Suite à la signature devant le Roi Mohammed VI des conventions actant le démarrage du Programme d'appui et de financement des entreprises, le programme « Intelaka » est devenu opérationnel depuis le mardi 4 février. Développé de manière conjointe entre le ministère de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, Bank Al-Maghrib et le Groupement Professionnel des Banques du Maroc, le programme vise à offrir une nouvelle génération de produits, de garanties et de financement à destination des TPE, des jeunes porteurs de projet, de monde rural, du secteur informel et des entreprises exportatrices. Selon Mohamed Benchaaboun qui s'est prononcé sur le programme lors de la conférence de presse de son lancement, le programme consiste à offrir l'accès au financement qui représente 75% des préoccupations des PME à travers plusieurs mécanismes qui s'appuient essentiellement sur des garanties pouvant aller jusqu'à 80%. Des garanties qui s'appuient à leur tour sur le Fond d'affectation spéciale créé au titre de la Loi de Finances 2020, avait souligné Benchaaboun, qui est le socle de base des produits offerts, et qui porte sur une enveloppe de 8 MMDH, dont les 2 MMDH dédiés au monde rural étalé sur trois ans. Joint par Hespress Fr, Omar Kettani, professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat que « le programme est une bonne initiative ». Toutefois, il estime qu'il faut « relativiser les choses ». Comment ? Selon l'économiste, « ce qu'on a mis dans le panier de l'investissement est limité. Il y avait 6 milliards de DH avant, destinés à aider les petites et moyennes entreprises, et ils ont rajouté 2 milliards de DH ce qui fait un total de 8 milliards de DH. Cependant, 8 MDDH ne vont pas créer 100.000 ou 50.000 emplois. Parce que c'est la somme d'argent qui va déterminer le nombre de personnes qui pourront travailler et bénéficier du programme ». Un programme à prendre avec des pincettes « Maintenant ils ont rajouté 2 milliards de DH. Et les 8 milliards du programme ne représentent que 0.6% du PIB marocain, même pas un point. Donc, il faut relativiser la chose », a-t-il relevé en évoquant l'enveloppe budgétaire mise en place pour le financement du programme « Intelaka ». Cela dit, l'économiste reste dans « la positive attitude » et considère que « l'initiative est bonne ». Cependant, il estime, économiquement parlons, qu'elle « ne représente qu'un point sur 35 des investissements marocains pendant une année. Parce que les investissements marocains représentent un peu prêt le tiers du PIB, donc, dans les alentours de 35 milliards de dirhams». Photo Mounar Mehimdate Cela représente 1/60e ou 1/65e sur l'effort d'investissement que fait le Maroc, poursuit Kettani, indiquant « qu'il ne faut pas en rajouter quand même, puisque le Maroc investit beaucoup quantitativement. Et cette mesure est à prendre avec des pincettes ». Et de souligner que « ce programme est intéressant sur le plan qualitatif, parce qu'il touche les petites et micro-entreprises. Parce qu'une partie du financement est tiré des banques qui ne participent pas généralement sur le plan social. Et aussi, parce que c'est un investissement qui a plus un caractère social qu'économique ». Et de ce fait, l'analyste estime que « qualitativement le programme est intéressant, mais quantitativement c'est epsilon ». « Le Maroc secteur privé et public investissent un peu prêt le tiers du PIB. C'est énorme ! Donc quand on voit ce programme qui représente 8 milliards de DH, soit 800 milliards de centimes ce n'est même pas 1000 milliards de centimes. Et nous, notre PIB est de 117 mille milliards de centimes. Donc, on a un investissement de 8 milliards de DH, ça va créer quelques milliers d'entreprises. Mais c'est des entreprises qui ne vont recruter qu'un, deux ou trois personne maximum. Et la plupart du temps, dans le domaine commercial et non pas dans le domaine productif », analyse-t-il. Un financement qui ne pourra pas répondre à 3 millions de chômeurs Concernant le volet commercial, Kettani observe qu'il est plus dominant par rapport au volet productif, soulignant que « si un individu veut ouvrir un magasin, ils vont l'aider à travers ce programme. Même chose pour celui qui veut ouvrir un centre de commercialisation d'un produit ou un agriculteur qui veut semer le melon par exemple ». Il poursuit son analyse en s'appuyant sur des prévisions à savoir que «si l'on a 13.200 microentreprises, on peut espérer la création peut-être de 20.000 ou 25.000 emplois ». « Tant mieux! » se félicite Kettani qui considère cependant que « le programme n'est pas à la mesure des besoins en termes de création d'emploi au Maroc ». Selon lui, « la création de 20.000 ou 25.000 postes de travail c'est bien. Mais il ne faut pas oublier qu'on a 3 millions de jeunes au chômage. Donc il faut relativiser la chose et non la négativer. Elle n'est pas négative, elle est positive, mais il faut la relativiser », affirme-t »il. « Aujourd'hui, tous les jeunes vont se lancer à la demande. A combien de jeunes on va répondre ? On va certainement répondre à une minorité vu le budget qu'on a consacré pour ce programme. Donc on va faire des heureux parmi ces jeunes qui seront acceptés et en plus, on va les accompagner, ce qui est très bien. C'est certain. Maintenant, est-ce qu'ils vont continuer à vivre ? Est-ce qu'on va les former suffisamment pour qu'ils continuent à gérer leurs affaires de manière correcte ? », s'interroge Kettani qui fait remarqué dans ce sens qu' «en tout, l'accompagnement et très important dans ce programme ». Pour conclure, l'analyste économique reste sur sa position à savoir que l'initiative est bonne. Mais il observe par ailleurs qu'il est nécessaire « qu'on fasse un suivi pendant deux ans par exemple, le temps que cette petite et micro entrepris puisse continuer à vivre normalement et à connaitre une évolution tout à fait normale. ».