Les prestations servies au terme des contrats dassurance sur la vie et des contrats de capitalisation ne bénéficient de lexonération totale de limpôt général sur le revenu quau bout de 10 ans. Aberration : les produits dassurance-vie sont les placements les plus fiscalisés au Maroc. Seul point fort de la législation en vigueur : la retraite individuelle complémentaire qui donne droit à déduction des primes pour assurance retraite sans limitation. Le Maroc est le pays des paradoxes. Cest un truisme de le dire. Le dispositif fiscal appliqué depuis janvier 2004 aux produits dassurance-vie le prouve une fois de plus. Cela nous rappelle le fameux «épisode fiscal» quont traversé les OPCVM à une certaine époque et qui a soulevé un tollé général au niveau de la profession. Encore une fois, les autorités ont commis la même bourde en faisant de lassurance-vie le produit de placement le plus fiscalisé au Maroc. A lorigine de cette fronde, une disposition de la Loi de Finances 2004 qui stipule, entre autres, que ce nest quau bout de dix années de cotisations au titre dun contrat dassurance sur la vie ou de capitalisation que la prestation servie à lassuré est totalement exonérée dimpôt. A cet effet, la société dassurance concernée neffectuera aucun retenue à la source au titre du versement de ladite prestation. Néanmoins, est-il précisé, «lorsquun contribuable perçoit une prestation ou procède au rachat de ses cotisations à un contrat de capitalisation ou à un contrat dassurance sur la vie avant lécoulement de 10 années à compter de la date de souscription, les prestations perçues sont imposables au taux du barème de lIGR, par voie de retenue à la source, opérée par la compagnie dassurance débirentière au titre de lannée de leur versement». Ainsi, sil sagit dun versement sous forme de capital, les produits constitués de la différence entre le montant du capital perçu et le montant global des cotisations ou primes versées par lassuré à la compagnie dassurances concernée durant toute la durée du contrat sont imposables à lIGR au taux du barème, sans abattement et sans étalement. En cas de versement de rente certaine, la part de la rente, constituée des produits générés durant la période de cotisation, est imposable à lIGR au taux du barème, sans abattement. Lorsquil sagit dune rente viagère, la prestation est versée au taux du barème, après un abattement de 40%. Seul le décès de lassuré avant le terme du contrat ou linvalidité absolue ou définitive met «à labri», en ce sens que les prestations perçues par lui ou les bénéficiaires ne sont pas soumises à lIGR, quelle que soit la durée écoulée du contrat. Aberration ! Si ces mesures fiscales sont passées pratiquement inaperçues aux yeux du grand public, elles suscitent mécontentement et inquiétude au sein de la profession. «Cest simplement une aberration, une stupidité fiscale», nous confie un assureur de la place pour qui «il est inconcevable que les produits dassurance-vie soient fiscalisés de cette manière, devenant les placements les plus taxés au Maroc». En effet, à léchelle de la taxation la plus élevée, lassurance-vie lemporte haut la main, au moment où les plus-values générées par les OPCVM, les dépôts à terme, les comptes sur carnets et les bons du Trésor sont taxés entre 10 et 30% (voir tableau). Et étant donné la nature du produit et la durée de placement, on tombe facilement, compte tenu du barème de lIGR, sous le taux de 44%. A lévidence, les assureurs souscrivent bien au principe de la taxation en vertu de léquité fiscale; mais cest surtout dans la forme quil y a des défaillances. «Un système dégressif (plus le placement est long, moins on est fiscalisé : ndlr) aurait été souhaitable, à limage de ce qui est appliqué en France où lexonération intervient dès la 8ème année», soutient notre source. «On ne peut imposer au même taux un placement sur 3 ans et un autre sur 9 ans par exemple», renchérit-il. Cest bien le cas pourtant, et cela ne semble pas pour autant gêner les initiateurs de cette disposition fiscale. Sur ce coup, les Marocains ont donc été de très mauvais copistes : ils ont fait le contraire de ce qui se fait en France où les produits dassurances restent très attractifs et sont les placements les plus prisés par les Français. Cest à croire, en référence à ce qui sest passé avec les OPCVM, que les autorités naiment pas les produits de placement qui se comportent bien. Du moins, reprennent-elles dune main ce quelles donnaient de lautre, car, avant 2004, la fiscalité de lépargne retraite donnait droit à déduction des cotisations de revenu imposable avec un abattement de 40% à la sortie, tandis quil était prévu, hormis lexonération de taxe sur la plus-value, une déduction dimpôt, au titre des primes ou cotisations se rapportant aux contrats individuels ou collectif dassurance-vie dont la durée est au moins égale à 10 ans, dans la limite de 10% du montant des primes ou cotisations plafonné à 9.000 DH par an. Aujourdhui, non seulement la déduction dimpôt de 10% est supprimée, mais il y a également la taxation sur la plus-value au titre de lIGR pour toute sortie avant 10 ans. Le comble : même les Marocains résidant à létranger ne sont pas épargnés ! Conséquences immédiates ! Bien entendu, les mesures fiscales ainsi introduites nont pas tardé à produire leurs premiers effets. Après plusieurs années de hausse, les primes émises ont commencé à sinfléchir. Après avoir atteint 1,8 Md de DH en 1997, elles se sont établies à 4 Mds en 2002 avant de tomber à 2,9 Mds de DH en 2004. Selon les professionnels, «cette régression est directement liée aux nouvelles dispositions fiscales», quand bien même on peut noter que, dès 2003, des signes dessoufflement sont apparus puisque les primes émises se sont chiffrées à 3,5 Mds de DH. La baisse du chiffre daffaires témoigne, tant sen faut, que les autorités ont mal jugé leur action. Qui plus est, elles ont mis les compagnies dassurance dans lembarras, du fait même du principe de la rétroactivité de la loi : comment les assureurs qui, déjà, ne jouissent pas dans la conscience collective dune bonne réputation, peuvent-ils expliquer à un titulaire dun contrat dassurance-vie depuis 9 ans quil sera lourdement imposé sil veut sortir, alors quau moment de la souscription ils lui exhibaient une exonération totale ? Aujourdhui, la confiance en ce type de produit est sérieusement entamée; et dans cette affaire, ce ne sont pas seulement les compagnies dassurance qui laissent des plumes, mais également les banques qui, grâce à leur statut dintermédiaire, distribuent ces produits, complétant leurs offres par des produits moyen et long termes. Cela permet tant de diversifier leurs offres que de fidéliser leurs clients. Dailleurs, le marché de la bancassurance représentait, en 2002, 50% de parts de marché en Vie. A la recherche de solutions Cette situation appelle à des mesures urgentes. Mais il faudra attendre la prochaine Loi de Finances. Les assureurs, pris de court par ce texte de loi à lélaboration duquel ils nont guère été consultés, ont dores et déjà commencé, via leur Fédération, à exercer des pressions pour que les mesures correctives nécessaires soient apportées. Ils auraient eu, dans ce sens, des promesses de la part des autorités compétentes. Mais ne nous emballons pas ! Passer des promesses verbales à la concrétisation des faits est une gageure au Maroc. Les assureurs le savent pertinemment (sic). En tout cas, ce nest pas avec cette fiscalité oppressive quil faut espérer mettre du beurre dans les épinards de ses vieux jours.