Dans le cadre des activités du projet « Justice fiscale, suivi budgétaire et participation citoyenne« , réalisé en partenariat avec Oxfam, une rencontre a eu lieu ce mardi à Rabat, dans le but de consolider les actions de plaidoyer menées par Transparency Maroc, mais aussi consolider les principes de transparence et du développement de la participation citoyenne dans la préparation et la gestion du budget public. Dans un premier temps, l'adjoint du secrétaire général de Transparency Maroc et membre de son conseil national, Abdelaziz Messaoudi, est revenu sur l'histoire de la fiscalité au Maroc, rappelant ainsi que le système fiscal marocain, globalement, a été mis en place au milieu des années 1980, dans le cadre du Plan d'ajustement structurel (PAS). Il poursuit que sur le plan international, c'est le contexte de la grande vague néo-libérale qui a fait que tout doit être soumis à la dictature du marché. Le premier impôt à avoir été mis en place au Maroc, en 1985, est la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est une impôt indirect sur la consommation, remplaçant la taxe sur les produits et la taxe sur les services, suivi par l'IS qui a été crée en 1986 pour remplacer l'Impôt sur les Bénéfices professionnels (IBP) pour les personnes morales. Et plus tard, l'Impôt générale sur le revenu (IGR) qui s'est substitué à plusieurs impôts et taxe, précise l'adjoint du SG de Transparency Maroc. Une multitude d'impôts qui n'ont malheureusement pas contribué suffisamment à la prospérité et à l'épanouissement d'une partie des Marocains. Selon Abdelaziz Messaoudi qui s'est confié à Hespress Fr, « le système fiscal marocain n'est pas un système équitable« . Pourquoi ? Notre interlocuteur explique que l'un des premiers indicateurs qui permet de démontrer cette injustice, c'est l'importance des impôts indirects, qui représentent plus de 50% du total des recettes fiscales, notamment la TVA et la TIC (taxe intérieure sur la consommation). Photo : Mounir Mehimdate Ces impôts ne tiennent pas compte des capacités contributives des contribuables, contrairement à ce qui est prévu dans l'article 39 de la Constitution, lequel consacre le principe de l'équité fiscale, souligne-t-il. « Nous avons une contradiction entre un principe constitutionnel et la réalité fiscale. Ce qui aggrave encore plus la situation, c'est la tendance à la privatisation des principaux services publics qui sont l'enseignement et la santé. L'un des principes fondamentaux de l'impôt c'est le principe de la contrepartie, en général, en terme de service public pour que les citoyens puissent vraiment adhérer à l'impôt. Ce déséquilibre peut constituer une résistance et une hostilité à l'impôt« , dit-il. Dans sa présentation, Transparency Maroc a fait savoir que 75% des recettes fiscales proviennent du prélèvement à la source sur les salaires, contre 25% qui proviennent des autres catégories de revenus. Abdelaziz Messaoudi explique cela par « la défaillance du contrôle fiscal« . « C'est une défaillance structurelle. C'est-à-dire que non seulement l'administration fiscale, qui est censée exercer le contrôle fiscal, ne dispose pas suffisamment en quantité ni en qualité de ressources humaines pour mener le contrôle, mais également une défaillance au niveau du système d'information. Dans la mesure où plusieurs organismes et institutions refusent de communiquer l'information à l'administration fiscale (…) ce qui fait qu'il y a beaucoup de résistance à l'intérieur même de l'Etat. C'est-à-dire entre les administrations et les institutions, il n'y a pas une véritable collaboration pour mener une lutte efficace contre la fraude fiscale« , avance-t-il. Photo : Mounir Mehimdate Un débat a surgi récemment concernant la taxe de solidarité qui est prévue dans le projet de loi de finances 2021, et qui a suscité une vague de critiques vu le contexte actuel de crise financière et économique qui met à mal la classe moyenne et encore plus la classe pauvre. Selon Messaoudi, « on a besoin incontestablement dans le contexte actuel, de solidarité. Mais, cette contribution est pratiquement une mesure déjà utilisée et qui ressort aujourd'hui« , souligne-t-il. Pour cet expert de la fiscalité, « ce n'est pas une véritable solution« . Les véritables solutions, selon lui, résident notamment dans les recommandations issues des assises nationales de la fiscalité qui ont été organisées en 2019. « Il y a eu des recommandations et beaucoup de propositions qui ont fait l'objet d'unanimité, entre-autres, la révision des dépenses fiscales. Des propositions qui vont dans le sens de l'imposition des activités à faible valeur ajoutée et des activités spéculatives. Ces recommandations ont été presque oubliées voir même enterrées« , estime-t-il. Photo : Mounir Mehimdate Il poursuit que le ministre des finances lui même s'est engagé à élaborer et à proposer un projet de loi cadre qui va constituer la base d'une programmation des réformes fiscales au cours des prochaines années. « Une promesse qui a été tout simplement oubliée« , déplore-t-il. S'agissant du projet de loi de finances 2021, ce membre de Transparency Maroc estime que » c'est pratiquement une reconduction du statut-quo, comme si de rien n'était, comme si cette crise sanitaire n'a donné aucune leçon« .