* Tout ce qui est contenu dans le document signé en octobre 2008 nest que la traduction de ce que le Maroc avait entamé depuis fort longtemps comme réformes. * Si lEurope arrive à faire face à la crise financière, il est évident que le Maroc bénéficiera dune rallonge financière. * LUPM est née au moment où se produit un véritable tsunami dans léconomie mondiale. * La finalité du Statut avancé est un véritable projet de société. * Point de vue de Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant de SM le Roi. - Finances News Hebdo : La première question que pourrait se poser le Marocain Lambda est : Que lui apportera le Statut avancé ? - Hassan Abouyoub : Je ne pense pas quil soit pertinent de se poser la question de cette manière et ce pour plusieurs raisons. La plus importante tient au fait que les engagements que le Maroc a pris dans ce processus de «Statut avancé» sont le reflet fidèle des composantes stratégiques du projet de société que SM le Roi a dessiné pour le Maroc. Il ny a pas un engagement ou une phrase dans la lettre dintention qui nait été clairement exprimée par le Souverain dans ses discours. La finalité nest pas le Statut avancé, mais le projet de société qui vise fondamentalement laccélération du développement humain du Royaume et lamélioration grâce aux réformes (qui sont autant dengagements consolidés dans le Statut avancé), des conditions de laccélération du processus de rattrapage de lUE sur tous les plans. Nous nattendons pas de lEurope des libéralités qui se substitueraient à nos efforts et à nos sacrifices. Nous attendons de notre voisin du nord de meilleures conditions daccès à son marché pour notre agriculture, nos services et un meilleur soutien au financement de nos infrastructures économiques et sociales, etc. - F. N. H. : Le Statut avancé décline plusieurs dimensions, notamment politique, sociale, économique, législative Cela ne fait-il pas un chantier assez vaste pour un délai que certains observateurs évaluent entre 18 et 24 mois ? - H. A. : Si vous acceptez laffirmation première selon laquelle le Statut avancé est une sorte de couronnement à linternational de nos choix de société et la consécration des réformes entreprises par le Maroc Je ne peux pas accepter que lon parle aujourdhui de nouveaux chantiers. Tout ce qui est contenu dans le document signé en octobre 2008, nest que la traduction de ce que nous avons entamé depuis fort longtemps. Bien ou mal, je vous laccorde, mais il ny a pas un seul chantier qui nait été mis sur la table bien avant octobre dernier. Cest bien lexistence antérieure de ces chantiers et de ces réformes au Maroc, qui a rendu possible la concrétisation de ce Statut avancé. Sans tous ces chantiers, il ny aurait pas eu de Statut avancé. Donc, lEurope reconnaît, par là, quau Maroc il se passe des choses, quil y a lespoir dun rattrapage à long terme du différentiel de développement humain, et surtout une confiance en la gouvernance marocaine qui est en devenir et en progrès constant. Lessentiel est de comprendre quon ne va pas réinventer la roue, mais que nous consolidons nos choix en les partageant avec notre premier partenaire lequel nous ouvre les portes de lespace économique européen. Ce qui nous permet dêtre au même niveau institutionnel que les autres pays européens voisins de lUE : Suisse, Norvège, etc. Nous sommes désormais en mesure dêtre autour de la table européenne pour les politiques et les sujets qui relèvent de nos intérêts prioritaires. Nous navons pas de politique commune européenne à appliquer puisque nous ne sommes pas membre de lUE, mais nous avons la possibilité dexprimer, par la voix du Maroc la plus autorisée, nos points de vue et nos remarques sur les politiques européennes qui touchent nos intérêts. Je dirais que cest laboutissement naturel du Processus de Barcelone. Si tout le sud de la méditerranée pouvait converger vers ce choix de société, ces valeurs communes qui constituent le socle convenu de ce Processus et cette gouvernance censée être partagée par lensemble des riverains, le Statut avancé serait le stade ultime de lactuelle UPM. Il faut le considérer comme lambition institutionnelle ultime quautorise lacte fondateur de lUnion européenne dans son acception géographique actuelle. - F. N. H. : À peine laccord sur le Statut avancé conclu, quon commence déjà à réclamer une aide financière supplémentaire dans le budget alloué par lUE au Maroc pour la période 2011-2013. Pensez-vous que cest une approche saine ? - H. A. : Le financement est absolument essentiel et vital ! Le Maroc a accéléré considérablement sa dynamique dinvestissement dans tous les secteurs, notamment dans linfrastructure et il sest engagé dans des opérations de mise à niveau de lensemble de lespace économique marocain par rapport à lespace européen. Et avec nos moyens, il est évident que nous ne pouvons pas aller très loin et que nous avons besoin du soutien agissant et volontariste de lUE beaucoup plus que ce qui a été fait jusquà présent, aussi bien avant que pendant le Processus de Barcelone ou dans le cadre des instruments de la politique de bon voisinage. Cela veut dire que, quelque part, en intégrant le Statut avancé, nous affichons lambition daccéder à des guichets qui ne sont pas ouverts aux membres tiers de la Méditerranée. Cela veut dire, en particulier, que le Maroc peut bénéficier de guichets stratégiques comme celui des Fonds structurels qui ont permis à lEspagne, au Portugal et ,aujourdhui, aux pays de lEurope orientale, davoir les moyens daccélération de leurs programmes de rattrapage socio-économique. Pouvons-nous faire léconomie de ces contributions ? Je ne le pense pas. - F. N. H. : Doit-on donc sattendre à une rallonge financière ? - H. A. : Je suis pragmatique et réaliste, parce que je sais que lEurope affronte une grave crise économique, la plus grave de son histoire en tant quEurope unie et je sais que lEurope individuellement, cest-à-dire avant 1958, na jamais connu un tel tsunami financier et économique. Donc, la grande question qui se pose à tout le monde est : quelles sont les capacités de financement de lEurope dans cette terrible phase de son histoire économique ? Il est clair que si lEurope arrive à apporter assez rapidement une réponse que la conjoncture, la situation financière exigent, il est évident que le Maroc bénéficiera de cette rallonge. Mais si lEurope est incapable dapporter une réponse crédible, collectivement et individuellement, à la mesure des risques considérables qui menacent ses fondamentaux économiques et son projet sociétal, il est évident que nous allons, comme elle, vers une pénurie de moyens de financement et de capitaux. Aujourdhui, lEurope est mobilisée pour apporter des réponses urgentissimes à une décomposition et un effondrement du système financier mondial. Et elle est appelée à jouer, dans ce sens, un rôle non seulement par rapport à ses considérations internes, mais également à apporter sa contribution à lémergence dune gouvernance mondiale. Nous sommes tous, pour la première fois, sur le même bateau ! Et cest la particularité de cette phase atypique de lhistoire de lhumanité où tout le monde à besoin de tout le monde ! - F. N. H. : Et ne serait-il pas judicieux dopter pour un financement à géométrie variable, comme cest le cas pour les projets de lUnion pour la Méditerranée ? - H. A. : Nous sommes membre du processus UPM et je dirais même que le Maroc y a joué un rôle actif et, quelque part, exemplaire. Ce processus traverse une phase extrêmement difficile pour des raisons politiques liées au conflit au Moyen-Orient ; et là encore, il savère que lobjectif du statu quo, qui a été recherché dans le sommet de Paris lété dernier, nest pas viable et que nous sommes encore une fois, un otage du conflit israélo-palestinien. Le deuxième risque majeur que connaît lUPM est quil naît à un moment où sest produit un véritable tsunami dans léconomie mondiale. La question est de savoir si, dans les agendas, aussi biens des pays européens que des pays sud-méditerranéens, lUPM figure toujours au sommet des priorités. Mon souhait est, comme tous ceux qui croient en la Méditerranée et quelles que soient les conséquences de cette secousse tellurique provoquée par la crise financière, nous ne perdions pas de vue que lune des réponses à cette crise est une UPM qui se met au travail pour affronter les défis qui nous sont communs Mais si les attitudes de renfermement sur soi et de protectionnisme devaient simposer, jaurais les plus grandes inquiétudes à formuler pour lavenir de lUPM, la stabilité de la région de la Méditerranée et son développement. - F. N. H. : Lun des chantiers sur lequel planchent lUE et le Maroc est le rapprochement du cadre législatif marocain à lacquis communautaire. Quid de notre spécificité comme pays arabo-musulman ? Nallons-nous pas reproduire le même schéma que celui de la Turquie ? - H. A. : Je ne pense pas que lIslam soit un obstacle à ladhésion de la Turquie à lUE. Je vise par là la religion comme obstacle institutionnel qui ferait quil y ait un traitement sui generis de lacquis communautaire parce que la Turquie est un pays musulman. Dans notre cas, nous ne sommes pas candidats à ladhésion et, que je sache, lacquis communautaire nintègre pas de prescriptions spirituelles ou des politiques communes fondées sur les valeurs religieuses. Il y a des considérations de nature politique que nous connaissons bien qui génèrent un clivage dans lattitude de lUE vis-à-vis de ladhésion de la Turquie, de ses modalités et son calendrier. Ce nest pas le cas pour le Maroc qui, en adhérant à la logique du Statut avancé, récupère de lacquis communautaire ce qui correspond à ses besoins, à son identité et à ses choix politiques et sociaux. Cela est clairement exprimé dans la plupart des dispositions de la lettre dintention. Je ne pense pas que notre identité soit en danger. Notre identité est forte et a été forgée par des siècles dhistoire et la meilleure preuve est que notre identité a influencé la culture européenne et continue de le faire. La réciproque est vraie. Pour paraphraser P. Valéry, nous avons Rome, Athènes et Jérusalem en partage. - F. N. H. : Deux boulets sont encore soulevés qui sont lémigration clandestine et la libre circulation des individus dans les deux sens Maroc-UE. Pourtant, et malgré le Statut avancé, beaucoup dhommes daffaires, détudiants, dacteurs associatifs peinent encore lorsquils doivent entrer dans lUE - H. A. : Cest un sujet délicat qui a plusieurs dimensions. La première dimension, à mon avis, tient de lidéologie qui sous-tend les politiques migratoires européennes actuelles. Je dis bien politiques au pluriel, puisquil nexiste pas au sein de lUnion une véritable politique migratoire commune. Je ne pense pas que nous ayons fait le tour de cette question au niveau conceptuel, c'est-à-dire apporter la réponse pertinente à une problématique stratégique pour lEurope : celle de leffondrement de sa démographie. Il est clair, toutes les études prospectives le montrent, que lEurope perd sa place petit à petit de leader dans le marché mondial et bientôt dans léconomie mondiale parce quelle affronte une panne démographique aux conséquences multiples. Cette première considération se résoudra nécessairement à la faveur de cette crise terrible qui secoue léconomie mondiale. Deuxième élément : les dimensions émotionnelles, idéologiques et politiques ont occulté la rationalité qui aurait dû gouverner la relation entre le Nord et le Sud du point de vue migratoire. La troisième considération est quon oublie lhistoire économique, et en particulier, celle de pays comme la Suède, la Norvège ou le Portugal Ces derniers avaient pu ajuster socialement leurs nations et leurs économies grâce au courant migratoire qui a permis à 10, voire 15 % de leur population totale de sexpatrier et de sinstaller comme des diasporas ailleurs, notamment en Amérique du Nord, en Amérique Latine, en Australie, en Afrique Alors, dans nos relations Maroc-UE, on ne peut imaginer lajustement social et démographique sans ce volant qui est essentiel pour accompagner la marche forcée et volontariste qui est la nôtre en vue de rattraper le niveau de développement humain de lEurope. Parce que la corrélation entre la réalisation de cet objectif et lurbanisation est évidente ! Le dernier élément qui me paraît essentiel est quon ne peut pas parler dans lUPM et dans les concepts, comme le Statut avancé, dobjectifs communs si les acteurs de ces projets ne bénéficient pas de la liberté de circulation. Cest un élément central ! Et là-dessus, je pense, passée cette période extrêmement difficile, nous allons nous rencontrer autour dune plate-forme qui va gérer les flux migratoires à long terme sur la base de lavantage mutuel et du respect des droits humains. Parce que là aussi, on ne peut pas dire que la manière avec laquelle cette fabuleuse richesse humaine partagée a été gérée, lait été dans le respect strict des valeurs communes. - F. N. H. : Quel bilan détape pouvez-vous nous faire sur les négociations en cours dans le cadre de ce Statut avancé ? - H. A. : Il y a deux négociations majeures qui ont été entamées : celles concernant lagriculture et celles relatives aux services. Et les deux ont progressé de manière significative. Il reste des points par-ci, par-là à gérer et surtout des résistances corporatistes à amadouer pour boucler ces négociations. Moi, je suis convaincu quon va y arriver. Ça ne sera pas facile vu la conjoncture particulière, mais je crois beaucoup à la dynamique de la négociation elle-même puisquelle a été entamée avant la crise. Mon souhait le plus profond est que lEurope ne soit pas trop distraite de ses priorités régionales et de voisinage et quelle ne soit pas trop égoïste dans le traitement de son agenda stratégique. Une des solutions à la crise de lUE est lapprofondissement de sa relation de partenariat avec la rive sud de la Méditerranée. Cest là que se trouve le gisement le plus crédible de solutions pour la relance durable de lactivité économique.