politique sur la révision constitutionnelle non démocratique et entrave l'exercice des libertés d'expression, de réunion et d'association » en Algérie. Les députés européens dénoncent « le recours à l'introduction de mesures d'urgence dans le contexte de la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour restreindre les droits fondamentaux du peuple algérien ». C'est la deuxième fois en un an qu'une résolution du parlement européen est adoptée en urgence pour appeler l'Algérie à respecter les droits de l'homme et mettre à témoin la communauté internationale sur la situation grave des libertés dans ce pays. La résolution a été adoptée par une écrasante majorité soit par 669 députés pour et seulement 3 contre. Le texte de la résolution revient sur la situation en Algérie qui connait depuis l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune une répression sans pareille qui musèle la population mais surtout la presse. Plusieurs journalistes ont été arrêtés dans des conditions bafouant les droits de l'Homme et soumis à des peines arbitraires depuis le début du mouvement anti-système et pro-démocratie Hirak. Les autorités algériennes se sont empressées de faire taire toutes les voix dissonantes qui s'élevaient contre le pouvoir représenté par Tebboune et les militaires. Le texte cite la censure, les procès et les lourdes sanctions à l'encontre de médias indépendants, et revient sur les excuses que le pouvoir algérien sort pour défendre ces actes anti-démocratiques. Ces personnes intimidées, réprimées et arrêtées sont « souvent accusés de comploter avec des puissances étrangères contre la sécurité nationale ». Cette tendance continue « de s'aggraver », dénoncent les députés européens signalant des « arrestations massives de militants de la société civile et de journalistes », mais aussi de politiques comme Rachid Nekkaz. Les eurodéputés ont également signalé les agissements du système algérien qui profite de la crise du coronavirus pour légitimer le renforcement des contrôles. Ces mesures de sécurité instaurées pour lutter contre la pandémie de COVID-19 « sont utilisées par les autorités pour restreindre davantage l'espace civique, limiter la dissidence pacifique et entraver la liberté d'expression », assènent-ils. Par ailleurs, des cas de torture ont été relevés par les eurodéputés qui soulignent « des cas de torture dans les commissariats de police et à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Alger » citant à cet égard le cas du prisonnier Walid Nekkiche. Sans oublier le cas du journaliste Khaled Drareni qui est arrêté depuis plusieurs mois et dont la santé se détériore simplement parce qu'il a fait son travail de journaliste en couvrant les manifestations du Hirak, notamment à travers son compte Twitter où ses photos, vidéos et tweets partagés dépassaient les frontières algériennes. La liberté d'expression, la liberté de la presse, ont été bafouées depuis le début de la crise du Hirak débutée en 2019 et se poursuit dans ce pays qui cherche à se reconstruire, créer un nouveau modèle démocratique, et instituer une vraie transition politique qui, malheureusement n'est pas reflétée par l'actuel chef d'Etat, placé au sommet du pouvoir sans avoir la confiance du peuple qui a boycotté les élections. Plusieurs sites d'information, de radio privées, ont été bloqués en Algérie, et subissent de constantes censures. Les journalistes lorsqu'ils ne sont pas détenus sont harcelés, et témoignent de leur peur d'exercer leur métier face aux possibles répercussions. L'opposition a également été attaquée, harcelée et menacée depuis le début de la crise du Hirak. La cheffe de la gauche Louisa Hanoune a été emprisonnée dans la prison d'El Harrache avec d'autres grandes figures militaires algériennes ainsi que le frère du président Abdelaziz Bouteflika, pour « complot » contre l'Etat. D'autres chefs de partis politique d'opposition ont subi des pressions et des menaces de la part des autorités. Certains partis étaient menacés de dissolution, et des procédures de levée d'immunité parlementaire visaient certains représentants de ces partis. Sans oublier que les autorité algériennes ont interdit à ces partis d'opposition de se réunir. La résolution du Parlement européen critique également la révision de la Constitution algérienne, un projet lancé par Abdelmadjid Tebboune. Elle affirme qu'elle a « perdu toute légitimité aux yeux du public« , en témoigne le taux de participation historiquement bas. « Les autorités algériennes font avancer un processus de révision constitutionnelle dicté par le gouvernement, prétendument dans le cadre de l'engagement pris par le président Tebboune lors de son investiture de construire une nouvelle Algérie (…) alors que ce processus est loin de compter sur un soutien massif de la société algérienne et est critiqué par des organisations de la société civile indépendantes comme enfreignant les normes internationales en matière d'ouverture, de participation, de transparence et de souveraineté des processus constitutifs », affirme le document. Face à cette situation préoccupante de restrictions des libertés, les députés européens invitent les autorités algériennes à « déverrouiller les médias et à mettre fin à toute arrestation ou détention de militants politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme ou de personnes qui expriment une opinion dissidente ou critique à l'égard du gouvernement ». Elle appelle également à remettre en liberté les détenus d'opinion, les journalistes, les manifestants pacifiques qui ont été arrêtés arbitrairement. Et invite à « mettre fin à toutes les formes d'intimidation, de harcèlement judiciaire, de criminalisation et d'arrestation ou de détention arbitraires à l'encontre des journalistes qui critiquent le gouvernement, des blogueurs, des défenseurs des droits de l'homme, des avocats et des militants ».