Bien qu'illicite, la culture du chanvre indien n'a cessé de prendre de l'ampleur au Maroc, notamment dans les régions du Nord où cette plante est vitale pour l'économie locale. Dans ces régions exposées à plusieurs contraintes naturelles, démographiques et sociales, le Royaume a mis en place une série de programmes de développement alternatif afin d'apporter des solutions fondamentales et d'inscrire les régions du Nord dans une trajectoire de développement perenne. Quels aboutissements donc pour ces projets ? quelles sont les contraintes et les objectifs tracés dans ce sens ? Décryptage. “Afin de contribuer au développement alternatif de ces régions, le premier programme mis en place était celui de Développement Economique et Rural du Rif Occidental (DERRO) qui a vu le jour en 1960 et qui avait pour double objectif de lutter contre l'érosion et de moderniser l'agriculture dans la perspective de l'amélioration des conditions de vie des paysans”, déclare le Directeur de l'Agence pour la Promotion et le Développement du Nord (APDN), Mounir El Bouyousfi, à 2M.ma. Et d'indiquer que ce programme s'étalait sur 5 ans pour un budget global de 165,3 millions de DH concernent essentiellement la conservation des sols, l'irrigation, les arbres fruitiers, la foresterie, le système routier, la vulgarisation agricole, la mise en valeur et finalement la formation et le perfectionnement des cadres. La série d'enquêtes réalisées par l'Agence depuis 2003 jusqu'à 2007 sur la culture du cannabis avec l'appui de l'ONUDC, a démontré l'urgence d'accorder une grande importance à la mise à niveau de l'organisation sociale collective notamment dans la zone du rif central, soulignant que ces programmes de développement alternatifs ne pouvaient être assurés sans l'appui de structures collectives modernes et organisées. La culture du cannabis a diminué de 40% en 2005 au regard de l'année précédente (120 500 ha de 2004 contre 72 500 ha en 2005), expliquée par les effets combinés de conditions climatiques défavorables, de mesures gouvernementales visant à sensibiliser les paysans concernés à l'abandon de la culture du cannabis, ainsi que les efforts d'éradication engagés par le gouvernement marocain au cours de l'année 2005, poursuit la même source. A noter que la réduction la plus importante a été enregistrée dans la province de Chefchaouen où les cultures de cannabis sont passées de 79 195 ha en 2004 à 40 529 ha en 2005, précise-t-on. “En supposant que toute la production de cannabis brut ait été transformée en résine de cannabis au taux de 2 kg de résine pour 100 kg de cannabis brut, la production de résine de cannabis produite au Maroc s'est élevée à 1 066 tonnes en 2005. Ceci représente une baisse de 61% par rapport à la production de résine de 2004 estimée à 2 700 tonnes”, Mounir El Bouyousfi. Trois générations de développement Il convient de rappeler que le Royaume a entamé au début des années 2000, une politique volontariste et évolutive face à la problématique du Cannabis, en essayant 3 générations d'approches de développement visant à réduire durablement les cultures illicites, à savoir les expertises et cultures alternatives (2003-2009), le Développement alternatif (2009-2011) et le Développement alternatif participatif à partir de 2011. “En ce qui concerne la première génération d'actions, l'Agence a défini un Programme de Développement Alternatif (PDA), à titre pilote, pour les provinces de Larache (12 communes) et Taounate (18 communes)”, indique l'Agence pour la promotion et le développement du Nord. Cette première génération d'actions a fait long feu en raison de faibles revenus procurés par des filières d'agriculture de subsistance dans les zones montagneuses à forte densité, le manque de savoir-faire et d'encadrement, le coût élevé des investissements, les pressions des narcotrafiquants, entre autres, poursuit-on. Les actions de deuxième génération qui ont mobilisé près de 1 milliard de MAD au profit de 5 provinces et 95 communes rurales concernées par la culture du cannabis, ont permis de repérer une réussite en demi-teinte, dans la mesure où il s'agit d'un programme concomitant à une réduction importante des superficies montrant qu'un autre développement est possible, mais sous certaines conditions, d'où la réflexion menée pour la 3ème génération d'actions, nous confie la même source. * Usage légal du cannabis au Maroc : Quels apports pour le champ médical? A partir de 2011, l'Agence a élaboré en partenariat avec la DGCL et l'association TARGA, un diagnostic territorial exhaustif participatif, afin de fédérer les populations autour des projets de territoire et accompagner les plans communaux de développement (PCD). “Cette génération d'actions a permis de repérer des problématiques liées aux déficits territoriaux flagrants, à l'enclavement, aux déficits sectoriels importants, ainsi qu'aux très faibles leviers de développement économique dans les zones à dominante rurale”, indique l'Agence. Dans la période s'étalant de 2013 à 2020, une Plateforme Stratégique a été élaborée afin de “Contribuer efficacement à réduire les déficits en termes de développement humain et de faire du Nord une région désenclavée, connectée et compétitive à l'échelle nationale et internationale”. Ce programme a eu, d'après la même source, des impacts directs sur l'amélioration des indicateurs socio-économiques de ces territoires, spécialement l'éducation et la santé. Cependant, l'effort de l'investissement public dans ces zones doit être poursuivi, argue la même source. Les objectifs ? A cet effet, l'Agence préconise de poursuivre le processus de développement de ces territoires, selon une approche spécifique d'intelligence territoriale, fédératrice et participative, traduite par un programme de développement intégré des centres ruraux à dimensions sociale, économique et environnementale, laquelle vise à lutter contre les disparités sociales et spatiales, à améliorer la qualité des infrastructures de base et des services sociaux, à renforcer les liens économiques fonctionnels entre ces centres et leurs environnements et rehausser leurs niveaux d'attractivité pour l'investissement privé, ambitionne l'Agence. “La poursuite du processus de développement est considérée aujourd'hui, plus que jamais, un impératif capital pour créer les conditions propices, favorables à l'émergence de ces territoires et l'amélioration des conditions de vie globales pour leurs populations”, Mounir El Bouyousfi. Et de noter que malgré les programmes mis en place pour appréhender les phénomènes du cannabis, les résultats n'ont visiblement pas corrélé à l'amélioration des conditions de vie globales des populations de ces territoires, vu que la problématique de la Culture du cannabis est d'ordre structurel « nécessitant une inflexion d'approche en matière de réflexion et d'action ». * Culture, production, transformation et exportation du cannabis... Ce que prévoit le projet de loi 13-21