L'idée fait son petit bonhomme de chemin depuis plus d'une décennie. Elle a germé lors des débats du 4e Sommet Africité, à Nairobi, au Kenya. Les collectivités territoriales du continent, réunies dans le cadre des Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) avaient alors lancé les pourparlers autour de cette thématique. Aujourd'hui c'est chose faite, le rêve est devenu réalité notamment pour Mahi Binebine. Et pour cause, le peintre, sculpteur et écrivain marocain accepte de se mobiliser dans ce sens en devenant président d'honneur de Marrakech, capitale africaine de la culture 2020 lors d'une manifestation qui a eu lieu jeudi à Paris. Parti d'un constat, Mahi Binebine soutient qu'il était temps que cette initiative voie le jour en Afrique. Créer un pôle culturel propre à l'Afrique Contacté par 2M.ma, il explique qu'« en tant qu'artistes, nous sommes obligés d'avoir une reconnaissance en Occident pour exister chez nous. » « Il faut que cela cesse », fustige-t-il. Et d'ajouter : « Il faut que j'aille en Europe pour rencontrer les artistes africains. Pourquoi ne pas les rencontrer chez moi puisque ce sont mes voisins, pourquoi ne pas les rencontrer à Marrakech ou à Dakar ou à Ouagadougou. » Lors de son mandat, le président d'honneur souhaite faire de la ville ocre un pôle de rencontres des artistes par excellence. « Marrakech va être une immense fête qui va commencer le mois prochain. Nous sommes en train d'organiser des rencontres littéraires, des expositions, des pièces de théâtre, un festival gnaoua. On a une année pour justement créer un pôle culturel dans cette ville et vraiment il va y avoir des choses splendides. On est en train de réfléchir à un jardin de sculptures à Aarsst Lbilk sur Jamaa El Fna. Un jardin de sculptures africaines comme celui que j'avais créé pour la COP22 sur l'avenue Mohammed V, c'est un projet qui me tient très à cœur », raconte le Marocain. Les ambitions sont grandes pour Mahi Binebine, « on a envie de réenchanter la culture africaine mais on a envie de le faire chez nous. La culture africaine existe, les artistes africains existent mais on ne les connait pas. Nous sommes quelque part tournés vers le Nord alors qu'on devrait regarder vers le Sud. Je passe ma vie à faire des expositions à New York, à Paris, aujourd'hui j'ai envie de faire la biennale de Dakar, j'ai envie de me tourner un peu vers mes voisins africains parce que d'abord ils sont proches de moi. Quand on parle de l'international on pense au Nord. Non ! On peut penser au Sud et on a des richesses exceptionnelles au Sud », se désole l'artiste. Une manière également d'attirer les artistes européens ou encore américains vers l'Afrique. Une initiative lancée en Europe en 1985 Un continent où les pays doivent avancer main dans la main pour cet amoureux de la culture qui se bat depuis des années pour attirer toutes les tranches de la société. « J'ai envie de dire aux Africains unissons-nous, on a tout ce qu'il faut. Les centres culturels que nous avons créés avec Nabil Ayouch dans les bidonvilles, on a envie de les exporter en Afrique pourquoi attendre que ce soient les autres qui nous apprennent. J'adore les centres culturels français par exemple, je trouve ça formidable mais ils sont dans les beaux quartiers. Nous avons envie de nous installer là où personne n'a envie d'aller. On doit se prendre en charge, on ne doit plus compter sur l'autre », souligne-t-il. Le volet économique n'est pas à négliger non plus. Mahi Binebine persiste et signe : « Nous voulons démocratiser la culture et expliquer même à nos décideurs, parce qu'ils ne comprennent pas encore que la culture peut générer de l'emploi. » Et de conclure : « La culture peut faire rêver les gens. Il y a une richesse exceptionnelle en Afrique et on en a marre ; à chaque fois qu'on parle de l'Afrique, on parle de l'instabilité politique, on parle de l'immigration clandestine, on parle de la misère. Il faut que ça cesse, il faut donner une autre image à ce continent. » Il est temps pour l'Afrique donc de laisser son empreinte dans le monde culturel ! Et cela commence par Marrakech, qui fera donc ses preuves cette année avant de passer le flambeau en 2023. Devrait ainsi prendre le relais Kigali, déjà sur les rangs. Sauf si la Rwandaise est doublée par la Sénégalaise, Dakar, elle aussi intéressée. Pour rappel, tous les trois ans, une ville est choisie pour devenir l'ambassadrice des cultures du continent. Elle le sait à l'avance afin de mieux travailler et développer une large programmation, la faire vivre et la diffuser dans d'autres villes et pays. Le continent africain était le seul à ne pas adopter ce projet. La formule est née en 1985 sur le Vieux Continent et a vu le jour grâce aux ministres de la culture grec et français de l'époque (Melina Mercouri et Jack Lang), afin de rapprocher les Européens en mettant en avant la richesse et la diversité de leurs cultures.