Lélargissement de la loi 10-98 sur la titrisation ne laisse pas indifférents les grandes entreprises et les banquiers. Pour certains financiers, si le projet délargissement est adopté, les banques devront faire face, à long terme, à un manque à gagner. La réglementation actuelle ne permet la titrisation que quand il sagit des créances hypothécaires, et seul le CIH utilise cette technique de gestion bilancielle, à travers deux fonds lancés sur le marché : le premier est de 500 millions de DH et le second dun milliard de DH. Actuellement, le ministère des Finances est en train détudier un projet délargissement du champ de la titrisation. Si ce projet est adopté, toutes les entreprises (quil sagisse de banques ou autres) auront la possibilité de transformer leurs créances illiquides en titres négociables et liquides. Cet élargissement va donner naissance à toute une série de titres de créances qui viendront élargir la gamme des instruments négociables à la disposition des investisseurs. Mais, le plus grand avantage est que cet élargissement permettra aux entreprises bien organisées de se financer sans recourir à lintermédiation bancaire. Doit-on parler dès lors dune relation «titrisation-désintermédiation» ? Pour être plus clair, avec lélargissement de la loi sur la titrisation, les banques subiront-elles un manque à gagner ? Appréhensions Certains banquiers qui ont eu connaissance de ce projet délargissement nont pas caché leur inquiétude de subir un manque à gagner, non immédiat certes, mais dont limportance augmentera avec le développement de la titrisation. Comme arguments, ils avancent lexemple de la France et des Etats-Unis. Aux USA, dès la fin des années 70, la demande de crédits adressée aux grandes banques de New York a commencé à décroître. La plupart de leurs meilleurs clients disposant dun bon rating se sont tournés directement vers les marchés financiers. Les raisons de cette situation sont connues : pratique de taux dintérêt trop élevés de la part des banques commerciales, rigidité des procédures du système bancaire traditionnel, décloisonnement et ouverture des marchés financiers aux particuliers. Ainsi, à linverse du marché des crédits bancaires traditionnels, le marché des titres a connu un formidable essor depuis la fin des années 70 : lencours des «commercial papers» a été multiplié par plus de 7 depuis 1975. Un point qui montre quaux Etats-Unis la titrisation contribue bien au processus de désintermédiation financière et au déclin de lactivité bancaire traditionnelle. Pour dautres banquiers, en France, la titrisation a facilité la «marchéisation» des circuits de financement pour les particuliers qui, depuis longtemps, relevaient du monopole des banques. Cependant, il ne faut pas oublier que le marché interbancaire marocain se caractérise actuellement par une surliquidité. Celle-ci a poussé les banques à faire une publicité pour les crédits ! Un phénomène qui contribue dune manière significative à tirer les taux dintérêt créditeurs vers le bas. En outre, plusieurs opérateurs économiques intéressés par la titrisation ont bien précisé que cet élargissement ne profitera quaux grandes entreprises et que son degré dutilité pour les PME, qui manquent dorganisation, est pour linstant une grande question dont la réponse ne peut être donnée que par le temps. En gros, en tant que nouvel instrument financier, la titrisation, prise ici dans son sens le plus large, a un bon chemin devant elle avant de devenir une véritable alternative au financement intermédiaire. Un essor conditionné Mohammed Rachid Kadiri, directeur général adjoint de la société pharmaceutique «Sothema», a montré un engouement conditionné pour la titrisation. Ce laboratoire pharmaceutique utilise pour linstant différents moyens de financement, notamment les spots descompte et le factoring, et projette de recourir à dautres outils financiers tels les emprunts obligataires et les bons de trésorerie. Kadiri précise à ce titre que le choix dun ou de plusieurs outils de financement est précédé par des calculs comparatifs étroits visant à palper limpact du coût assorti à chaque mode de financement sur la rentabilité économique. Dans ce sens, la titrisation, en tant quoutil de financement, néchappera pas au même type de calcul. Raison pour laquelle lélargissement de la loi 10-98 doit prendre en considération la nécessité de faciliter la procédure et minimiser le coût dutilisation de la titrisation. «Si ces deux conditions sont vérifiées, lutilisation de ce nouvel instrument financier se traduira forcément par laugmentation de la trésorerie, la diminution dun encours client ou dun crédit descompte ce qui est synonyme dune amélioration de la situation bilancielle», précise Rachid Kadiri.