* Elargissement de l'assiette, réduction et diminution des taux. * La situation du butoir pose quelques difficultés : elle n'est pas liée à la TVA en tant qu'impôt ou texte de loi, mais à son application. * Eclairage avec Youssef Oubouali, professeur universitaire. - Finances News Hebdo : Pourquoi faut-il réformer la TVA ? Y.O. : Il est clair que cet impôt touche d'une façon directe le consommateur ; la réduction des taux et la simplification du système devaient donner un coup de pouce au pouvoir d'achat et à la demande des ménages. C'est un stimulateur de la dynamique économique. Pour les entreprises, la réforme permettra techniquement de réduire la procédure et de faciliter les relations avec le Fisc. La simplification de la TVA est garante de son rendement. - F.N.H. : Comment faut-il élargir l'assiette fiscale de cet impôt ? - Y.O. : Pour élargir l'assiette fiscale de la TVA, il est question d'étendre les champs d'application, de réduire les exonérations, d'éliminer tout ce qui est hors champ d'application. A part les produits de base, il faut généraliser l'application de la TVA. - F.N.H. : Qu'en est-il de la réforme des taux ? - Y.O. : Il y a unanimité pour l'application de deux taux : un simplifié de 10% et l'autre entre 16 et 18%. Il s'agit d'un taux normal qui concerne pratiquement tous les produits, et d'un taux social qui touche les produits de base. - F.N.H. : Mais la TVA est un impôt capital en matière de recettes fiscales ; sa réduction ou sa simplification ne risque-t-elle pas de diminuer les rentrées d'argent pour l'Etat ? - Y.O. : La fiscalité indirecte, en général, surtout la TVA, a toujours constitué une source de recette indéniable pour le Trésor public. Mais la justice fiscale, comme ce qui existe actuellement dans les pays développés, milite pour un renforcement de la fiscalité indirecte. Cependant, il faut souligner qu'un élargissement adéquat de l'assiette pourrait, non seulement combler le manque à gagner de la réduction des taux, mais augmenter considérablement les recettes. Néanmoins, la question qui se pose est : est-ce que les entreprises et les secteurs touchés par l'élargissement de l'assiette sont prêts à jouer le jeu ? - F.N.H. : On reproche aux professions libérales leur faible contribution en matière de TVA, comparativement à leur poids dans l'économie nationale. Comment faut-il remédier à cette situation ? - Y.O. : Le problème des professions libérales ne concerne pas uniquement la TVA, il touche aussi leur situation fiscale dans son ensemble. Il faut dire que l'administration fiscale n'a pas assez de moyens pour mener à bien sa mission. Pratiquement, tous les secteurs qui ont été contrôlés par le Fisc ont révélé des dérapages. Même pour le secteur bancaire qui doit donner l'exemple en la matière, le Fisc opère un redressement à chaque contrôle. Donc, la contribution aux recettes fiscales relève avant tout du civisme, d'une notion de patriotisme. Mais il faut dire que le système n'est pas assez outillé pour assurer cette justice fiscale. Ce qui fait que certaines activités profitent de son manque de vigilance pour échapper à son contrôle. Dans tout régime déclaratif, et contrairement au système de retenue à la source, le risque de fraude, ou du moins d'évasion fiscale, est assez grand. Le phénomène existe même dans les pays qui ont une pratique fiscale très développée. Mais la différence réside dans la capacité de l'administration fiscale à contenir ses dérapages et à instaurer une véritable justice chez les contribuables. - F.N.H. : Mais qu'est-ce qui fait que la TVA est perçue comme un impôt compliqué ? - Y.O. : Il faut dire que la TVA est un impôt typiquement français et, par nature, il est compliqué. Je ne crois pas qu'il y a une complication au niveau de la TVA, notamment pour ce qui est de la déclaration. C'est le dispositif relatif à sa territorialité et à son champ d'application, et une multitude des taux, qui occasionne aux contribuables et aux usagers des complications d'application. Mais comme je l'ai précisé, pour simplifier il faut commencer par les exclusions des champs d'application, les exonérations avec ou sans droit de déduction. - F.N.H. : Le champ d'application des taux est aussi un autre problème ? - Y. O. : La simplification prône que le taux maximum s'applique en général, et que le taux réduit est destiné aux produits et services, comme les produits de base ou les médicaments. La discrimination positive est vivement indiquée pour déterminer les catégories de produits. - F.N.H. : Mais pourquoi reproche-t-on à la TVA d'être pénalisante pour l'entreprise ? - Y.O. : Une TVA bien conçue ne doit pas être pénalisante pour l'entreprise. Car l'entreprise n'est pas un consommateur final, elle consomme d'une manière accessoire. Ce qui est pénalisant pour l'entreprise c'est l'exclusion du droit de déduction. Mais il y a des rémanences, il y a toujours des substituts de TVA chez l'entreprise. Quand il y a plusieurs taux, l'entreprise fait un prorata, des déductions. Donc, elle n'a pas le droit de récupérer toute la TVA qu'elle a déduite. Avec deux taux, les prorata de déduction vont diminuer. Il ne reste que les opérations non liées à l'exploitation qui ne seront pas déductibles, comme par exemple les frais de mission ou de représentation. - F.N.H. : Mais la récupération de la TVA auprès de l'administration fiscale pose toujours problème aux entreprises ? - Y.O. : La situation du butoir pose quelques difficultés, mais elle n'est cependant pas liée à la TVA en tant qu'impôt ou texte de loi, mais à son application. Ceci nous renvoie aux relations parfois tendues entre l'entreprise et le Fisc. Il faut rappeler que l'administration fiscale n'est pas dans la même position que le contribuable. Il n'y a pas, dans ce cadre, de justice fiscale. Mais il faut préciser que la récupération de la TVA demande une certaine technicité et que certaines entreprises sont sous-encadrées.