La situation épidémiologique au Maroc connaît des haut et des bas. Et pour lutter contre la propagation du Coronavirus dans le pays, le gouvernement a décidé de prolonger de 3 semaines supplémentaires, soit jusqu'au 10 juin, la période de confinement de la population. Une annonce qui n'a pas été du goût de tous Marocains, mais à laquelle ils s'attendaient, entre autres, vu la hausse du nombre de cas, et la détection de nouveaux foyers industriels et familiaux, suite notamment au relâchement de la population pendant ce mois sacré de Ramadan. La prolongation de la période de confinement était-elle nécessaire ? Si les zones industrielles avaient arrêté leur activité pendant le premier mois de confinement, est-ce qu'on aurait pu éviter cette rallonge et démarrer ainsi un déconfinement progressif ? Autant de questions qui taraudent l'esprit des Marocains et auxquelles a répondu l'économiste Omar Kettani, professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat. Joint par Hespress Fr, Omar Kettani Nous explique qu'il s'agit là « d'un équilibre entre le coût du confinement et celui du deconfinement. Mais en réalité, aucun choix n'est parfait, parce qu'il s'agit d'une épidémie. Or, le confinement ne peut pas continuer d'une manière systématique parce qu'il y a un coût économique très fort, et parce que la population est à la limite de la résistance ». L'arbitrage est donc très difficile selon l'économiste, qui souligne que c'est aux autorités publiques, qui sont au courant de la situation en détail et qui suivent les foyers, interviennent rapidement dès qu'elles détectent un nouveau foyer, et prennent des mesures de retour au confinement, de statuer sur la question, notant qu'il s'agit là d'un « mal nécessaire ». « On est là en train de choisir entre deux options qui sont aussi mauvaises l'une que l'autre. Mais dans des situations pareilles, on choisit le moindre mal. De toute façon, au début de la pandémie au Maroc, quand on a dit que le confinement allait durer un mois, on savait pertinemment que ça allait durer plus longtemps, et que c'est pour faire patienter un peu les gens, qu'on n'a pas annoncé dès le début deux mois de confinement », dit-il. Maintenant, poursuit notre interlocuteur, « il y a eu une prolongation du confinement, qui coûte au Maroc, selon le ministre de l'économie et des finances, une perte d'1 milliard de dirhams par jour, soit 100 milliards de centimes », alors que l'économiste l'avait estimé à « 150 milliards de centimes sur la base de 50% de perte de la capacité productive ». « 100 milliards c'est déjà un tiers de la capacité productive. Parce qu'on produit normalement en moyenne, 300 milliards de centimes par jour. Maintenant, si le ministre dit qu'il y a 100 milliards de centimes de perte par jour, par conséquent, le confinement de 3 semaines de plus représente un coût économique énorme, et une décision très courageuse du gouvernement », explique Kettani qui avance « qu'on se rend compte que la vie humaine est plus importante que les dégâts matériels ». Par ailleurs, l'économiste insiste sur le fait qu'il ne faut pas oublier «qu'on est face à une population qui n'est pas au top de la discipline. Donc, qu'on prolonge le confinement ou pas, il est très clair que le risque qu'il y ait une deuxième vague et la multiplication de nouveaux foyers, est probable ». « C'est un rapport de forces entre deux choix qui sont aussi mauvais l'un que l'autre, mais le gouvernement essaie de minimiser les dégâts. Et à mon avis, il faudrait travailler sur un confinement local. Chaque zone où apparaît un foyer, on la boucle. C'est-à-dire qu'il y a un déconfinement, mais au même temps un confinement avec une rapidité d'encercler les zones atteintes, et ça, ca va durer un moment », estime l'universitaire. Il avance par ailleurs, que les autorités publiques doivent travailler sur les deux côtés à savoir un deconfinement et une surveillance extrême. S'agissant des foyers industriels, Omar Kettani estime que le problème se pose essentiellement dans les transports publics. «Les gens se déplacent dans les transports publics pour se rendre à leur lieu de travail. Je m'interroge comment peut-on stériliser tous les transports publics ? C'est difficile », explique-t-il. L'économiste poursuit que « les gens qui se déplacent via les transports publics et dont un ou deux sont touchés par le virus, parce que les transports publics connaissent une promiscuité très forte, c'est sûr qu'ils vont contaminer d'autres personnes. Et une fois qu'ils sont dans l'usine ou l'unité de production, cela devient la responsabilité de la direction». S'agissant justement de ces unités, l'économiste estime que toutes celles qui ne respectent pas les consignes de prévention dictées par les autorités publiques, « doivent être fermées et leurs responsables sanctionnés« .