Inondations, baisse des stocks à l'international, flambée des prix...les maux de la filière sucrière se suivent et, dans l'ensemble, se ressemblent. Le constat en a été dressé, hier à Marrakech, lors de la 37e session du conseil de l'Organisation internationale du sucre (OIS), qui se tient du 1e au 3 juin courant. «Les années 2008 et 2009 étaient particulières pour le secteur sucrier marocain. Les prix ont pratiquement doublé», indique Mohammed Fikrat, président de l'OIS. La tenue de cet évènement vient donc à point nommé, permettant ainsi aux opérateurs sucriers réunis dans la ville ocre de réfléchir à quelques «pistes clés pour tenter de faire face aux défis», comme l'indique le président de l'OIS. Valeur aujourd'hui, l'unique opérateur du secteur dans le Royaume, en l'occurence le groupe Cosumar, comble 40% des besoins à partir de la production nationale. Chaque année, ces besoins augmentent de 25 à 30.000 tonnes. Et pour cause, le Maroc est en effet le 5e consommateur de sucre en Afrique (il est le 3e pays producteur et 4e plus grand importateur). C'est dire les besoins en perspective et la nécessité pour le pays de renforcer, davantage, son positionnement. Comme toute filière agro-alimentaire, la sucrière n'échappe pas aux aléas de Dame Nature. Ainsi, en raison de la perturbation de la campagne 2009, liée aux inondations, les professionnels craignent la répétition du même scénario durant la campagne agricole actuelle. À Marrakech, les officiels réunis lors de cette messe (85 pays représentés) ont tenu un discours plutôt rassurant. Le ministère de tutelle a ainsi rappelé les subventions accordées à la filière et a abordé le contrat-plan, signé avec la Cosumar. Impact des inondations Rappelons-le, le gouvernement avait accordé une enveloppe budgétaire de 25 à 30 millions de DH, destinée à aider les 5.000 agriculteurs marocains sinistrés. Selon l'Office de mise en valeur agricole du Gharb, environ 5.000 hectares de cultures dédiées à la betterave à sucre ont été perdues. L'ampleur des dégâts subis est importante. Sur le terrain, les professionnels précisent que, pour 2009, on n'a pas encore de chiffre précis. «Mais nous avons anticipé : le soutien aux agriculteurs et les aides financières sont d'ores et déjà avancées. Les inondations de cette année ont touché 7.000 hectares», indique le président de l'OIS. En mars dernier, l'Etat avait aussi décidé de débloquer quelque 250 millions de DH à travers la Caisse de compensation pour encourager les importations de sucre brut destinées à compenser le manque dû à la perte de récoltes à la suite des inondations. «L'intervention de l'Etat a fait en sorte que le marché national n'a pas été affecté», souligne Mohammed Fikrat. Cosumar avait décidé, elle aussi, de venir en aide aux producteurs de betterave dans le Gharb. Le raffineur avait annoncé qu'il allait verser aux producteurs des aides pour compenser les semences perdues et se reconvertir dans des cultures de remplacement. Un contrat-plan pour la filière Le 22 mai dernier, la filière sucrière a eu sa part de contrats-plan signés avec l'Etat, en marge des assises de l'agrégation. Ce dernier, à travers le ministère de l'Agriculture et des pêches maritimes, a signé une convention avec les représentants de la filière. D'une valeur globale de 10 millions de DH sur 4 ans, l'accord concerne la mise en place d'un centre de recherche et de développement des cultures sucrières (CRCS) pour la conduite des programmes de recherches appliquées et la production de boutures agréées de canne à sucre. Objectif : couvrir les besoins nationaux à hauteur de 55% à l'horizon 2013, soit produire 650.000 tonnes de plus. En gros, il s'agira d'améliorer la rentabilité des cultures sucrières par le renforcement de R&D, la sécurisation de l'eau d'irrigation et sa rationalisation, un meilleur encadrement de proximité des producteurs...Concernant l'axe de l'eau d'irrigation, les fortes précipitations qu'a connues la région seraient, selon les professionnels, de nature à reconstituer les réserves en eau d'irrigation, ce qui offre une meilleure visibilité pour les prochaines campagnes. À condition que les inondations ne pointent pas du nez l'année prochaine, et que les dispositions nécessaires aient été prises. 80.000 familles d'agriculteurs Cosumar est l'unique producteur de sucre du Royaume. Détenu principalement par la holding ONA-SNI (55% des actions, aux côtés la CIMR -12,82%- et plusieurs banques), le groupe Cosumar se compose de cinq sociétés spécialisées dans l'extraction, le raffinage et le conditionnement du sucre sous différentes formes. Il s'agit de Cosumar SA (raffinerie de Casablanca et les sucreries de Doukkala), Sunabel (les sucreries de la région Gharb-Loukkos), Surac (sucrerie raffinerie de canne située à Mechraâ Belksiri), Sucrafor (sucrerie raffinerie de l'Oriental et Suta (sucreries du Tadla).Dans l'ensemble, la filière sucrière au Maroc couvre aujourd'hui près de 45 % des besoins. Les 55% restants sont couverts par le raffinage du sucre brut importé. Selon des chiffres officiels, la filière permet, en amont, d'assurer des revenus à 80.000 familles d'agriculteurs, qui exploitent des superficies ne dépassant pas en moyenne un hectare. Le secteur crée aussi près de 10 millions de journées de travail saisonnier par an, en plus des emplois permanents dans l'industrie et les services (sucreries - raffineries, transport, commerce...etc.).Côté représentativité, le secteur sucrier est organisé au sein de la FimaSucre (Fédération interprofessionnelle marocaine du sucre). Les partenaires de la Cosumar sont eux regroupés dans des associations des producteurs de plantes sucrières et l'Union nationale des associations de producteurs de plantes sucrières au Maroc (Unappsm). Les Industriels (Cosumar, Sunabel, Suta, Surac et Sucrafor), sont réunis au sein de l'association professionnelle sucrière (APS). L'OIS en chiffres Le Maroc préside actuellement l'Organisation internationale du sucre (OIS). L'organisme regroupe aujourd'hui 85 pays. Selon Peter Baron, directeur exécutif de l'OIS, les négociations sont en cours avec la Chine et les Etats-Unis qui devraient rejoindre l'instance d'ici fin 2010. Beaucoup d'autre pays sont approchés tels que l'Arabie Saoudite, l'Irak, indique-t-il. Le Maroc est considéré comme un «jeune membre», ayant rejoint l'organisation en 2007. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'OIS, dans le cadre de ses prérogatives, n'intervient pas dans la structure des prix du sucre. «Le cours du sucre est réglementé par les pays eux-mêmes», précise Peter Baron, ajoutant que les experts de l'Organisation interviennent plutôt au niveau du conseil, de l'analyse des marchés, de la constitution de rapports et d'études détaillés. L'OIS facilite ainsi la compréhension du secteur sucrier et donne aux opérateurs sucriers quelques «pistes clés» pour faire face à la concurrence très rude que se livrent certains pays producteurs de sucre.En chiffres, l'OIS représente 81 % de la production du sucre à l'échelle mondiale, 65 % de la consommation, 95 % des exportations et 39 % des importations.