* 10 jours après la Déclaration du Sommet de Paris annonçant le lancement de lUnion pour la Méditerranée, des interrogations subsistent encore quant à la faisabilité de ce projet. * Une table-ronde organisée par lInstitut Amadeus a rassemblé déminents intervenants pour faire un premier bilan. * Financements, partenariats économiques, émigration clandestine, vision commune de la rive Sud et autres points ont été débattus. Voilà dix jours que sest tenu le sommet du 13 juillet à Paris annonçant la naissance de lUnion pour la Méditerranée sous la houlette du Président français Nicolas Sarkozy. Le bilan de ce sommet a fait lobjet dune importante table ronde organisée par lInstitut Amadeus à Rabat, sous le thème «Union pour la Méditerranée : Espoir(s) ou déception(s) ?». Premier constat : bien que la plupart des intervenants semblent optimistes quant à la création de cette Union, ils sont unanimes sur le fait quil y a encore dimportants efforts à faire et un grand travail de réflexion à mener dici novembre 2008. Date à laquelle, les statuts définitifs de lUPM seront débattus et adoptés par la suite. Lors de cette table ronde, Latifa Akherbach, Secrétaire dEtat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, a rappelé que cette union na pas été créée ex nihilo, mais sappuie sur le Processus de Barcelone. Cela ne veut pas pour autant dire quelle naura pas de défis à relever. Bien au contraire. Ainsi, les chances de réussite et daboutissement de cette union sappuient sur la capacité des différentes parties de faire en sorte que la complexité de la région devienne une richesse et une source dinter/fécondation. Pour cela, il faut investir le champ culturel et lhumain par-dessus tout. Mieux encore, lunion ne remplace pas le processus, mais y apporte une valeur ajoutée. Justement, la crainte qui fut exprimée est que le Processus de Barcelone lui-même na pas réalisé tous ses objectifs surtout du côté Sud de la Méditerranée. «Le phénomène de lémigration clandestine résume un peu cette situation. Cest pourquoi je pense que la coopération dans le cadre de lunion doit se forger sur une nouvelle philosophie. Notamment sur la base dun rapprochement économique des deux rives», soutient Kadri Fathi, lAmbassadeur dEgypte au Maroc. LEgypte qui assure la co-présidence de lUnion avec la France. Ainsi, il faudrait que la coopération repose sur des projets et objectifs réalisables dans une durée déterminée. «De même quil faut ramener la paix au Moyen-Orient pour préparer le terrain pour une coopération pérenne», conclut Kadri Fathi. Plus optimiste, Jean-François Thibaut, lAmbassadeur de France au Maroc, se range sans ambiguïté du côté du clan de lespoir et pour cause : le Sommet de Paris a réussi à réunir quelque 43 pays. «Cest un premier succès. Le deuxième élément est quon a vu certaines choses se produire, notamment sur les relations trans-méditerranéennes. Ainsi, des avancées ont été constatées dans le rétablissement des relations libano-syriennes. Et cest en soi un élément non négligeable», souligne Jean-François Thibaut. Mais il est du même avis que les autres intervenants dans ce sens quil y a des efforts importants à fournir. Nempêche que pour le Maroc, les thèmes de coopération identifiés sont extrêmement pertinents. Notamment, les micro, petite et moyenne entreprises, les énergies renouvelables avec le Plan Solaire Méditerranéen, lenvironnement, la Protection civile ou encore la formation supérieure. LAmbassadeur de France au Maroc a tenu à rappeler que quelque 30.000 étudiants marocains poursuivent leurs études en France, pour illustrer que cette coopération a commencé à lévidence entre le Maroc et la France. «Lun des avantages de linitiative est quelle fera appel à des financements mixtes public-privé avec aussi lappui dinstitutions internationales», ajoute M. Thibaut. Dans la Déclaration du Sommet de Paris, il est clairement fait référence au financement des projets sélectionnés dans le cadre de lUPM qui se fera au cas par cas. Cela dit, depuis le 13 juillet date à laquelle lUnion a été annoncée, rien na été fait à ce jour. Ainsi, lUnion mobilisera des moyens de financement supplémentaires pour la région, essentiellement par lintermédiaire de projets régionaux et sous-régionaux. Ce financement proviendra essentiellement de la participation du secteur privé, des contributions du Budget de lUE et de tous les autres partenaires. Les pays de la rive Sud doivent mettre la main à la poche Or, lUE est dans lincapacité de produire des financements supplémentaires ! «Je men félicite, parce que nous autres pays de la rive Sud devrons mettre la main à la poche. Chose qui va signer la fin du pacte colonial et consacrer la logique de la construction paritaire !», défend Hassan Abouyoub, Ambassadeur itinérant de Sa Majesté le Roi. Pour lui, il est encore prématuré détablir le bilan détape, puisque rien na encore été réalisé depuis que «les lampions de la fête se sont éteints». Il nen demeure pas moins quil a poussé un ouf de soulagement après lannonce de la création de lUPM. «Ceux qui ont vécu Barcelone savaient que la sagesse allait finir par prévaloir et elle a prévalu. La Déclaration de Paris du 13 juillet a gardé lintégralité du Processus de Barcelone ses points de force comme ses points de faiblesse. Or, on a besoin dinventer de nouveaux instruments pour que cette Union ait un sens. Au jour daujourdhui, son objet nest pas entièrement identifié», soutient Abouyoub. Il revient également sur le choix du terme «Union». «Cest un label à forte charge émotionnelle. Cela dit, dans le cas de lUPM, lUnion nest pas un avant groupement dEtats !», poursuit-il. Autre point soulevé par lAmbassadeur itinérant, le travail «pharaonique» dont doit sacquitter lEgypte pour construire la voie du Sud. Puisquen novembre 2008, le pays doit présenter les propositions de la rive Sud avant la formulation des statuts définitifs de lUnion. Une tâche loin dêtre aisée ! «En effet, pour parvenir à formuler ses propositions, le Sud doit fonctionner comme lUE, en intégrant avec lui les pays adriatiques laissés un peu à lécart. De même que la rive Sud doit innover en matière de financement. Alors, si on arrive à formuler une vision commune, dans ce cas on changera !», souligne Abouyoub. Autant dire quavec tous les problèmes de la région, construire une vision commune relève du miracle. Si lon ne prend que le cas du Maroc et de lAlgérie, cela donne un petit aperçu de la difficulté de la tâche. De même limplication de lopinion publique des pays de la rive Sud. En effet, cette Union a été accueillie négativement. Dans la presse, on parlait de coquille vide. Dautres vont même jusquà dire que cest un dérivé ou une miniature de projet du Grand Moyen-Orient de G.W. Bush, à cause notamment des affinités du Président français avec son homologue américain. Convaincre le public est dautant plus difficile à un moment où lEurope tient le même discours sur des points comme le refoulement politique des émigrés. Comme ce fut le cas pour le Cycle de Doha. «Si ce même discours prévaut, on aura du mal à expliquer lUnion aux opinions publiques de la rive Sud», conclut Abouyoub qui réaffirme aussi se ranger du côté de lespoir, en dépit de tout. Des remarques et des inquiétudes soulevées de part et dautre sur lesquelles lopinion publique naura suite quen novembre 2008. Date à laquelle les modalités en matière de projets seront déterminées lors de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères.