l Depuis son arrivée au pouvoir, le Roi Mohammed VI a affiché de grandes ambitions en matière de libertés individuelles. * LIER, le Code de la Famille et ladoption de la loi sur les manifestations sont des exemples non exhaustifs des avancées réalisées en matière de Droits de lHomme. * Malheureusement, il existe un décalage entre les grandes réformes des textes de loi et leur traduction dans la vie quotidienne du citoyen marocain. Le monde a célébré récemment le 60éme anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de lHomme. Au Maroc, cette culture est toute récente. Elle est même très liée à lavènement du nouveau règne, comme lexplique Mohamed Aujjar, ancien ministre des Droits de lHomme. «La situation des Droits de lHomme au Maroc est caractérisée par une série davancées spectaculaires depuis lavènement de SM le Roi Mohamed VI au pouvoir. Le nouveau règne a affiché de très grandes ambitions en vue de lélargissement de lespace des libertés, consacrant ainsi les Droits de lHomme». En effet, après son accession au trône, le Roi a ouvert un dossier très douloureux de lhistoire du Maroc pour tourner définitivement la page : celui des années de plomb, en créant en 2004 lInstance Equité et Réconciliation. Cette instance avait organisé des séances d'auditions publiques où les victimes des années de plomb appelées à témoigner librement de leurs souffrances, sans pour autant nommer leurs tortionnaires. Une première que le monde entier avait saluée. «Cest lun des grands moments de cette politique des Droits de lHomme quest la création de lInstance Equité et Réconciliation. Cest une expérience pilote dans la région de justice transitionnelle réussie, qui a eu pour ambition dexercer un droit de regard et de réparer les injustices exercées dans les années de plomb. La création de cette instance a permis la réparation des torts subis, lindemnisation et la réhabilitation des victimes. Et ça vise également à prévenir que pareilles exactions ne se produisent plus. Cest lun des grands moments de lhistoire des Droits de lHomme au Maroc», souligne Mohamed Aujjar qui poursuit : «De plus, le travail de lIER a eu de très grandes retombées sur limage du Maroc à linternational comme pays démocratique émergent attaché au respect des Droits de lHomme et se donnant tous les moyens pour régler les dossiers douloureux». Autre exemple de cette politique des Droits de lHomme prônée par le Maroc : ladoption du Code de la Famille. Un Code qui a donné lieu à une grande polémique et une opposition farouche des milieux islamistes. Il a fallu que le Roi tranche sur la question. «Ce Code de la Famille qui a consacré légalité homme/femme dans un Ijtihad Islamique, a démontré la capacité du droit marocain inspiré de la religion à recevoir toutes les valeurs universelles. Cest la première fois dans un pays musulman que cette égalité est consacrée dans le droit par le biais dune interprétation courageuse du texte sacré. Le Maroc a donné encore la preuve de lexistence dune école religieuse ouverte sur le monde et la modernité, sans renier le référentiel identitaire marocain. Lavènement du Code de la Famille est une avancée révolutionnaire sur le chemin dune transformation sociétale profonde», affirme Mohamed Aujjar. Néanmoins, il est conscient du fait quil ne suffit pas de légiférer et de produire des textes, il faut aussi veiller à la bonne application de toutes les dispositions des lois votées. «Et cest là où le bât blesse au Maroc. Il y a un décalage entre les grandes réformes, les grands textes et les mécanismes de leur traduction dans la vie quotidienne du citoyen marocain», soutient-il. Autre exemple qui mérite dêtre cité pour illustrer les avancées enregistrées en matière dancrage de cette culture des Droits de lHomme que le Maroc prône : la réforme de la loi des libertés publiques avec ladoption de la loi sur les associations et manifestations publiques. «Cette dernière est très sensible parce quelle gère léquilibre nécessaire à trouver entre lexercice de cette liberté et la sécurité : donc comment régler légalement et conformément aux valeurs des Droits de lHomme, la jouissance de tous les citoyens de leur droit de manifester, dans le respect des libertés dautrui et le respect de la quiétude publique», poursuit Aujjar. La encore se confirme le décalage entre le texte et la pratique puisque lappropriation de lespace public par les Marocains a posé de gros problèmes, comme lexplique Mohamed Aujjar. Cest un grand chantier à gérer en introduisant dans le cursus des écoles de police et des Académies militaires lenseignement des Droits de lhomme qui assurerait à nos forces de lordre une culture démocratique et une éducation aux Droits de lHomme. Pour pouvoir ainsi former les policiers de demain qui seront capables de faire respecter le droit, de garantir aux citoyens la jouissance de leurs libertés publiques et de procéder, sil le faut, à des dispersions de manifestations sans violation de ces Droits de lHomme, préconise lancien ministre des Droits de lHomme. En effet, il est malheureux de constater, encore et toujours, des passages à tabac de diplômés chômeurs juste devant le Parlement, une institution qui abrite les représentants queux-mêmes ont élus. Un acte méprisant, ce que ce même Etat se tue à répéter. «Tout ceci pour dire que le Maroc sest doté de tout larsenal juridique nécessaire au bon fonctionnement de lEtat de Droit. Le problème réside dans la capacité des administrations à sinspirer de cette culture dans leur rapport au citoyen. Malheureusement, et malgré les efforts déployés, il existe encore un dysfonctionnement ou un manquement à cette culture des Droits de lHomme que le Maroc veut instaurer», estime Mohamed Aujjar qui assure que linstauration de cette culture et son respect sont une responsabilité partagée. Puisque, si le respect de ces Droits est du devoir de tous les appareils de lEtat, une bonne politique des Droits de lHomme est également laffaire de toute une nation : institutions, société civile, médias Parmi les voies à suivre pour que cette culture soit incorporée à la société marocaine, certaines pistes de réflexion se posent delles-mêmes, notamment lenseignement. «Il faut donner une importance stratégique à lintroduction de lenseignement des Droits de lHomme dans les cursus scolaires et ce depuis le primaire. Il ne sagit pas de faire un cours supplémentaire des Droits de lHomme mais de diluer cette culture dans toutes les matières principales enseignées. Et il faut surtout abolir certaines images dégradantes dans les manuels scolaires comme celle de la femme dans la cuisine et lhomme lisant son journal», conclut Mohamed Aujjar. Un vu pieux qui na pas encore trouvé décho auprès des autorités concernées. Peut-être faut-il commencer à les sensibiliser elles-mêmes à cette culture des Droits de lHomme !