La justice espagnole est incapable d'examiner le procès intenté par le Maroc à un journaliste occasionnel, Ignacio Cembrero, qui a prétendu sans preuve que son téléphone «a été infecté par le logiciel israélien Pegasus.» Cembrero, selon Rabat, s'était «vanté» d'avoir été victime d'un acte d'espionnage de la part des autorités marocaines, ce qu'il ne parvient pas à étayer alors qu'il a affirmé à plusieurs reprises, notamment devant une commission du Parlement européen, qu'il était convaincu «que le Maroc était derrière le piratage de son téléphone.» Les autorités marocaines ont déclaré n'avoir jamais disposé du logiciel Pegasus. Devant la justice espagnole, les avocats du royaume avaient choisi de recourir à une disposition légale aujourd'hui peu en vigueur, reprochant à Cembrero de s'être rendu coupable d'une «action de vantardise», c'est-à-dire de s'être vanté de quelque chose — en l'occurrence d'avoir été espionné par le Maroc — sans en avoir la preuve. L'arrêt de la juge Sonia Lence Muñoz, daté du 10 mars 2023, note «qu'il est très difficile de prouver que c'est le Maroc qui aurait introduit le logiciel informatique Pegasus» sur le téléphone portable de Cembrero. Les affirmations du journaliste reposent principalement sur le fait que son nom «aurait figuré» sur une liste très controversée et jamais examinée, publiée en juillet 2021 par le consortium Forbidden Stories, qui a collaboré avec des médias internationaux pour révéler les noms «de cibles potentielles de Pegasus.» Toutefois, cette liste ne constitue pas une preuve technique que le téléphone de Cembrero ait effectivement été infecté ni que le Maroc en soit l'auteur. Aucune expertise cryptologique et aucun rapport technique indépendant n'ont été produits pour confirmer l'utilisation de Pegasus sur son appareil. En conséquence, la justice espagnole considère que les déclarations de Cembrero relèvent plus de spéculations non étayées que de faits vérifiables. Dossier vide et accusations encore plus vides La justice espagnole, comme son homologue française, soutient qu'un Etat ne peut être assimilé à un particulier dans le cadre d'une action en diffamation, ce qui soulève une question juridique essentielle, notamment en ce qui concerne la nature des responsabilités étatiques face à des accusations publiques graves et infondées. En l'espèce, l'accusation de surveillance illégale par le biais du logiciel espion Pegasus cite le Maroc en tant qu'Etat et non une entité privée ou une administration autonome dénuée de responsabilité étatique. Ainsi, la tentative de limiter la possibilité pour le Maroc de se défendre en diffamation semble reposer sur une interprétation erronée du principe de la responsabilité de l'Etat et de ses organes dans des systèmes démocratiques et juridiques modernes. Le principe selon lequel un Etat ne peut engager une poursuite en diffamation empêche la vérité de jaillir. Les Etats, en tant qu'entités souveraines, sont responsables de leurs actions, qu'elles soient menées par des individus ou des institutions de l'Etat. En l'occurrence, l'accusation dirigée contre le Maroc ne vise pas un individu ou un groupe d'individus isolés, mais bien l'Etat marocain dans son ensemble, puisque les services de renseignement, bien qu'indépendants dans leur fonctionnement, agissent sous l'autorité du gouvernement en place. C'est ainsi que la diffamation, même lorsqu'elle est dirigée contre des services spécifiques, concerne toujours l'Etat dans son ensemble, puisque celui-ci porte la responsabilité légale et politique des actions de ses institutions. La vérité empêchée En outre, l'idée selon laquelle l'Etat, et non les services secrets (une administration publique) serait concerné par les accusations repose sur une distorsion de la réalité juridique. Les services secrets marocains engagent directement la responsabilité de l'Etat et il est inenvisageable d'extraire l'action de ses services secrets du cadre plus large des actes officiels de l'Etat. Dès lors, le Maroc, en tant que sujet de droit souverain, dispose du droit de se défendre face à de telles incriminations émise par rancune. Il n'est pas seulement légitime mais aussi nécessaire pour un Etat de défendre son image et sa réputation lorsque des imputations assez peu prouvées, notamment celles portant sur des violations de la vie privée et des libertés fondamentales, sont portées contre lui.