* 3 ans après la première sortie du Maroc sur le marché de la dette à linternational, le gouvernement sapprête à réitérer lopération dans des conditions plus avantageuses. * Si cette levée de fonds devra renflouer les caisses de lEtat et lui permettre de respecter ses engagements, il nen demeure pas moins que ses effets ne seront pas que positifs Après les 500 millions deuros levés sur le marché de la dette à linternational en 2007, le Maroc sapprête à réitérer lopération en 2010. Cest du moins ce quavait affirmé le ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, au début du mois davril courant. Si linformation circulait dans les milieux daffaires depuis plusieurs mois, en raison des besoins croissants du Trésor en fonds et qui ne pouvaient être assouvis sur le marché local au vu de la sous-liquidité régnante depuis plus de deux années, nul ne pouvait en revanche prédire le timing dans lequel interviendrait cette levée. Jusquà ce que lautorité publique lannonce «pour les prochaines semaines». Il semble que le ministère des Finances attendait la révision de la notation du pays avant de sengager dans une quelconque annonce officielle. Dailleurs, une fois lInvestissement Grade obtenu de lAgence internationale de notation Standard & Poor's, largentier du Royaume na pas tardé à fixer un délai court terme pour une levée de fonds à létranger. Un communiqué du ministère précise même que le Maroc a dores et déjà mandaté Barclays Capital, HSBC et Natixis en tant que chefs de file pour cette émission sur le marché international dont la maturité serait de 10 années. Toutefois, rien ne filtre encore sur le montant que devrait lever le Maroc. «Il sera fonction de notre appréciation des besoins de financement de léconomie nationale», répond vaguement le ministre des Finances lors dun récent point de presse. Pour rappel, Standard & Poor's a rehaussé, en mars dernier, la note du crédit souverain de la dette à long terme en devises de «BB+» à «BBB-» et de la dette en monnaie locale à long terme de «BBB» à «BBB+» du Royaume avec des perspectives stables. Aujourdhui, «les conditions se sont nettement améliorées et sont donc propices pour lever des fonds sur les marchés des capitaux à des conditions favorables, pour accompagner les programmes d'investissements et répondre aux besoins de financement de l'économie», avait déclaré le ministre de l'Economie et des Finances, Salah Eddine Mezouar. Dautant plus que la note accordée au Maroc par Standard & Poor's devrait lui permettre d'obtenir des conditions de financement plus favorables sur le marché international, à travers notamment la réduction de la prime de risque, surtout lorsque lon sait que dans létat actuel de la finance internationale, il nest pas évident pour les investisseurs de trouver des placements aussi sûrs que demprunter à des Etats jouissant des faveurs des agences de notation. Lendettement, pas forcément une bonne affaire ? Cependant, plusieurs observateurs estiment que cette levée de dette à létranger ne devrait pas être prise à la légère. Dans la communauté des affaires, lon redoute en effet que le relèvement de la notation du Maroc ne soit un cadeau empoisonné, dans le sens où cela lui donne les moyens daggraver son taux dendettement. Estimée à 20,8% du PIB à fin 2009, la dette publique extérieure est ainsi appelée à augmenter significativement, notamment avec les récents prêts accordés au pays par différentes institutions internationales dont la Banque mondiale et le FMI. Cette situation est dautant plus problématique quand on compare le taux dévolution de lendettement du Maroc à la création de richesse par le Royaume. Si entre 2008 et 2009 lencours de lendettement extérieur du pays sest accru de près de 14%, la création de richesse représentée par la croissance du PIB, na pas dépassé 6%. Et lexemple des pays comme Dubaï et la Grèce qui vivaient la même situation nest plus un secret pour personne. Lautre crainte qui entoure lopération de levée de fonds à létranger réside dans les conditions doctroi du prêt en elle-même. Sil est indéniable que le Maroc obtiendra un taux bas pour son emprunt au vu des conditions actuelles du marché, il nest cependant pas exclu que ce taux sera appelé à augmenter significativement dans un avenir proche, surtout si la reprise de léconomie mondiale se confirme durant lannée en cours. Cela devrait en effet impacter dune manière certaine le montant des remboursements de cette dette par le Maroc. Dautant plus quhistoriquement des économies plus avancés que le Maroc se sont retrouvées dans cette situation et sen sont difficilement sorties, comme lArgentine qui, à la fin des années 90, sest retrouvée en cessation de paiement et était devenue incapable de couvrir ses importations essentielles, alors que la majorité des ressources de ses exportations était destinée aux remboursements des créances en devises. Dautres experts vont encore plus loin et estiment quil y a deux autres facteurs qui pourraient entraîner le surendettement et des problèmes à cause de la bonne note du Maroc. A commencer par «LAléa Morale», une terminologie très connue des professionnels de lassurance : quand on se sent préservé dun risque, on a tendance à moins sen protéger. La bonne note du Maroc induit une certaine confiance du gouvernement dans son économie, ce qui le pousserait, éventuellement, à prendre moins de précautions dans sa gestion de lendettement. Le second facteur est ce qua appelé lancien président de la Federal Reserve américaine, Alan Greenspan, «Lexubérance irrationnelle». Il sagit en fait de la ruée des prêteurs sur un marché par optimisme, et qui est suivie dun retrait précipité quand la donne change. Ce départ rapide des fonds a généralement des conséquences dramatiques sur le pays emprunteur. Dans ces conditions, le Maroc serait amené, si emprunt à létranger il y a, à utiliser largent levé dans des investissements à caractère rentable de façon à en assurer le remboursement. Chose qui est loin dêtre acquise.