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Coronavirus : selon Kettani, les états doivent tirer des leçons de cette épidémie
Publié dans Hespress le 07 - 03 - 2020

Avec la propagation du coronavirus ou « Covid-19 » à travers le monde, plusieurs grandes multinationales ont vu leur activité économique subir une baisse conséquente. Au Maroc, avant même l'enregistrement du premier cas de Coronavirus, les grands groupes installées au pays ou encore les établissements et acteurs publics ont annulé plusieurs de leurs activités.
En effet, la 15e édition du Salon international de l'Agriculture au Maroc (SIAM), prévu depuis des années à Meknès, sera annulée comme l'a annoncé le Ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts ainsi que l'Association du SIAM dans un communiqué conjoint.
D'autre part, un responsable au sein d'une multinationale américaine de tabac opérant au Maroc a confié à Hespress Fr, que « l'apparition du Coronavirus a gravement impacté leur activité économique au niveau mondial ».
« Au Maroc par exemple, on est bloqué. Les entreprises ont suspendu leurs voyages. À notre niveau, et pour ce qui est de mon travail quotidien, les déplacements déjà prévus, les réunions au siège, les activités organisées pour la presse, etc. Tout est bloqué jusqu'à nouvel ordre. On attend le moment où ça va être débloqué. C'est gênant. Parce qu'après, on n'arrive pas à s'organiser sur l'année, ou au moins sur les 6 premiers mois de l'année. Et là, du moment où le virus est apparu justement au début de l'année, ça n'a pas été évident. Désormais, on table sur fin avril pour que la situation se calme et qu'on trouve un remède à ce virus, sinon ça va être compliqué sur plusieurs niveaux » nous a confirmé notre interlocuteur.
Joint par Hespress Fr au sujet de l'impact du nouveau « Covid-19 » sur l'économie mondiale, et plus particulièrement l'économie marocaine, Omar Kettani, professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat a souligné dans un premier temps que « tout dépend de la nature de ce qu'on importe comme pièce dans les secteurs, particulièrement le secteur industriel ».
« Je me suis posé la question au sujet de Renault ou Peugeot qui importent des pièces de Chine et qui nous fournit pour le montage automobile pour nos exportations. Il s'agit là d'un des secteurs industriels les plus importants au Maroc et ils ont pris énormément d'importance au niveau de la balance commerciale », explique-t-il.
« Donc tous dépendent de la structure de nos importations avec les Chinois et peut-être aussi avec le monde arabe », estime-t-il, notant qu'avec l'Europe, les relations d'échanges à travers nos zones franches se maintiennent.
« Si le virus se prolonge, l'impact va être important. Pourquoi ? Parce que nous serons impactés au deuxième degré. C'est-à-dire que s'il y a une baisse d'activité en Europe, elle va se répercuter sur nos exportations à l'UE, et donc nos marchés potentiels vont diminuer. Et on sait que chaque fois qu'il y a une crise économique en Europe, il y a certainement des conséquences sur nos exportations sur le marché européen », analyse-t-il.
De même, Kettani soulève que le Maroc est une «une économie ouverte », donnant l'exemple du secteur du tourisme qui selon lui, « va certainement être impacté » puisque « quand on choisit d'être un pays ouvert, on a des avantages, mais on a aussi des inconvénients ».
D'autre part, l'économiste estime que l'apparition du Coronavirus est « une bonne leçon à prendre en considération » notamment sur le plan sanitaire au Maroc, se demandant ainsi combien d'hôpital au Royaume dispose de salle d'isolement ou de centre d'épidémiologie.
De ce point de vue, le ministère de la Santé a confirmé que chaque hôpital du Royaume dispose d'une salle d'isolement. « Mais maintenant, quel est le potentiel de réception de malades », s'interroge Kettani, qui se demande si « le Maroc est suffisamment équipé ? ».
En réponse à ces questions, Kettani rappelle que « dans la loi de finances 2020, la proclamation d'un fond de catastrophe. Et se fond va pouvoir fournir des équipements de protection, peut-être bien des traitements pour la respiration, etc dans le cas de personnes atteintes de ce virus ».
Il poursuit que « ce fond de catastrophe va pouvoir être testé au niveau de sa capacité à couvrir éventuellement des catastrophes qui peuvent être très coûteuses. J'espère que ça ne sera pas le cas. Mais le ministère a pris des mesures notamment en interdisant des vols de certains pays. C'est une bonne chose, il vaut mieux prévenir que guérir. D'autant plus que c'est plus coûteux de supporter les dépenses si l'épidémie se propage. Jusqu'à maintenant, elle risque de se propager, non pas parce qu'on a des relations avec la Chine, mais parce qu'on a des relations avec plusieurs pays du monde où il y a déjà des cas confirmés ».
Donc, selon l'économiste, « le problème réside dans le fait que la mondialisation commerciale a montré aujourd'hui ses limites. On a ouvert les frontières, mais le monde n'est pas suffisamment armé contre ce genre d'épidémie et cela s'est déjà répété plusieurs fois à des échelles différentes. Maintenant, c'est une très bonne leçon dans les pays du monde pour pouvoir revoir la chaîne alimentaire, pour pouvoir avoir et contrôler l'hygiène alimentaire ».
Pour revenir au Maroc, Kettani rappelle un phénomène récurrent dans le pays qui est le manque de contrôle sanitaire. « Au Maroc, on ne contrôle pas suffisamment les produits. Et ce type de virus, il peut se régénérer sous d'autres formes. Il y a des mutations de ce type de virus. Est-ce qu'on contrôle suffisamment les marchés, les souks et les vendeurs ambulants qui vendent des produits alimentaires ? » s'est-il demandé.
De plus, il fait observer qu'aujourd'hui, « la population mondiale est en train de vieillir. Qui est le plus sensible à la propagation et même au danger de mort ? Ce sont les personnes qui ont un certain âge. Or, l'immunité baisse à cause de la nature de ce qu'on consomme, puisqu'on consomme des produits pleins de produits chimiques. Bien sûr les gens âgés sont plus fragiles et sensibles à ce genre de cas. Et donc la propagation peut-être plus facile et le danger des conséquences seraient plus grands ».
« Au Maroc, on est en train de vivre un vieillissement de la population, et ça se pose sur le plan économique. Parce que la population active, c'est elle qui couvre la population non active. Alors s'il y a des coups de sécurité sociale qui sont très élevés à cause des épidémies, on n'a pas une population active jeune qui couvrira suffisamment les besoins en matière de couverture sanitaire. Ce sont beaucoup de problèmes qui sont liés à cela. On n'a pas de stratégie de risque. La stratégie de risque suppose qu'on ait un plan qui énumère, par exemple, les 100 premiers risques que pourrait courir une économie comme celle du Maroc » analyse-t-il.
Pour Kettani, le Coronavirus est une leçon mondiale. « On voit que les USA, qui avaient pris l'épidémie à la légère, sont en train de revoir leur politique en disant qu'on a des hôpitaux et des équipements, etc. Mais c'est des déclarations vantardes. Mais on sait que si ça se propage trop vite, quel que soit les moyens de ses grands pays, eh bien ce sera difficile de gérer ».
En guise de conclusion, il estime sur ce même volet que « si les pays où le taux d'affection du Coronavirus est élevé commencent à isoler des villes de plusieurs millions de personnes, toute l'activité économique meurt » notant que ce qui est important « c'est de tirer des leçons de cette expérience et de pouvoir observer comment différents pays ont réagi pour tirer les bonnes conclusions et pour se prémunir dans l'avenir contre les risques tout en espérant que ça s'arrête ».


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