L'arrivée du nouveau ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, n'a pas apaisé la colère des médecins du secteur public. Après les démissions collectives, mais aussi individuelles, ces derniers menacent de prendre la fuite et quitter le pays si leurs revendications ne sont pas prises en compte. Les détails. Depuis plus de deux ans, les médecins du secteur public n'ont pas perdu espoir de voir leur dossier revendicatif résolu par la tutelle. Indemnités, rémunération médiocre, manque d'équipements et d'infrastructures, les médecins du public traînent, depuis des années déjà, un dossier revendicatif que tous les ministres qui ont dirigé le département de la santé, de même que le gouvernement, ont reconnu légitime. Où se pose donc le problème ? Selon une source de Hespress Fr au sein du département des ressources humaines du ministère de la Santé, le problème est purement financier. En effet, mis à part l'acquisition de matériel médical (radio, scanner...) qui coûte une fortune, et la rénovation et l'aménagement de nouvelles structures, le ministère de la Santé est redevable aux médecins du secteur public d'une somme de près de 8 milliards de centimes (800 MDH). Cette somme est un cumul de gardes de nui, d'indemnités et autres frais non payés, nous indique notre source, soit une somme que le ministère de la Santé ne peut pas se permettre de verser aux médecins sans l'aval, bien sûr, du ministère de l'Economie et des Finances, où le dossier bloque justement depuis plus de deux ans. Mais pas que ! Le paiement d'une telle somme aux médecins du public mettrait sérieusement le département de Khalid Ait Taleb dans l'embarras, puisque les infirmiers du secteur public ont également un dossier revendicatif où ils réclament la révision de leur situation, notamment l'augmentation de la prime de risque. En gros, tout est question d'argent. Après les démissions, la migration A ce jour, 1301 démissions collectives de médecins du public ont été déposées, mais refusées par le ministère de la Santé, a déclaré à Hespress Fr Dr. Alaoui Mountadar, secrétaire général du syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP), puisque la Direction des ressources humaines avait d'ores et déjà indiqué que les démissions collectives n'étaient pas acceptées. Mais même les démissions individuelles ont été rejetées car le secteur vit une pénurie d'effectifs sans précédent. « Il y a des médecins qui ont terminé les 8 ans de contrat qui les rattache au ministère de la Santé, et répondent à tous les critères pour que leur démission soit acceptée, notamment les spécialistes, et pourtant leurs demandes sont rejetées », nous explique Dr. Alaoui. En nous fournissant plus d'explications sur la situation du secteur de la Santé au Royaume, notre interlocuteur nous fait savoir que le nombre de spécialistes au Maroc est médiocre donnant l'exemple de la spécialité de réanimation qui compte, selon les derniers chiffres, 214 réanimateurs pour plus de 35 millions de citoyens, les gynécologues 290 médecins, soulignant que si l'on dispatche sur près de 150 structures hospitalières que compte le Royaume, ça nous donne 1,93 médecin spécialiste par structures ce qui reste faible comme chiffre. « On veut l'amélioration des conditions d'accueil des citoyens, et l'amélioration des conditions de travail de tout le personnel des hôpitaux publics (médecins, infirmiers, techniciens, sage-femme ...), l'aménagement des hôpitaux publics (équipements, médicaments ....) ainsi que l'augmentation de l'effectif des médecins et infirmiers pour remédier à cette pénurie, et ce, pour l'intérêt des citoyens. Parce que l'effectif des médecins actuels se retrouve à travailler des heures supplémentaires, des gardes et astreintes quotidiennement vu la demande immense dans la santé et le sous-effectif endémique. Et cerise sur le gâteau, un médecin peut même se retrouver derrière les barreaux. Tout cela sans aucune motivation financière à côté» affirme-t-il. En effet, le salaire de médecins du secteur public commence à partir de 8.000 DHS, soit au même niveau qu'un lauréat d'un école de commerce, alors que les deux parcours sont totalement différents et à des degrés de difficulté également différents. « Vous savez que la France compte près de 8.000 médecins marocains, et pas des moindres. C'est parmi les plus compétents du pays. Imaginez s'ils rentrent au pays et nous donnent un coup de main, cela soulagera la pression que nous vivons au quotidien en raison des effectifs réduits. Mais l'état n'a pas les moyens de les inciter à venir au Maroc puisqu'ils sont bien payés là-bas et possèdent tout le matériel et les équipements, dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission », déplore Dr. Alaoui. Cela dit, le SIMSP garde toujours espoir que la tutelle se penchera sur le dossier des médecins du public et trouvera une issue pour régler leur situation, affirme Dr. Alaoui, soulignant que ce que réclament les médecins du public est dans l'intérêt du citoyen. « On nous tacle sur les réseaux sociaux et on nous traite de tous les noms, mais les Marocains doivent savoir qu'on a aussi des familles et des proches qui se soignent dans les hôpitaux publics, et qu'on possède un amour inconditionnel envers notre pays que nous ne voulons pas quitter. C'est la raison pour laquelle nous nous battons pour que notre situation se règle et celle du système de santé également, pour l'intérêt de tous et le droit de chacun d'être soigné convenablement au sein des structures étatiques », conclut-il.