Le décret d'application sur la loi antidopage a été adopté au mois de mai dernier en conseil du gouvernement. Le texte prévoit notamment la création d'une Agence marocaine de lutte contre le dopage. Mais pour le moment, on ne voit rien venir. Le décret 2-18-303 portant application de la loi 97-12 relative à la lutte contre le dopage a pris en compte l'ensemble des engagements pris par le Maroc au niveau international, comme l'indique la version finale du texte tant attendu pour le secteur sportif. Formé de 63 dispositions, le décret propose une convergence des efforts des multiples intervenants en vue d'assainir le secteur sportif. En gros, la lutte contre le dopage est gouvernée par l'agence nationale qui reste le pivot de la mise en œuvre de la loi antidopage et en matière de détermination des modalités d'action de l'agence. La vocation de la prévention reste quant à elle prépondérante au sein de nouveau dispositif réglementaire dans l'optique de permettre aux sportifs de bénéficier des garanties qui sont offertes par les normes nationales, qui transposent l'ensemble des principes véhiculés par l'agence mondiale antidopage. Enfin, pour plus de coordination, le nouveau décret implique les associations sportives et les fédérations en matière de prévention. En plus des sanctions disciplinaires, l'agence pourra aussi prononcer des peines privatives de liberté, des amendes et aura le pouvoir de décréter des mesures préventives contre les coupables. La mise à niveau des unités sanitaires et des laboratoires qui seront intégrés au réseau contre le dopage sera aussi primordiale. « Ce décret permettra non seulement l'application de la loi pour cadrer l'aspect sanitaire, mais surtout de créer l'Agence marocaine de lutte contre le dopage. Il faut savoir que toutes les compétitions sportives au Maroc qui sont organisées sous l'hospice de fédérations ne sont pas contrôlées. En dehors de la fédération d'Athlétisme (FRMA), elles ne disposent même pas de programme de sensibilisation« , nous apprend Yahya Saïdi, journaliste sportif et spécialiste en droit du sport. Les contrôles au sein de la FRMA sont chapeautés par l'Organisation régionale antidopage (ORAD). La future agence marocaine antidopage pourrait d'ailleurs « voir le jour dans les prochains mois« , selon Mohamed Majidi, le président de l'ORAD pour l'Afrique du Nord. Cette structure permettra d'optimiser l'encadrement technique ainsi qu'un suivi médical réglementaire des sportifs marocains de haut niveau. « Aujourd'hui, ces suivis sont quasiment absents du monde sportif au Maroc. Maintenant, il faut que cette agence soit dotée de moyens à hauteur de ses ambitions. La loi de finances 2020 déterminera le budget alloué à cette dernière. Les estimations se chiffreraient entre 150 et 200 millions de dirhams annuellement« , précise Yahya Saïdi. L'idée de la création d'une agence antidopage au Maroc survient dans un contexte marqué par de nombreuses polémiques liées au dopage impliquant le Maroc, notamment avec l'affaire Clémence Calvin qui se serait dérobée au contrôle antidopage auquel devait la soumettre, à Marrakech, une commission de contrôle de la très puissante Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), spécialement dépêchée au Maroc. Cette affaire qui est actuellement instruite par la justice française, a eu pour conséquence l'annulation d'un stage de l'équipe de France d'Athlétisme qui était programmé à Ifrane durant ce mois. La raison invoquée, en off, par un membre de l'AFLD serait « le manque de garanties et de conditions pour la gestion des contrôles antidopage sur les sites marocains d'entraînement ». Une autre raison citée dans le journal «Le Monde» expliquerait ce boycott du site d'entraînement d'Ifrane réputé dans les milieux sportifs internationaux, par l'existence au Maroc d'un véritable réseau de trafic de produits dopants. Ifrane, paradis du dopage? Notre pays qui a produit plusieurs champions olympiques d'athlétisme de par le passé, serait-il devenu une plaque tournante de ce trafic ? Abdeslam Ahizoune, Président de la Fédération royale marocaine d'athlétisme, balaie ces accusations d'un revers de la main: « il y a un problème de dopage en France, comme ailleurs et nous pointer nous, fédération étrangère d'un pays ami, c'est faire diversion. Ça aurait pu se passer dans n'importe quel pays», s'est-il indigné dans les colonnes du journal sportif « L'Equipe », tout en défendant le site d'Ifrane. « Ifrane est une des villes les plus propres au monde, ce n'est pas une bourgade, comme j'ai pu le lire ailleurs ». « Je sens dans tout ça des relents colonialistes« , a t-il ajouté. Des mots très forts qui attestent de la tension qui pourrait naître entre les deux fédérations. D'autant plus que les révélations anonymes des officiels français dans le quotidien «Le Monde», suite à l'affaire de la marathonienne française, accablent le site d'Ifrane en le désignant comme un «paradis du dopage». « Ifrane, c'est la catastrophe. C'est une épine au pied de l'AFLD et une petite zone de non droit qui nous inquiète... », pouvait-on ainsi lire, entre autres commentaires en off de responsables de l'AFLD, dans l'édition du « Monde » du 9 avril. Dans ce contexte, l'entrée en jeu de l'Agence Marocaine Antidopage, dont le lancement serait d'après nos informations imminent, paraît plus que jamais urgente. Cet organisme étatique dont les missions couvrent également la coordination et la coopération avec des instances internationales homologues telles que l'AFLD ou encore l'Agence Mondiale Antidopage (AMA), pourrait contribuer à atténuer, par son action, le feu nourri dirigé contre le Maroc en matière de lutte antidopage. Car en l'absence d'un ONAD (Organisme National d'Antidopage), ces instances internationales en sont réduites à coordonner leurs actions avec l'ORAD (Organisme Régional d'Antidopage) dont le siège se situe certes à Rabat, mais dont l'action couvre l'ensemble de la région, Algérie et Tunisie y compris. Et c'est certainement de cette semi-vacation que résulte la crise de crédibilité en matière de lutte antidopage dont le Maroc a subi dernièrement les conséquences. C'est du moins l'avis du docteur Oussama Boughaleb, président de l'Association Marocaine de Médecine du Sport, qui a déclaré à Hespress Fr : « Dans son organisation, l'Agence Mondiale Antidopage ne doit avoir de contact qu'avec une Agence nationale qui doit être indépendante de tout ce qui est étatique et du Comité olympique. Au Maroc, l'absence d'une Agence nationale antidopage se fait sentir sur l'efficacité de cette lutte, même si c'est le CNOM qui s'en occupe. A part la Fédération Royale Marocaine d'Athlétisme, nul ne se soucie du phénomène du dopage ».