Le Rif, point de départ des généraux putschistes espagnols de juillet 1936, a été mis en coupe réglée après la révolte de 1921-1926. La rébellion menée par Abdelkrim El Khattabi est écrasée par une alliance militaire franco-espagnole. Dix ans plus tard, le général Franco, principal pacificateur du Rif, recrute ces ennemis rifains d'hier pour mener son putsch contre la République. 1930. L'Espagne est engluée dans une grave crise politique et économique qui sonne la fin du dictateur Primo de Riviera maître du pays depuis 1923. L'ancien roi Alphonse VIII, se propose de revenir au trône sans succès. Le roi s'exile à Paris. En 1931, l'Espagne passe officiellement sous un régime républicain. Une bataille politique commence alors entre les partis de gauche et la droite catholique. En 1934, la droite majoritaire au gouvernement s'attitre les foudres de la gauche. En 1936, le Frente Popular (Front populaire) de gauche arrive au pouvoir. La tension entre les deux camps est à son paroxysme. Les militaires de droite conspirent pour faire chuter le gouvernement et prendre le pouvoir. Parmi eux, on retrouve Francisco Franco, alors gouverneur militaire à Ténériffe aux îles Canaries. Quand l'Etat a vent de ce complot, il décide d'éloigner les hauts gradés de l'armée de la capitale Madrid. Les généraux continuent à fomenter l'insurrection militaire dans le secret. Dans la péninsule Ibérique, les socialistes qui sentent le vent tourner, provoquent une série de grèves et arment les travailleurs pour contrer le complot qui se prépare loin de Madrid. Le 17 juillet, c'est le début du coup d'Etat. Franco, avec ses troupes situées au Maroc, remonte en Espagne en direction de Madrid. Mais face à la résistance farouche des socialistes, le coup d'Etat est raté, et se transforme en guerre civile des nationalistes (Franquistes), qui auront le soutien de l'église, contre les républicains. Dans cette guerre, les troupes marocaines, les Maures, vont jouer un rôle prépondérant. Danger de Maure Le nombre de ces guerriers mal équipés, mais très courageux fait l'objet de débats entre historiens. Certains avancent le chiffre de 70 000 tandis que d'autres vont jusqu'à parler de 150 000. Pour les recruter au début des années 30's, l'administration coloniale espagnole somme les Caids de chaque bourgade dans le Rif d'enrôler, parfois par la force, un certain nombre de jeunes qui serviront de chair à canon au service d'un conflit dont ils ne maîtrisent pas les tenants et les aboutissants. «Pour appâter ces paysans ravagés par la pauvreté, l'armée espagnole leur avance deux mois de salaire, quatre kilos de sucre, une boîte de pétrole de deux litres et une quantité de pain chaque jour en fonction du nombre d'enfants»,peut-on lire dans des archives espagnoles. La légende voudrait même que Franco leur ait promis: «Vous retournerez dans vos villages avec des chaussons en or!»
Pour endoctriner ces vaillants soldats, des « commissaires politiques » leurs expliquent qu'en cas de victoire des Républicains, ces derniers envahiront le Maroc, le mettront à feu et à sang, violeront leurs femmes, et convertiront leur enfants au christianisme. En clair, une seconde Reconquista en terre d'Islam. Un discours qui va faire son effet sur une population pauvre et inculte. Ils seront acheminés par la suite vers la péninsule ibérique sur des bateaux et des avions fournis par Hitler et Mussolini, les alliés fascistes des généraux putschistes.
Brûlures de l'histoire Des barbares, des violeurs et des envahisseurs...ces qualificatifs visant les arabes hantent les Espagnols depuis la chute de Grenade en 1492 et la fin de la Reconquista par l'alliance d'Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon. L'arrivée des Moros (Maures) sur le territoire ibérique en 1936 réveille les vieux démons des Espagnols.
Premier baptême de feu pour l'armée marocaine sera le siège de l'Alcázar de Tolède. Suite à une rébellion des cadets d'Alcázar pro-républicains. Fin octobre 1936, des dizaines de milliers de soldats marocains débarquent à Tolède qu'ils libèrent dans un bain de sang sous les ordres du général nationaliste José Enrique Varela. À Madrid, les républicains ont le temps de recevoir des armes soviétiques et l'appui des « Brigades », ces combattants provenant du monde entier pour défendre un idéal de liberté. Le choc entre les troupes de Franco et les républicains donnera lieu à la bataille de Madrid, soit le chapitre le plus sanglant de la guerre civile espagnole qui devient le terrain d'affrontement de plusieurs adversaires au point que certains parlent d'un conflit aux ramifications internationales entre fascisme et communisme qui sera un avant-goût de la Seconde Guerre mondiale. Trois ans après, ce conflit qui fera 500 000 morts se soldera par la victoire du camp nationaliste et le Caudillo régnera en maître absolu du pays jusqu'à sa mort en 1975.
Entrée des Regulares dans la Capitale Madrid Fer de lance de l'armée des nationalistes, « les Regulares » dont on estime le nombre tombé au combat à 20 000, seront invités à regagner leur Rif natal plus pauvre que jamais en raison du manque de bras pour travailler. L'histoire ne se répète pas, elle bégaie, disait Karl Marx. Comme leurs concitoyens qui participeront une décennie après à la Seconde Guerre mondiale, les soldats du Rif ne toucheront qu'une modique retraite de l'armée espagnole. Traumatisée par la guerre de pacification et le déni de l'état espagnol, plongée dans l'extrême pauvreté, la population du Rif connaitra sous Hassan II une rébellion qui sera matée dans le sang en 1958. Soixante ans après, plusieurs jeunes d'Al Hoceima et la région sont condamnés à de lourdes peines par la justice pour avoir osé revendiquer de meilleures conditions de vie.