Aïcha Ech-Chenna a pris fait et cause pendant plus d'un demi-siècle pour les enfants nés hors mariage et a pris en charge des mères célibataires. Dédiant la moitié de sa vie à ces personnes en détresse, elle portera leurs voix dans une société qui s'emploie à les exclure. Portrait d'une combattante hors pair. La «Mère Teresa du Maroc» n'est plus. Au royaume, la cause des mères célibataires porte un nom et un visage, ceux d'Aïcha Ech-Chenna. Son Association Solidarité féminine (ASF) est la première ONG marocaine et de tout le monde arabo-musulman à agir ouvertement en faveur des mères célibataires et de leurs enfants. Une enfance pas très simple En créant en 1985 ladite association, elle prend en charge des mères célibataires qui ne bénéficient d'aucun droit. Rejetées par leurs familles, en marge de la société, ces dernières bénéficient de formations, de cours d'alphabétisation et d'un travail pour qu'elles puissent être indépendantes du point de vue financier au bout de trois ans. Onze années plus tard, elle rend hommage aux domestiques maltraitées ainsi qu'aux enfants laissés pour compte à travers son recueil d'histoires «Miseria», publié aux éditions le Fennec. Mais avant de nous étaler un peu plus sur ses exploits, rappelons qui est vraiment cette femme et quelle est son histoire. Aïcha Ech-Chenna naît à Casablanca en 1941 et part vivre ensuite à la ville ocre. Son père, chef de chantier à Marrakech, est mort d'une tuberculose alors qu'elle n'a encore que trois ans. Et décidément, un malheur ne vient jamais seul. Elle perd sa petite sœur à cause de la leucémie quelques mois seulement après le décès de son père. Lire aussi. Vidéos. Quand Aïcha Chenna parlait de Solidarité Féminine sur H24Info Veuve à l'âge de 20 ans, sa mère se remarie rapidement. Alors qu'Aïcha n'a que 12 ans, son beau-père l'oblige à porter le voile et la contraint à quitter l'école pour la couture. Une situation que sa mère ne supporte pas. Elle-même contrainte de rester cloîtrée à la maison, elle refuse ce sort pour sa fille et l'envoie à Casablanca en 1953, seule à bord d'un bus, vivre chez sa tante avec seulement quelques dirhams en poche. C'est dans la métropole que notre Mère Thérèsa nationale fera à présent sa vie. Elle poursuit d'abord ses études à l'école française où elle obtient son diplôme d'études primaires, mais ce rêve ne durera pas longtemps. A 16 ans, la mère de notre protagoniste réussit à obtenir sa répudiation et rejoint Aïcha à Casablanca. Elle doit de nouveau arrêter l'école pour travailler et faire vivre sa mère, dorénavant seule. Dans ce contexte, Aicha réussit à être embauchée en tant que secrétaire médico-sociale au service des lépreux. Après 6 mois de travail, Aïcha est mutée à la Ligue marocaine contre la tuberculose où elle travaille quelques années. Encouragée par l'assistante sociale, elle passe le concours d'infirmière qu'elle réussit. Pendant ses études, elle continue de travailler pour payer le loyer. Un tournant, puis un engagement C'est là qu'une rencontre marque un tournant dans la vie de la militante. Elle découvre des endroits insalubres où sont relégués ou encore laissés pour morts, les enfants nés hors mariage. Et dans ce contexte, Aïcha Ech-Chenna découvre la triste réalité des femmes célibataires et des enfants nés hors mariage au Maroc. Une réalité qui ne sépare plus l'esprit de notre héroïne et qui la touche profondément au point de consacrer sa vie pour la cause. La détermination et le courage immenses de cette grande dame ont été récompensés à de nombreuses reprises. En 2000, Aïcha reçoit la médaille d'honneur, remise par le roi Mohammed VI. Tout au long de son parcours, elle a reçu, entre autres, de nombreux prix dont le prix des droits de l'Homme de la République française (1995), le prix Grand Atlas (1998), le prix Elisabeth Norgall (2005) et la consécration, avec le prix Opus, remis avec un chèque de 1 million de dollars. Lire aussi. Pluie d'hommages à Aïcha Chenna, icône de la lutte pour les droits des femmes Ainsi, et grâce aux efforts incessants de notre protagoniste, la réforme du Code du Statut Personnel au Maroc, plus communément appelé la Moudawana, a représenté une avancée importante des droits des femmes avec l'augmentation de l'âge légal du mariage, la possibilité pour les femmes de demander le divorce ou encore la coresponsabilité des conjoints dans le cadre légal du mariage. Concernant les droits des mères célibataires, celles-ci peuvent déclarer officiellement leur enfant à l'Etat Civil depuis 2004. Cependant, certaines lois marocaines portent encore préjudice aux enfants nés hors mariage. Par exemple, l'article 446 de jurisprudence stipule «qu'un enfant né de la fornication est considéré comme bâtard et doit rester bâtard, même s'il est par la suite reconnu pas son père biologique» car le Code pénal punit jusqu'à un an d'emprisonnement les relations sexuelles entre personnes non unies par les liens du mariage.