Le Fonds d'appui au financement de l'entrepreneuriat va enfin voir le jour. Suite à un appel du roi Mohammed VI à promouvoir et accompagner les TPE et les porteurs de projets, la réalisation du Fonds a été confiée au Ministère de l'Economie, des Finances et de la réforme de l'Administration (MEFRA), Bank Al-Maghrib (BAM) et le Groupement Professionnel des Banques du Maroc (GPBM). Ces entités ont trouvé la formule à suivre pour ce chantier, mais est-elle, toutefois, adaptée à la réalité économique du royaume ? Suite au discours royal du 11 octobre dernier, à l'occasion de l'ouverture de l'actuelle session parlementaire, le MEFRA, BAM et le GPBM ont été appelés à mettre en place une stratégie nationale pour l'accompagnement et le développement du tissu économique marocain, notamment à travers l'encouragement de l'investissement des TPE et des entrepreneurs. C'est dans ce sens, et dans le cadre de la loi de finances 2020 (LF 2020) que le ministre du MEFRA, Mohamed Benchaâboun, a annoncé le lancement du Fonds d'appui au financement de l'entrepreneuriat. Ce fonds, qui doit mobiliser une enveloppe budgétaire de 6 milliards de dirhams, dans laquelle le MEFRA contribue à hauteur de 3 MMDH, alors que les 50 % restants sont divisés entre BAM et le GPBM. Ce montant contribuera au financement des TPE et des entrepreneurs sur une durée de 3 ans, et profitera notamment aux projets tournant autour de l'export. D'ailleurs, il est à noter que le Fonds en question proposera un accompagnement individuel, spécifique pour chaque dossier, afin de répondre au mieux aux besoins des différents projets. Le MEFRA, BAM et le GPBM main dans la main pour l'investissement Ainsi, Benchaâboun a indiqué qu'il sera procédé, à terme, à la création de 27.000 nouveaux emplois et à l'accompagnement de 13.500 entreprises. Cela se fera en accord avec les trois piliers de ce chantier, notamment le financement de l'entrepreneuriat, la coordination des actions d'appui et d'accompagnement au niveau des différentes régions du royaume, ainsi que d'accélérer le chantier de l'inclusion financière au profit du monde rural et des zones recluses. De son côté, le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri, a indiqué que la Banque Centrale va fixer le taux d'intérêt à 1,25 % dans le cadre de ce chantier, afin de faciliter l'accès au financement pour les catégories mentionnées précédemment. De plus, il sera procédé à la réalisation de rapports, afin d'avoir une vision claire sur la nature des catégories de crédits octroyés, de leur répartition géographique en plus d'expliquer les raisons de refus de certains dossiers. Concernant le GPBM, son président, Othmane Benjelloun, a expliqué que le secteur bancaire se mobilisera de façon à ce que ce chantier prenne forme de façon solide. Ainsi, l'objectif est d'encourager l'investissement, mais surtout de réduire le taux de chômage à travers la promotion de l'auto-emploi. Dans ce sens, Benjelloun a indiqué que le délai de réponses des dossiers ne devrait en aucun cas dépasser une durée de 3 semaines. De plus, tout a été pensé de façon à réduire au minimum les risques dans les deux sens, dans la mesure où la Caisse Centrale de Garantie (CCG) garantira 80 % du montant des crédits octroyés. Par ailleurs le Fonds contribuera au développement du chantier de l'inclusion financière, à travers le déploiement de solution de mobile banking, de microfinance et de microassurance. Un chantier prometteur, mais encore Sur le papier, le Fonds d'appui au financement de l'entrepreneuriat est un projet « complet », mais répond-il à la réalité de la situation économique du royaume ? Mohamed Chiguer, économiste et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie nationale, nous a indiqué les TPME représentent la majorité de l'économie nationale, donc l'on est face à une réforme totale du tissu économique, et non pas d'une catégorie en particulier. « On réfléchit pour un nouveau modèle économique. On ne devrait pas dire que l'on cherche à financer les TPME, puisque celles-ci représentent plus de 90 % du tissu économique national, donc on est en train de parler du financement de l'économie. Mais il faut toutefois identifier où l'investissement bloque exactement », nous a déclaré notre interlocuteur. Pour Chiguer, il n'a jamais été question de financement pour les TPE et les porteurs de projets, mais surtout d'accompagnement. « Il ne s'agit pas d'un problème de financement. Certains projets ne cherchent pas à se développer, car cela leur évite les tracas de la fiscalité. De plus, l'économie marocaine est beaucoup marquée par l'activité informelle, ce qui rend difficile d'identifier quels acteurs auront la priorité dans ce chantier ». Pour ce qui est de la question du montant mobilisé durant la période des 3 années à venir, il est clair que celui-ci ne pourra pas couvrir beaucoup de projets, mais ira surtout aux idées innovantes et créatrices de valeur ajoutée. « On ne forme pas les entrepreneurs. L'entrepreneuriat est une vocation. On peut bien sûr les accompagner et former dans les techniques de management, mais pas tout le monde n'est pas disposer à avoir l'esprit de risque en même temps », nous a indiqué Chiguer. Par ailleurs, Benchaâboun n'a pas arrêté de rappeler, durant la réalisation du PLF 2020, que les projets, dont l'activité est destinée à l'export, profiteront d'une attention particulière, dans le cadre du Fonds d'appui au financement de l'entrepreneuriat. Toutefois, cela s'avère un peu compliqué à l'heure actuelle, où, selon les données de l'Office des Changes, les importations sont toujours bien plus importantes que les exportations. Une situation qui indique que l'économie nationale n'est pas très compétitive sur le marché international, malgré les nombreux efforts déployés en ce sens. « Ce chantier est bien ambitieux, mais il vise surtout à répondre aux attentes du FMI, et des acteurs économiques étrangers. Le problème, c'est que l'on cherche à régler la question du chômage à travers l'auto-entrepreneuriat, chose qui n'est pas possible. Le chômage ne peut être réglé que si l'on arrive à restructurer l'économie nationale, en la dynamisant et en créant un écosystème qui soit adapté à la réalité du marché ». Il serait donc préférable d'investir dans des projets d'industrialisation, au lieu de se lancer dans l'accompagnement d'idées déjà consommées, à l'image des produits du terroir. Le Maroc dispose actuellement d'un potentiel important dans le secteur automobile, mais il reste un pays de sous-traitance, au lieu d'être un pays de production industrielle. Sur ce point, Chiguer nous a évoqué le cas de SOMACA, qui visait à permettre au royaume de produire une voiture 100 % Marocaine, un chantier qui ne verra pourtant jamais le jour. « Si Renault décide de plier bagage du jour au lendemain, avec quoi se retrouvera le Maroc ? Il faut arrêter de penser en termes de délocalisation de sous-traitance et commencer à s'orienter vers une délocalisation industrielle. L'industrialisation du pays passe d'ailleurs par trois étapes, notamment la formation du capital humain, le développement de l'activité de recherche et développement, et enfin le passage à la concrétisation de l'innovation et de l'industrie », indique l'économiste.