La suspension de la hausse du ticket de métro de la discorde qui a déclenché contestation et émeutes, n'a pas suffi à calmer les ardeurs des manifestants au Chili. Malgré l'Etat d'urgence et le couvre-feu (Santiago) décrétés, le pays est en proie depuis trois jours à des émeutes et des scènes de pillages sans précédents qui ont conduit à la mort de sept personnes depuis le début du mouvement. Hier cinq victimes ont péri dans l'incendie d'une usine de vêtements qui subissait des pillages dans le nord de la capitale Santiago. Le Chili est « en guerre », a affirmé dimanche le président Sebastian Pinera, « Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, implacable, qui ne respecte rien ni personne et qui est prêt à faire usage de la violence et de la délinquance sans aucune limite » a-t-il déclaré à la presse tout en réitérant son soutien au général Javier Iturriaga, qu'il a chargé du maintien de l'ordre dans le pays : « La démocratie a le droit et le devoir de se défendre. » Mais en vain. Les émeutes ont continué dimanche de plus belle malgré l'annonce la veille par le président en personne, de l'annulation de la hausse des prix du ticket de métro qui avait déclenché la rébellion populaire. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers dans l'après-midi dans le centre de Santiago, tandis que des pillages se déroulaient dans plusieurs endroits de la capitale jusque tard dans la nuit. Mais il n'y avait pas que la capitale qui était embrasée. Le soulèvement des Chiliens a touché l'ensemble du pays malgré la mesure de couvre-feu décrétée à Santiago entre 19 h et 6 h locales et l'état d'urgence également en vigueur dans plusieurs régions et grandes villes du sud et du nord du pays. C'est la pire explosion sociale depuis des décennies et elle a tout d'une guerre civile au regard de l'état des lieux (feux rouges cassés et arrachés, carcasses de bus carbonisées, commerces pillés et incendiés, stations de métro saccagées, vols annulés à Santiago etc.). Ce sentiment de colère du peuple chilien trouve sa réalité dans les conditions socio-économiques qui se dégradent de plus ainsi qu'aux inégalités. L'accès à la santé et à l'éducation relèvent presque uniquement du secteur privé d'où ce malaise social. Le Chili est l'un des pays les plus inégalitaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 1 % des Chiliens concentrent plus de 25 % des richesses du pays. Les patrouilles de militaires n'ont plus sillonné les rues chiliennes depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), elles ont procédé à 1 462 personnes arrestations, dont 644 dans la capitale et 848 dans le reste du pays.