* La baisse des recettes fiscales est aussi bien liée à la baisse du taux quà la morosité de lactivité économique. * Les réalisations record de 2008 sont exceptionnelles et les recettes retournent à leur niveau normal. * Il faut trouver des mécanismes de contrôle ou dincitation fiscales pour séduire linformel. Les recettes fiscales ont connu une baisse durant les cinq premiers mois de lannée. Pour certains observateurs, cest un indicateur de la crise dont les effets sont bien là et touchent différents secteurs, y compris les finances publiques. Pour dautres, les réalisations record de 2008 sont exceptionnelles, les recettes retournent à leur niveau normal et il faut les comparer à la moyenne des cinq dernières années. Enfin, certains estiment que leffet de la baisse du taux est automatique et quil faut attendre des années pour voir lassiette réagir. Les statistiques publiées révèlent quil y a bien baisse de lIS et de lIGR, alors que la TVA a légèrement augmenté ; ce qui veut dire que la demande interne est toujours soutenue. Mais la question quil faut poser pour lIS est : la baisse est-elle liée à la baisse du taux ou à la baisse de lactivité économique ? «Logiquement, les deux en même temps. Mais il faut connaître la part de chaque baisse pour pouvoir comparer. Si on avait laissé le taux inchangé est-ce que les recettes de lIS maintiendraient la même évolution ?», sest interrogé Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. «Il ny a pas concrètement une baisse de taux. Certes, le taux nominal est passé de 35 à 30%, mais il y a un problème dans lassiette, celui des provisions. Les provisions réglementées ont été éliminées. Le taux de lIS na donc pas baissé réellement, car il doit sappliquer à une base plus élevée», explique-t-il. Ainsi, les entreprises minières nont pas le droit de faire des provisions de reconstitution de gisement : leur résultat va donc augmenter. La nature aussi des recettes est à élucider dautant plus quon ne connaît pas la part des recettes ordinaires par rapport aux recettes exceptionnelles qui englobent les recettes de contrôle. La théorie de Lafaire stipule que durant les périodes de rendement croissant, plus le taux baisse plus les recettes augmentent. Le rendement de lélargissement de lassiette est plus grand que le rendement de la baisse du taux. Limpôt est une charge que les investisseurs intègrent dans leur calcul de business plan. La question qui se pose alors est : à quel point la diminution du taux na pas compensé lélargissement de lassiette ? Ceci est lié au comportement de linformel. Dans le même cadre, une autre question se pose : est-ce quun taux de 30% de lIS peut encourager linformel ? Outre les provisions réglementées, lassiette a été aussi impactée par lélimination du taux préférentiel de la plus-value. Progressivement, les exonérations sont éliminées. Elles existent uniquement dans les dividendes pour éviter la double imposition. Pour lIR qui concerne en grande partie les salariés, la formule retenue à la source réduit considérablement les fraudes et lévasion fiscale. Le jugement sur lIR est plus clair. La masse salariale na pas beaucoup bougé. Comme le taux a baissé, le rendement de lIR devrait obligatoirement baisser. LIR est présent dans les revenus salariaux. Les revenus professionnels, eux, sont plus tournés vers linformel. Cest pour cette raison que la Direction des impôts veut mener une campagne de contrôle auprès des professions libérales. Le rendement de cette catégorie (médecin, avocat, architecte ) est largement en deçà de ses potentialités. Même si on baisse le taux, le rendement reste le même. Les droits denregistrement sont plus liés à la création dentreprises et à limmobilier. Les indicateurs de ces deux créneaux sont à la baisse. Au Maroc, on sest habitué ces dernières années à une croissance à deux chiffres des recettes fiscales. «Il faut comprendre quun jour ou lautre, ces recettes auront un plafond, surtout si lassiette fiscale ne répond pas. Car, à terme, sil ny a pas dinformel, et si le contrôle est rigoureux, les recettes vont stagner», a expliqué Oubouali Le gouvernement régulait toujours une augmentation des dépenses par une augmentation des recettes. Le contrôle peut-il compenser les pertes de rendement ? «Le problème de contrôle na pas uniquement pour objectif le rendement, mais aussi léquité. La charge fiscale doit être bien répartie équitablement sur les contribuables», a souligné Oubouali. Ce sont toujours les mêmes qui payent limpôt : une centaine dentreprises assurent plus de 70% des recettes de lIS. Le même constat est confirmé par Oubouali. «Ceux qui ont toujours payé limpôt ne peuvent plus le faire et ceux qui nont jamais payé limpôt ne veulent pas le faire», a-t-il affirmé. En effet, les salariés sont saturés et un taux de 40% marginal est encore élevé. Seules les sociétés structurées payent limpôt et les salariés qui payent lIR sactivent dans les sociétés structurées. Le plus grand problème fiscal au Maroc est un problème de fraude. «Il faut trouver un nouveau système pour que les professions libérales payent limpôt. Au niveau de lIS, il faut trouver des incitations fiscales pour séduire ceux opérant dans le secteur informel. Il faut reconnaître que lAdministration a fait un grand effort dans la simplification et lharmonisation de limpôt», a indiqué Oubouali.