La nomination du général algérien, Saïd Chengriha, au poste de ministre délégué auprès du ministre de la Défense vient d'approfondir l'enracinement de l'armée dans la vie politique en Algérie. Le président Tebboune vient d'offrir au vieux général cette distinction qui devrait marquer un tournant majeur dans la gestion du pays. Alors que l'Algérie est déjà un régime militaire établi, difficile à cerner et respecter par la communauté internationale, le Hirak populaire de 2019 avait permis de montrer le désarroi et la colère du peuple algérien vis à vis du mode gestion des affaires du pays. Le président Abdelmadjid Tebboune arrivé au pouvoir dans ce contexte, a été choisi par l'institution militaire (notamment grâce au soutien du défunt général Gaid Saleh), pour venir rétablir la confiance. Mais depuis son accession au pouvoir, ce dernier ne fait que renforcer l'enracinement de l'institution militaire au sein au sein des institutions de l'État. En offrant une personnalité « politique » à Said Chengriha, le président Tebboune vient légitimer l'accompagnement et l'appui qu'il lui a donné depuis son « élection ». Il fallait s'y attendre, puisque le 4 octobre dernier, Abdelmadjid Tebboune avait déclaré à la presse qu'il allait opérer un remaniement gouvernemental avec des cadres «expérimentés», les meilleurs dans leur domaine. Tebboune qui s'est vu maintenir au pouvoir par cette même institution militaire pour un second mandat, a dû rendre la pareille à Said Chengriha, qui lui a accordé ce privilège sans qu'il ne soit élu démocratiquement. Avec cette nomination, l'homme fort de l'institution militaire obtient un nouveau rôle au sein des appareils civils officiels, étant désormais présent dans les conseils de gouvernement et des ministres, où il peut écouter, présenter et discuter divers rapports. Depuis sa nomination à la tête de l'armée, succédant au général Ahmed Gaïd Saleh, le général Chengriha a souvent été qualifié de « l'ombre du président », en raison de sa présence constante aux côtés du chef de l'Etat dans ses diverses activités, ses déplacements, et même lors d'événements non politiques, notamment sportifs. La présence permanente du général Chengriha avec le président a donné l'impression qu'il était le « deuxième homme du pays », bien que la hiérarchie constitutionnelle le place en dehors des premières positions de l'État. Ces dernières années, on l'a vu partager avec le président certaines tâches protocolaires et politiques, comme la rédaction de messages de félicitations ou de soutien, ou la publication de discours dans le magazine militaire. L'institution militaire en Algérie est souvent perçue comme le véritable pouvoir du pays, tandis que les institutions civiles sont considérées comme une simple façade. Il est à noter qu'à l'exception de l'expérience de l'ex-président Houari Boumediene (1965-1978), qui a concentré toutes les responsabilités après une tentative de coup d'État par son chef d'état-major, le colonel Taher Zbiri, les autres présidents ont confié la direction de l'armée à un ministre de la Défense, un ministre délégué ou un vice-ministre de la Défense, comme cela avait été le cas avec l'ex-président Abdelaziz Bouteflika et le général Gaïd Saleh. Il est donc tout nouveau pour l'Algérie d'avoir un général avec autant de pouvoir politique. Cette nomination ouvrira la voie à Chengriha d'agir comme il le souhaite au sein de l'institution militaire et opérer des purges dans les rangs de l'armée. Il régira en tant que maitre suprême pour désigner ses plus proches fidèles et opérer certainement des remaniements au sein des directions des régions militaires.