Dans un paysage troublant, jamais le boulevard Mohammed VI de la métropole, communément appelé Mediouna, où se situe le fameux souk de Derb Omar, garage Allal et Kissariat Aziza (marché Aziza), n'a été aussi désert qu'aujourd'hui. La pandémie du coronavirus, qui s'est propagée à travers le monde, a engendré une crise économique sans précédent en poussant nombre de commerçants, notamment les marchands ambulants, à mettre un terme à leurs activités, suite aux instructions des pouvoirs publics du Royaume, dans le but de stopper la dissémination du virus et limiter au maximum le nombre de dégâts, surtout dans ce type de « souk » qui connaît un flux important de clients. Fatima-Zahra. B, une jeune entrepreneuse marocaine âgée de 25 ans vient tout juste, il y a trois mois, de louer un petit magasin à Kissariat Aziza pour y vendre des Jellaba et des Caftans. Un commerce auquel elle tenait énormément, et pour lequel elle a dû faire beaucoup d'économies et contracter un prêt. Dans un témoignage livré à Hespress Fr, Fatima-Zahra nous explique la crise qu'elle vit actuellement vu l'arrêt de son activité commerciale, alors qu'avant l'état d'urgence sanitaire décrétée dans le pays, le commerce était plutôt florissant. « Entre février et mars, c'est les deux mois où nous connaissons une bonne activité de vente à Kissariat Aziza, puisque les gens se préparent pour le printemps, Chaâbane, Ramadan ou encore les vacances d'été. Dès que le coronavirus est apparu au Maroc, la situation s'est dégradée à partir de la première semaine de mars, puisque les gens au lieu de s'acheter des vêtements, ils se sont précipités sur les supermarchés pour constituer des stocks », nous confie-t-elle. Quelques semaines avant que l'état d'urgence sanitaire ne soit instauré et que le Maroc ferme ses frontières, elle avait vendu une bonne partie de sa marchandise à des commerçants algériens avec qui elle avait l'habitude de travailler, nous dit-elle, ajoutant qu'une fois que les choses sont devenues plus sérieuses, ils sont revenus pour rendre toute la marchandise et récupérer leur argent. « On travaille beaucoup avec les Algériens, qui viennent acheter en grande quantité chez nous puisque la demande est importante dans leur pays. Les femmes adorent les Jellabas et Caftans marocains. Mais j'ai dû les rembourser, puisque le Maroc avait fermé ses frontières et ils étaient contraints de rester ici. Et du coup, ils avaient besoin de leur argent», explique notre interlocutrice. Fatima-Zahra, qui a été contrainte de mettre la clé sous la porte, et qui vu sa situation familiale de célibataire ne pourra pas bénéficier d'aide malgré le fait qu'elle prend en charge sa famille, se demande si elle pourra reprendre son activité après la crise. «Sincèrement, cet argent que j'ai dû rendre à mes clients allait beaucoup m'aider pendant cette période de confinement. Là, j'ai du mal à joindre les deux bouts surtout que c'est moi qui prends en charge ma famille, et je ne sais pas combien de temps cela va durer » nous confie-t-elle. Un autre souci taraude la jeune fille: elle se demande avec appréhension si le propriétaire du magasin va lui demander de payer le loyer du mois d'avril. Même son de cloche du côté de Imad. D, un jeune commerçant du marché de « Kori3a », le grand souk qui se situe au quartier Al-Fida de Casablanca et où la vie s'est également arrêtée le transformant, du jour au lendemain, en un grand terrain désert. « Cela fait 15 jours exactement que nous avons fermés. Et une semaine avant, les magasins étaient ouverts, mais une fois que les gens ont appris que le Maroc peut entrer en confinement à n'importe quel moment, les gens ne venaient plus. Il y a eu une chute énorme dans une période qui, d'habitude, connaît une grande activité commerciale », nous confie-t-il. Notre interlocuteur, avance que le marché, avant la crise du coronavirus, était en plein essor. « Tous les commerçants attendaient cette période de l'année, mars et avril pour booster leur chiffre d'affaires. C'est la période où on réalise le plus de ventes vu que les gens se préparent pour les vacances d'été », explique-t-il. Avec l'arrêt de son activité, ce jeune célibataire, qui loue depuis près de deux ans un petit angle d'un magasin à Kori3a pour y vendre des espadrilles, a la charge également d'un foyer composé de ses deux sœurs et sa mère. Son père, lui, a deux foyers à entretenir. « Moi par exemple, je n'ai pas le Ramed. Mon père si. Et je me demande si mon père va pouvoir bénéficier des indemnités mises en place par l'Etat pour ses deux foyers. Par contre, en tant que célibataire qui prend en charge ma famille, je ne pense pas que l'Etat a prévu quelque chose pour moi », conclut-il.