* Crise financière, conflit israélo-palestinien et immigration, autant dobstacles devant linstauration de cette Union. * Les pays de la rive Sud, au lieu davoir une force de proposition, restent très consommateurs de politiques de lUE. Rien ne va plus pour le projet dune Union pour la Méditerranée. Outre la crise financière, le conflit israélo-palestinien semble bloquer la machine. Cest en tout cas ce qui ressort de la rencontre organisée par le Centre Européen de Journalisme à lattention du groupe de journalistes marocains en visite aux institutions européennes. Pour loccasion, le CEJ a invité Bichara Khader, professeur et directeur du Centre détude et de recherches sur le Monde arabe contemporain, et Mohamed MHammedi Bouzina, correspondant à Bruxelles du Quotidien dOran. Bichara, qui est à la fois professeur et auteur de plusieurs livres sur la question, estime quil est effectivement très tôt pour faire un bilan de lUPM et pour savoir si cette Union prospérera ou restera «rachitique». Néanmoins, lUnion semble faire face à des difficultés très difficiles à surmonter. Bichara a énuméré quatre fautes qui ont accablé son lancement dont, en premier lieu, les propos de Nicolas Sarkozy très critiques vis-à-vis de la politique européenne, alors que la France fait bel et bien partie des 27 pays qui approuvent cette politique. Deuxième et troisième erreurs citées par Bichara Khader : le fait quavec lannonce de lUPM, Sarkozy sest mis sur le dos la Turquie et lAllemagne. Enfin, en considérant cette Union comme remplaçant lancienne politique arabe de la France. Au-delà de ces erreurs, dautres questions se posent avec acuité quant à lavenir de cette union dans la mesure où son architecture institutionnelle semble faire du deux poids deux mesures. Ainsi, si la coprésidence du côté européen est tournante, du côté Sud, elle pose de sérieux handicaps étant donné que les pays arabes refusent catégoriquement quelle soit assurée par Israël. Ce dernier sest arrogé le droit de sopposer à la participation des Etats arabes à toutes les réunions. «Ne serait-on pas en train de refaire les mêmes erreurs que celles du Traité de Barcelone en ouvrant cette Union au Maghreb et au Machreq avec ce que le conflit Isréalo-palestinien induit comme problèmes ?», sinterroge Bichara Khader. De même que depuis lannonce de cette Union à ce jour, une bataille est livrée par les pays arabes pour la désignation de ses cinq secrétaires généraux. En principe, chaque secrétaire doit être désigné à son poste selon sa compétence et selon les dossiers dont il sera en charge. Mais sur le terrain, les considérations politiques lemportent sur les compétences. Enfin, pour Bichara, la crise financière qui a suivi lannonce de cette Union pose le problème du financement. Autre contradiction relevée par Bichara : lEurope demande aux pays du Sud de faire ce qui lui a pris, à elle, plus de 60 ans. Pour Mhammedi Bouzina, il y a deux importantes remarques à signaler demblée concernant cette Union. «Le projet de lUPM a pour finalité linstauration dune paix juste et durable en Méditerranée qui favorisera une zone de prospérité partagée entre tous les partenaires. Il faudrait alors être un désespéré pour ne pas applaudir et soutenir un tel projet. Seulement, cela ne nous empêche pas de porter un regard critique sur lévolution du projet et son contenu Deuxième remarque : lUnion européenne a, dès lannonce de ce projet par la France, émis des réserves, notamment lAllemagne et les PECO, sur son ambition dexister parallèlement et indépendamment du Processus de Barcelone lancé depuis novembre 1995», explique MHammedi Bouzina. Cette ambition de paix est sérieusement mise en cause depuis les massacres perpétrés par Israël en Palestine, dautant que lUE avait promu Israël en partenaire privilégié quelques jours avant le début de loffensive sur Gaza sans pouvoir lempêcher, dans les faits, de commettre ses crimes. «Et le nouveau gouvernement israélien, issu des élections législatives de février, nencourage pas les promoteurs de lUPM. Netanyahou qui va diriger ce gouvernement, a annoncé clairement quil na pas lintention de revenir au processus de paix et quil poursuivrait la colonisation en Cisjordanie et Jérusalem», poursuit Bouzina. Dans pareilles circonstances, difficile de prévoir les perspectives futures de cette Union. Sans oublier que partant séparément, les pays arabes désunis, consomment plus quils ne produisent de politiques à proposer à lUE. De ce fait, cette dernière propose donc que les pays du Sud restent passéistes. Limmigration, une plaie «Comme vous le savez, lUE a pu adopter, lors du Conseil européen de décembre dernier, son «Pacte sur limmigration choisie». Par ailleurs, lUE insiste pour que les pays du Sud, notamment ceux du Maghreb central, soient en quelque sorte le gendarme contre limmigration clandestine. Cest-à-dire que lEurope va imaginer et mettre en place des moyens attractifs pour la main-duvre qualifiée et les «cerveaux» dune part, et demander aux pays du Sud de faire le gendarme pour contenir le reste des flux migratoires, y compris ceux en provenance de lAfrique subsaharienne, dautre part. Cela démontre encore une fois que lUE élabore des politiques de partenariats sans consultations sérieuses avec ses partenaires du Sud. Aujourdhui, par exemple, le problème nest pas réglé entre lUE et ses partenaires du Sud sur la question des réadmissions relatives aux illégaux sur son territoire», conclut Mohamed MHammedi Bouzina. Les incohérences se multiplient, et lUPM ayant pris du plomb dans laile, pourra-t-elle décoller dans ces conditions ? Seul lavenir nous le dira.