La 4e édition de la Conférence Internationale du Sucre s'est tenue ce mercredi 10 mars 2021 à Casablanca. L'événement, organisé sous format hybride en partenariat avec 2M, a connu la participation de 500 professionnels issus d'une quarantaine de pays, dont près de 40 ont assisté aux travaux de la conférence en présentiel. « Secteur sucrier mondial : quels chemins de croissance? » est la thématique choisie pour cette édition. "C'est une thématique orientée vers l'avenir, surtout que nous sommes entrain de sortir du tunnel de la pandémie", déclare à 2M.ma Mohammed Fikrat, PDG du Groupe COSUMAR et président de l'Association professionnelle sucrière (APS), organisateur de cette Conférence en partenariat avec l'Organisation Internationale de Sucre (OIS) qui compte 87 pays membres. Rendez-vous biannuel incontournable pour les principaux acteurs mondiaux du secteur sucrier depuis 2015, la Conférence a permis d'échanger sur les enjeux stratégiques de l'heure. A son menu figurait des débats autour de l'impact du nouveau coronavirus sur le marché du sucre, des défis de production liés à la raréfaction de l'eau, des possibilités de diversification et des enjeux de l'innovation et de la recherche et développement (R&D). Membre de l'OIS depuis 2007 et élu président de l'Organisation en 2010, le Maroc s'affirme comme un modèle à suivre en termes de gestion de la filiale sucrière, de l'amont agricole jusqu'au produit final. Selon les données présentées lors de cette Conférence, les plantes sucrières sont produites au Royaume par quelques 80.000 agriculteurs. Le secteur est aussi au cœur de l'activité de près de 1200 entreprises, et son volet industriel est pourvoyeur d'environ 2000 emplois directs et 3000 autres indirects. Au vu du poids du secteur et des enjeux majeurs qui y sont liés, il était naturel que ses acteurs se mobilisent à l'unisson pour dépasser les contraintes que la pandémie a imposé aux producteurs au Maroc comme partout dans le monde, et pour assurer un approvisionnement régulier du marché en sucre raffiné. "Le secteur sucrier se caractérise par sa dimension socioéconomique régionale, et joue un rôle fort dans la génération de revenus réguliers et résilients pour les agriculteurs dans tous les pays où il est installé", a expliqué M. Fikrat. En effet, le secteur sucrier marocain se caractérise par une chaine de valeurs complète qui va de l'amont agricole jusqu'au produit final, et où agriculteurs et industriels sont étroitement interconnectés. Le Groupe COSUMAR, leader national de l'extraction du sucre, de son raffinage et et de son conditionnement, dispose de 7 usines implantées dans les 5 régions où se concentre la culture des plantes sucrières, à savoir le Gharb, le Loukkos, Moulouya, Tadla et Doukkala. Il adopte une mission d'agrétgateur de la filière, basée principalement sur le soutien financier et l'encadrement technique des producteurs des plantes sucrières pour une meilleure productivité, générant un accroissement important des revenus. Autre particularité du secteur qui puise dans sa nature organisée, la culture de plantes sucrière génère un "effet vertueux" sur les autres productions agricoles. Au Maroc, par exemple, les agriculteurs qui interviennent sur le secteur sucrier sont également des céréaliers, des producteurs de légumes, de fruits ou des éleveurs (viandes, lait). "Cet écosystème fait que le préfinancement que nous accordons aide l'agriculteur, quelle que soit la taille de sa parcelle, à gérer l'ensemble de son exploitation poly-productive, à s'acquitter des frais de l'eau et l'aide aussi à garder l'œil sur le développement des techniques agricoles (fertilisation, préparation du sol, irrigation, etc)", nous explique le PDG de Cosumar. * Reportage/ Conférence Internationale du Sucre : Etat des lieux et perspectives du secteur sucrier marocain Tous ces éléments ont conduit le secteur sucrier à devenir un secteur central dans le Plan Maroc Vert et par la suite dans le nouveau plan stratégique Génération Green 2020-2030, dont la cérémonie de lancement a été présidée par SM le Roi Mohammed VI le 13 février 2020. Après deux contrats-programmes couvrant les périodes de 2008-2013 et de 2013-2020, et qui précisent les obligations de tous les acteurs (professionnels sous les bannières de leurs associations, ministères, etc.), la filière se prépare à la 3e étape. "En tant que professionnels, agriculteurs et transformateurs, nous nous sommes engagés à opérer les investissements nécessaires pour améliorer notre productivité et la résilience de notre secteur, et l'Etat s'est engagé à nous accompagner particulièrement sur la réglementation", poursuit M. FIkrat. En effet, la réglementation et autres facteurs contribuent à l'amélioration de la visiblité des investisseurs. Pour accroitre cette visibilité et dynamiser la roue de l'investissement depuis l'agriculture jusqu'à la transformation, plusieurs chantiers ont été récemment lancés. M. Fikrat en cite un programme qui encourage à évoluer progressivement vers l'agriculture de précision, et un autre pour promouvoir l'irrigation localisée et la fertilisation raisonnée. "Nous disposons du "smart-blender" qui adapte les formules d'engrais en fonction de la nature de chaque parcelle et qui optimise l'utilisation des nutriments, ce qui permet une baisse moyenne de 25% du coût avec l'amélioration de la roductivité", illustre le président de l'APS, en rappelant le lancement, il y a deux ans, du chantier de digitalisation et l'avènement du programme Attaissir. Ce dernier est une solution numérique destinée aux agriculteurs. Le programme permet la simplification et la facilitation des procédures relatives à la préparation des campagnes agricoles comme les achats d'ntrants, l'amélioration de l'encadrement technique et un meilleur accompagnement au quotidien, la garantie de transparence pour les transactions financières, une réduction effective du délai de paiement et l'accès à l'information en temps réel. "Ce programme s'est avéré extrêmement utile pour dépasser les contraintes que nous avions connu après l'avènement de la pandémie", assure M. Fikrat; De leur côté, les producteurs ne cachent pas leur satisfaction de l'état des lieux actuel de la filière. Abdelkader Kandil, président de l'Union nationale des associations de producteurs de plantes sucrières et de l'Association des Producteurs de Betterave Doukkala-Abda, confirme à 2M.ma que les plantes sucrières, la betterave à sucre à leur tête, sont des cultures à succès grâce à leurs multiples retombées bénéfiques sur les agriculteurs, surtout en termes de rentrées financières par rapport à d'autres cultures. Cependant, M. Kandil a listé quelques contraintes, dont la raréfaction des ressources hydriques. "Il faut que les quantités d'eaux consacrées à cette culture soit augmentées, notamment au profit des régions de Doukkala et de Tadla", a-t-il signalé. Il a aussi évoqué le souhait des agriculteurs d'élargir les surfaces emblavées et qu'un soutien à l'équipement soit octroyé. "Nous cultivons actuellement quelques 50.000 hectares de betteraves à sucre et nous voulons que cette superficie soit augmentée à 70.000 ha", a-t-il dit. Malgré ces contraintes, le secteur s'impose comme un modèle à suivre pour d'autres filières agricoles. C'est ce que nous assure Driss Radi, président de la Chambre d'agriculture de Rabat-Salé-Kénitra. "Aujourd'hui, le secteur sucrier brasse près de 2,5 milliards de dirhams au bénéfice des agriculteurs", rappelle-t-il en faisant savoir que les agriculteurs bénéficient actuellement de la couverture sanitaire grâce aux efforts conjugés des industriels. M. Radi a aussi fait valoir le rôle que peut jouer ce secteur dans l'émergence d'une classe moyenne agricole, au vu de la marge de bénéfice élevée permises par les plantes sucrières, comparativement à d'autres denrées comme le blé. A l'exemple de M. Kandil, il espère que les surfaces emblavées augmentent, et qu'une attention particulière soit accordée au secteur sucrier par le gouvernement. "Le sucre est une matière essentielle pour les marocains. Si le gouvernement encourage la culture des plantes sucrières, nous pourrons atteindre une auto-suffisance en sucre raffiné, et pourquoi pas l'exporter à large échelle". Actuellement, le Maroc exporte le sucre raffiné vers une quarantaine de pays. En 2020, COSUMAR a exporté 650.000 T de sucre raffiné, dont 130.000 T vers l'Afrique de l'Ouest. La capacité de production actuelle de la filière est d'environ 1,65 million de tonnes par an (6.500 T par jour), et le volume de sucre extractible s'est nettement amélioré en dix ans, passant de 5 à 12 tonnes par hectare. Ces avancées, permises par une grande implication de tous les acteurs, promettent d'ouvrir la voie au Maroc pour conquérir de nouveaux marchés à l'international.