Malgré les températures négatives, les « sans-abris » continuent de sillonner les rues des différentes villes du royaume, faute d'alternatives. Il suffit de prendre le temps de se promener tard le soir pour apercevoir les ombres dessinés par plusieurs silhouettes qui n'ont pour oreiller qu'un grand lot de cartons ou des pierres. Dépourvus de vêtements, de couvertures et de nourriture, ils n'ont que la rue pour se « loger ». Ce phénomène n'a pas laissé la société civile de marbre. Plusieurs associations ayant pour but de venir en aide aux SDF ont vu le jour depuis la propagation du phénomène à l'image du Samu Social de Casablanca qui compte près de 13 ans d'activité. Contactée par 2m.ma, Wafaa Bahous, directrice du Samu Social, nous fait le point sur la situation des SDF au Maroc et plus précisément à Casablanca où se concentre plus de 23% des sans-abri du royaume, selon les derniers statistiques du Haut commissariat au plan rendu public en octobre 2017. Si la rue représente pour la plupart des marocains un espace public où ils peuvent se balader en toute tranquillité, d'autres la considèrent comme leur propre maison. Une maison sans toit d'une superficie illimitée leur permettant de changer de « lit » à tout moment en fonction de plusieurs facteurs, habituellement économique. Livrés à eux-mêmes, les SDF s'adonnent majoritairement à la mendicité. Ils sont donc obligés de faire le tour des quartiers jusqu'à trouver celui qui leur fait gagner plus d'argent. 90% des SDF sont en âge de travailler Le Maroc compte un grand nombre de sans-abris. A Casablanca, ils envahissent pratiquement tous les quartiers avec une concentration remarquable en cette période hivernale à Al Fida et Anfa, nous assure Mme Bahous affirmant par ailleurs qu'il est très difficile de les géolocaliser puisqu'ils changent d'endroit en fonction des saisons. « En été, ils se dirigent pratiquement tous vers Ain Diab où ils trouveront beaucoup de monde et donc beaucoup d'argent », explique-t-elle. Selon Mme Bahous, 90% des SDF au Maroc sont en âge de travailler contre seulement 10% des personnes âgées. Ces dernières bénéficient en hiver d'hébergement et soins médicaux dans plusieurs centres du royaume. « Il s'agit d'une campagne nationale menée en collaboration avec les autorités au profit des personnes âgées. Le ministère de la Santé a mis à notre disposition 5 médecins à plein temps qui veillent sur la santé des SDF âgés et leur offrent les soins nécessaires », détaille-t-elle. Etre un SDF est désormais une vocation, un métier ! Bien qu'il soit toujours élevé, leur nombre chute significativement en hiver, période durant laquelle la plupart rejoignent leurs familles contrairement à l'été où le nombre des SDF explose. Dans l'absence totale d'un encadrement adéquat, être un sans-abri est désormais une vocation et même un métier puisqu'en effet, la rue leur fait gagner beaucoup d'argent facile, déplore-t-elle. Avec une moyenne de 400 à 500 dirhams par jour, les sans-abri ont pris l'habitude de mendier aux feux rouges ainsi que dans les grands quartiers de la capitale économique. Certains même cherchent à maquiller leurs mauvaises pratiques en prétendant offrir un service pour lequel ils doivent être payés comme par exemple les gardiens de voitures qui envahissent les rues d'une manière illégale, illustre-t-elle. Les réseaux sociaux ont contribué à l'augmentation des sans-abris et ont instauré la « e-mendicité » Plusieurs personnes pensent bien faire, or elles ne font que contribuer à la propagation du fléau. Depuis l'avènement des réseaux sociaux, le nombre des SDF a terriblement augmenté, selon Mme Bahous. « Les réseaux sociaux ont permis la création de pages qui font la collecte des dons et organisent des campagnes durant lesquelles elles distribuent nourritures et vêtements. C'est une action sociale que je salue mais qui n'est pas sans risque. Sans qu'ils s'en rendent compte, ils encourage les gens à devenir des SDF ne serait-ce que pour avoir une veste gratuitement », explique-t-elle. Les vidéos de personnes demandant de l'aide qui envahissent nos fils d'actualité ont également encouragé les gens à quitter leurs domiciles pour se rendre là où ils trouveront plus d'argent : la rue, ajoute Mme Bahous. « Au Maroc, il existe beaucoup de familles nécessiteuses certes, mais ce n'est pas une raison pour mendier sur les réseaux sociaux », s'indigne-t-elle. « En partageant de tels contenus, on ne fait qu'inciter les gens à rester tranquillement chez eux à ne rien faire et demander aux autres qui travaillent toute la journée à leur venir en « aide ». Mais est-ce réellement une aide ? », s'interroge-t-elle. Pour Wafaa Bahous, le seul et unique moyen de lutter contre ce fléau est l'éducation qui, malheureusement, devient de plus en plus absente dans nos écoles et nos foyers. « Nous manquons réellement de ressources humaines qualifiées. C'est un phénomène qui nous concerne tous et qui ne peut être réglé que si on s'unit tous ensemble », insiste-t-elle. « Arrêtons de leur donner de l'argent. Le jour où les SDF ne trouveront plus de sous dans la rue, ils réfléchiront mille fois avant de s'y installer », recommande-t-elle.