Les premières vagues d'ouvrières marocaines, travaillant dans les champs de fraises à Huelva en Espagne, ont déjà traversé le détroit et sont arrivées sur place. Pour cette nouvelle décennie, ce sont 16.500 ouvrières marocaines qui iront travailler en Andalousie dans le cadre de la campagne de migration circulaire organisée chaque année depuis 2001. Issues du milieu rural, une grande partie de ces ouvrières sont natives de la région de l'Oriental. 11.000 sont des répétitrices, qui y vont chaque année et depuis des années déjà, tandis que 5.500 d'entre elles sont des nouvelles recrues. Dans un reportage exclusif, Hespress Fr a rencontré ces ouvrières au port de Tanger ville. Elles se sont confiées à notre micro avant de prendre leur bateau en direction d'Huelva, phase finale de ce processus de recrutement et d'envoi vers l'Espagne. Un processus que nous a expliqué en détail une source bien informée au sein de l'ANAPEC, qui se charge du recrutement et de l'accompagnement des saisonnières. Ainsi, notre source au sein de l'ANAPEC, qui gère cette opération depuis 2005 en coordination avec le ministère du travail et de l'insertion, le ministère de l'Intérieur, les autorités espagnoles ainsi que les chefs d'entreprises en Espagne, nous a indiqué que dans un premier temps, l'administration espagnole (ministère chargé de l'Immigration et du travail à Madrid) fait une demande écrite au ministère du travail et de l'insertion marocain, détaillant le besoin en matière d'ouvrières. Les entreprises espagnoles font une annonce de recrutement dans le pays avant de la lancer au Royaume, nous dit précise notre source, ajoutant que « c'est comme au Maroc, les Espagnols lancent l'appel au recrutement dans leur pays. Mais quand le nombre voulu n'est pas atteint, c'est à ce moment-là qu'ils font appel aux ouvrières marocaines, puisque les espagnoles qui travaillent dans les champs en Espagne, préfèrent pendant l'été travailler dans les restaurants ou dans le tourisme parce que cela rapporte mieux ». Une fois la demande validée par le gouvernement marocain, les parties concernées passent au processus de recrutement, et organisent des réunions de coordination afin de mettre en place le plan d'action. « Lors de ces réunions, on commence par définir le nombre de répétitrices et le nombre des nouvelles inscrites, les génériques. La nouveauté de cette année 2020, est que la campagne agricole a démarrée un peu plus tôt que prévu en Espagne, puisque depuis l'été 2019, le climat était favorable et la cueillette de fraises a démarré tôt. Nous avons donc procédé à l'envoi de la première vague d'ouvrières en décembre 2019», explique notre interlocuteur. Photo Soufiane Fassiki Et d'ajouter: Alors que les premiers groupes d'ouvrières étaient envoyés en février de chaque année, 2020 représente «une exception » que comptent maintenir les différentes parties, puisque « la campagne agricole en Espagne est devenue plus longue que d'habitude, ce qui est un avantage pour le Maroc. Cela veut dire plus de main-d'œuvre, et plus de temps de travail pour les saisonnières et donc plus d'argent pour elles ». L'ANAPEC fait appel en premier lieu aux répétitrices qui sont validées d'office, puisqu'elles travaillent depuis plus d'une décennie en Espagne, elles connaissent le métier et sont même connues par les chefs d'entreprises, poursuit notre source, soulignant qu'il faut juste qu'elle soit toujours apte à travailler. « Ces répétitrices sont dispatchées sur trois phases. Chacune s'occupe d'une phase au sein de l'entreprise où elle travaille à Huelva. Il y a la phase de cueillette, le tri ou encore l'emballage. Mais en principe elles y vont pour la cueillette de fraises et de fruits rouges. Toutefois dans les champs, elles peuvent passer par plusieurs phases », nous dit-elle, notant que l'ANAPEC collabore avec plus de 800 sociétés et entreprises espagnoles représentées dans 5 associations, notamment l'association « Freshuelva » qui couvre une grande partie de cette campagne circulaire. Et de faire savoir que « le contrat de travail saisonnier des ouvrières qui sont parties en décembre dans le cadre de la campagne de migration circulaire, prendra fin en été, soit au mois de juin 2020 plus exactement, avec une possibilité de prolongation du contrat de deux mois, soit jusqu'en août 2020. A souligner aussi que les entreprises espagnoles comptent énormément sur ces ouvrières puisqu'elles couvrent toutes la chaîne de travail, à savoir de la cueillette jusqu'à l'étape finale des fois ». Pour les critères de sélection des nouvelles, notre interlocuteur au sein de l'ANAPEC nous indique que la priorité est donnée aux femmes mariées ayant des enfants. « Mis à part le fait de vouloir aider ce profil de femmes, ça reste une sorte de mesure de sécurité pour les chefs d'entreprises, puisque cela signifie que l'ouvrière éprouvera toujours le besoin de revenir à la mère-patrie pour ses enfants », souligne notre source. Bien-sûr, relève notre interlocuteur, ces femmes doivent être aptes à travailler, surtout que le travail dans les champs de fraises et des fruits rouges n'est pas une chose facile, et elles doivent dans ce sens se soumettre à des tests médicaux avant la sélection finale. Les ouvrières validées par les chefs d'entreprise en personne Après la sélection des ouvrières et l'envoi des profils choisis aux entreprises espagnoles, poursuit notre source, les chefs d'entreprises se déplacent en personne pour les voir. « Ils vérifient même leurs mains. Si elles sont douces et bien entretenues, c'est qu'elles ne feront pas l'affaire. Elles doivent être habituées aux travaux manuels », affirme-t-elle. Une fois les ouvrières choisies et validées par les deux parties, l'ANAPEC passe aux procédures administratives, à savoir le lancement de la procédure de visa auprès des représentations espagnoles au Maroc, et l'organisation du voyage. Et c'est toujours l'ANAPEC qui accompagne les ouvrières marocaines dans cette procédure avec l'aide du consulat d'Espagne au Royaume. « La campagne de migration circulaire marocaine est devenue une référence au niveau mondiale. Les ouvrières marocaines ont acquis une grande expérience à travers cette campagne, qui inspire même les Français, les Allemands, les Portugais ou encore les Italiens, puisqu'il s'agit d'une campagne qui dure depuis des décennies et qui a prouvé son succès. Des ouvrières qui vont travailler dignement en Europe, chaque année, et une fois leur contrat achevé, elles reviennent dans leur pays rejoindre leurs familles. Et c'est une campagne gagnant-gagnant pour nous et pour les Espagnoles », met en avant notre interlocuteur.