Au Liban le Premier ministre désigné Moustapha Adib a jeté l'éponge, après avoir échoué dans sa mission de former un gouvernement perturbé en cela par les revendications du Hezbollah (fortement armé) et d'Amal. L'effort de formation du cabinet a buté sur les deux groupes chiites du Liban, qui avaient exigé plusieurs portefeuilles y compris celui régalien des Finances. Du coup le Liban s'est retrouvé sans la moindre perspective de sortie de crise. Le chef de l'Etat libanais doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre. Un processus pas évident dans ce contexte. Le 1er septembre dernier, les partis politiques s'étaient toutefois engagés auprès du président français Emmanuel Macron, à former un cabinet de ministres « compétents » et « indépendants » dans un délai de deux semaines, condition pour l'octroi d'une aide internationale nécessaire au redressement du pays. Dimanche soir, le chef de l'Etat français a « pris acte de la trahison collective » des partis libanais qui, selon lui, « portent l'entière responsabilité » de cet échec, critiquant particulièrement le Hezbollah sur ce plan. « J'ai honte » pour les dirigeants libanais, a lancé le président français sur un ton grave et tendu, lors d'une conférence de presse convoquée à la hâte à l'Elysée dimanche soir. Ce renoncement semble marquer l'échec de l'initiative lancée par Macron après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth, nouvelle épreuve pour un pays en proie à la pire crise économique, sociale et politique de son histoire. La classe dirigeante, quasi inchangée depuis des décennies, est accusée de corruption, d'incompétence et d'indifférence par une grande partie de la population. Le Hezbollah « ne doit pas se croire plus fort qu'il ne l'est », a tancé dimanche soir Emmanuel Macron. Ce parti « ne peut en même temps être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie et un parti respectable au Liban. C'est à lui de démontrer qu'il respecte les Libanais dans leur ensemble. Il a, ces derniers jours, clairement montré le contraire ». « La volonté [d'Amal et du] Hezbollah était de ne faire aucune concession », a dénoncé le président français. Emmanuel Macron jette un horizon de « quatre à six semaines » pour que les bailleurs internationaux voient s'il est encore possible pour le Liban de se doter d'un gouvernement de mission ou s'il faut envisager un changement complet de paradigme pour le pays du Cèdre. Les Etats-Unis se sont dits « déçus par la classe politique libanaise, qui n'a pas placé le peuple avant la politique politicienne ». « Tout continue comme avant à Beyrouth », a également déploré un porte-parole de la diplomatie américaine. Des personnalités religieuses musulmanes ont également déclaré que les Libanais devaient s'unir après la décision de Mustapha Adib. Le plus haut religieux chrétien du Liban a déclaré dimanche que la nation était confrontée à de « multiples dangers » qu'il serait difficile de surmonter sans gouvernement. Le chef de l'Eglise maronite, la plus grande communauté chrétienne du Liban, a déclaré que la démission d'Adib avait « déçu les citoyens, en particulier les jeunes, qui pariaient sur le début du changement dans la classe politique ». De nombreuses communautés religieuses ont exprimé leur frustration face à l'échec d'Adib à former un gouvernement. Un haut religieux musulman chiite, Cheikh Ahmed Qabalan, a déclaré que c'était un « désastre » qu'Adib ait démissionné et a appelé à l'unité nationale. « Nous ne voulons pas de discours sectaires ou confessionnels », a déclaré pour sa part le grand chef religieux sunnite du Liban, le Grand Mufti Sheikh Abdul Latif Derian. La crainte au Liban aujourd'hui est de voir les protestations dégénérer et reprendre de plus belle, au vu de la dégradation de la situation politique. La défection de Moustapha Adib dès qu'elle a été annoncée, a déclenché plusieurs manifestations à travers le pays à Beyrouth, Saïda, Tyr et Tripoli, pour s'insurger contre une hausse du taux de change de la livre face au dollar, induite par le départ du chef du gouvernement désigné.