Jeudi 16 février, Nizar Baraka a publié une tribune sur le pure player Médias24 qui sonne comme un discours de campagne. Six semaines avant le congrès national du parti de l'Istiqlal, le membre du conseil du parti exprime sa « grande préoccupation et [sa] profonde inquiétude » concernant la situation dans laquelle se trouve le parti de la balance. Sera-t-il le successeur du controversé Hamid Chabat ? Dans cette tribune, consultée en amont par plusieurs responsables de l'Istiqlal, le vocabulaire utilisé est inédit. Nizar Baraka invite à une « autocritique » et n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur le secrétaire général de l'Istiqlal, et ce, sans le nommer. « Le parti de l'Istiqlal est fragilisé, affaibli depuis les dernières élections et apparaît plus controversé, plus divisé et plus isolé que jamais », écrit-il. « Il est temps de faire une autocritique objective et courageuse sans attendre de leçons de personne, de réparer les erreurs du passé et de contribuer à réhabiliter l'action politique dans notre pays », estime Nizar Baraka dans un contexte où le parti est plus que jamais affaibli. Et pour cause, une bonne partie des leaders du parti ont désavoué publiquement leur secrétaire général Hamid Chabat depuis ses propos polémiques sur la Mauritanie. Cet appel à l'autocritique et au retour aux fondamentaux signifie-t-il pour autant que Nizar Baraka se présentera comme candidat à la présidence du parti lors du congrès national de l'Istiqlal, prévu fin mars ? « La crise qui a suivi les propos de Chabat sur la Mauritanie a conduit à une profonde division au sein du parti, et à la prise de positions de figures historiques du parti contre l'actuel secrétaire général », déclare à 2m.ma le politologue Mustapha Sehimi. En effet, M'hamed Boucetta ou encore Karim Ghellab, entre autres, avaient publiquement exprimé leur désaccord avec les propos de leur chef. Plus récemment, Taieb Fassi Fihri avait déclaré que « les déclarations de Chabat sur la Mauritanie avaient causé des problèmes pour la diplomatie marocaine ». La crise de l'Istiqlal « ne date pas des propos de Chabat sur la Mauritanie » Mais pour le politologue, cette crise ne date pas d'hier. Elle a démarré au lendemain de l'élection de Hamid Chabat à la tête de l'Istiqlal. « Des divisions au sein du parti étaient apparues suite à son élection. En plus, il avait remporté les élections à 40 voix uniquement », explique Sehimi. Un score maigre qui remettait en question sa légitimité à la tête de ce parti historique. Toutefois, les déclarations de Nizar Baraka constituent une première, selon le politologue Mustapha Sehimi. « La prise de position de Nizar Baraka est inédite parce que c'est quelqu'un qui n'a pas été dans les instances organiques du parti. Il est istiqlalien par sa culture et le milieu d'où il vient. Et c'est la première fois qu'il interfère à propos de la situation du parti. » Les propos de Baraka sont intéressants dans la mesure où il parle d'autocritique. « Il avoue qu'il y a eu des erreurs qui doivent être évaluées et réparées, afin de revenir aux fondamentaux », explique Sehimi. Nizar Baraka « n'a pas le profil » d'un SG de l'Istiqlal Baraka sera-t-il donc le sauveur de l'Istiqlal, celui qui inaugurera une nouvelle ère ? Pas si sûr, selon notre interlocuteur. « Ce n'est pas quelqu'un dont le profil correspond à un candidat du congrès de l'Istiqlal. Ses propos ne sont que l'expression d'une tonalité qui sonne désormais au sein du parti. Cette prise de position, qui intervient à six semaines du congrès de l'Istiqlal, est pour relancer le débat sur le recul accusé par le parti de l'Istiqlal. » L'Istiqlal est en effet un parti à vocation de gouverner. Or, depuis la direction de Chabat en 2012, le parti s'est retrouvé dans l'opposition à partir de juillet 2013. Aujourd'hui, sa présence au sein du prochain gouvernement est plus que compromise, au lendemain des propos de Chabat sur la Mauritanie. « Le RNI et ses alliés ne veulent pas de l'Istiqlal au gouvernement. Le parti se retrouve donc réduit à un rôle de soutien parlementaire du futur gouvernement de Benkirane », analyse Sehimi. Chabat, qui se présente pour sa propre succession, aurait-il encore une chance à être reconduit ? « S'il est reconduit, il continuera dans le même esprit, et cela proposera des problèmes au parti », estime le politologue. Mais rien n'est encore joué selon le spécialiste. « Le résultat des votes dépendra du rapport de force entre le groupe de Chabat et celui de ses détracteurs lors du congrès ». Toutefois, « la situation actuelle reste pénalisante pour le parti de l'Istiqlal, qui se retrouve dans un rôle secondaire », conclut Mustapha Sehimi.