On oublie souvent que derrière un personnage se cache un être humain avec ses incertitudes, ses craintes, ses moments de bonheur Et si lon écoute les détracteurs de Samira Sitaïl, la Directrice de linformation à la deuxième chaîne nationale 2M, lon croirait que cest une dame de fer qui tire sur tout ce qui bouge. Et pourtant, cette Marocaine née en France reste très abordable et peut même surprendre par sa simplicité. Sa vie, quon lui souhaite longue, na pas toujours été un fleuve paisible. Des moments de bonheur, mais également des drames. Cela dit, en grande croyante, elle estime que Dieu nous a donné la patience et la force de traverser certaines épreuves. Tout commence dans la banlieue parisienne. Samira est le cinquième enfant dune famille composée de 5 filles et 4 garçons. «Je garde de très bons souvenirs de mon enfance. La maison était toujours pleine, on recevait des amis de la communauté marocaine en France. De même quil nous arrivait de recevoir une trentaine de personnes pour la rupture du jeûne durant le mois de Ramadan». Une bonne ambiance à laquelle veillaient ses parents pour garder vivaces les liens avec le Maroc. Famille très traditionnelle, mais qui a cultivé chez ses enfants la tolérance et louverture sur lautre. Samira se remémore le quartier de son enfance qui abritait une importante communauté juive avec laquelle la communauté musulmane vivait en harmonie. De même quelle et ses frères et surs passaient des après-midi entiers à jouer au monastère du quartier. Ces moments de bonheur ont été secoués à deux reprises. Samira Sitaïl perdra, à 5 ans d' intervalles , sa sur, âgée de 19 ans et un frère de 27 ans, dans des accidents de voiture. Elle croit au destin et à la volonté divine. Alors elle a appris à sarmer pour continuer à vivre. Ses parents veillaient à ce que leurs enfants puissent assimiler leur propre identité maroco-musulmane. Et de ce fait, Samira et ses frères et surs venaient chaque année au Maroc, participant même à plusieurs colonies de vacances qui leur ont permis de mieux connaître le pays de leurs parents. «Je tire mon chapeau à mes parents qui ont cultivé en nous la culture marocaine traditionnelle, mais pas conservatrice, tout en nous ouvrant sur lautre». Dailleurs, Samira suivait des cours darabe chaque jeudi après-midi, assurés par un enseignant égyptien. Ses parents cultivaient le « mythe du retour » au pays et préparaient leurs enfants à cette éventualité. Et par une série de circonstances, cest finalement Samira Sitaïl qui va déclencher le retour de sa famille au Maroc. «Je ne suis pas revenue, mais venue au Maroc, puisque je suis née en France». Ce retour ne sest pas fait du jour au lendemain, puisque Samira ayant opté pour des études de langue, elle avait dailleurs horreur des maths, a eu pour obsession davoir son Bac du premier coup pour ne pas avoir à passer cette matière en session de rattrapage. Cest la philo qui va finalement la tirer daffaire. Son Bac décroché, elle intègre lUniversité de Paris VII. Durant la première année, elle fait LEA où elle étudie lespagnol et langlais, et sétait inscrite parallèlement à lInstitut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Débordée par autant de cours, elle décide de passer au LVE en deuxième année pour se consacrer à la langue de Shakespeare. Ce ne sont là que quelques détails qui peuvent sembler fortuits devant ce qui va suivre. La vingtaine, Samira Sitaïl navait pas particulièrement pour vocation de faire carrière dans le journalisme. Et pourtant, sa rencontre avec un grand journaliste français et conseiller en communication, va changer le cours de sa vie. Elle arrondissait ses revenus détudiante en faisant du baby-sitting pour Hubert Machtou. «Cest en le côtoyant que jai découvert le métier de journaliste. Il recevait des gens des médias que jai rencontrés. Cétait un vrai plaisir». Un vrai déclic aussi ! Elle sempresse alors de sinscrire à l'ESRA, école de réalisation audiovisuelle pour se spécialiser dans le journalisme télévisé, parallèlement à ses études danglais. Sa licence danglais en poche et après sa formation en audiovisuel, Samira Sitaïl va enchaîner les stages à Tf1, Canal +, France 2 et dautres rédactions. Jusque-là, le rapport quelle entretenait avec le Maroc se résumait à de merveilleux moments de vacances en famille et entre amis. Jusquau jour où elle a postulé pour un stage à la TVM. On linformera quil y avait une demande urgente pour un poste vacant. «Javais passé cette année-là deux mois de stage à Canal + et lors de mes vacances, jétais curieuse de faire un stage à la TVM rien quun stage, alors jai décliné leur proposition de recrutement». Elle repart encore une année en France. Les vacances venues, elle vient les passer dans son pays dorigine. Elle contacte la TVM, loffre tient toujours. Après avoir passé un casting, elle est recrutée, en 1987, pour présenter le journal télévisé en français . Une nouvelle page souvre. Trois mois plus tard, elle est rejointe par sa sur qui décide de regagner le Maroc pour intégrer lhôtellerie. Et six mois après, ce sont ses parents qui reviennent définitivement au Maroc. Passer dun monde à un autre ne sest pas fait dans la douceur. Samira est très mal comprise par certains de ses collègues et doit sadapter à lenvironnement où elle évolue. «Mes atouts sont devenus rapidement des handicaps au Maroc. Dabord ma franchise : je disais ce que je pensais quand on me demandait mon avis ; quand un collègue demandait ce que je pensais dun travail, je répondais franchement. Et il suffisait que ma réponse soit négative pour que ce collègue aille rapporter partout que "javais un problème avec lui" ou que « je ne laimais pas » La deuxième qualité qui sest vite révélée être un «défaut» a été mon honnêteté. Elle ma mise dans des situations délicates, mais ma également sauvée dans des moments importants». Alors pour rester fidèle à elle-même et ne pas se départir de ses principes, elle a appris à faire preuve de beaucoup de diplomatie. Ce nest pas pour autant quelle verse dans le copinage ou le clientélisme, ce qui fâche certaines personnes de son entourage professionnel. Mais la goutte qui a fait déborder le vase est sa nomination, à lâge de 35 ans seulement, à la tête de la Direction de linformation à 2M, quelle a intégrée en 1990, où elle animait la première émission d'interviews politiques en direct, «L'Homme en question». Cette nomination na pas manqué de créer une polémique soutenue par des «cheveux gris» qui pensaient quil fallait avoir un certain âge pour être nommé à ce poste. Son statut de femme na pas non plus arrangé les choses, et elle a dû faire face à une misogynie quelle pensait alors absente dans ces milieux. «Je lisais des articles qui critiquaient la couleur de ma jupe et la longueur de mes cheveux. Des choses quon naurait pas écrites sur un homme». Mais quà cela ne tienne, Samira Sitaïl est résolue à ne jamais composer. « Je suis plus diplomate, mais je reste honnête. Cest à prendre ou à laisser ». Pas de compromis avec cette femme qui peut passer dune balade à Derb Ghallef ou la Suika de Rabat, aux boutiques les plus huppées, au-delà de la curiosité dictée par le métier, pour connaître les multiples facettes de la société marocaine. Ou encore passer de la musique de H-kayen, quelle affectionne, à celle de Barbara Streisand, lune des plus belles voix du monde. Ou même passer de la lecture dun roman policier à celle du «Dictionnaire de la communauté musulmane en France». Passionnée dartisanat marocain, elle adore discuter avec les artisans, les vrais, qui continuent jalousement à jouer le rôle de gardien de patrimoine. Elle aime aussi recevoir quand elle en a le temps. Avec ses deux enfants, elle est tantôt maman poule, tantôt maman gendarme et reconnaît ne pas toujours avoir les réponses à toutes les questions que posent des enfants de 12 et 8 ans sur les enfants de leur âge en Irak, ceux qui dorment dans la rue ou ceux qui sont abandonnés par leurs parents. Cest également une femme reconnaissante à Dieu de ce quIl a bien voulu lui donner. «Des moments de bonheur aux grandes déceptions, tel est mon destin qui a fait de moi ce que je suis aujourdhui». Mais toutes les déceptions quelle a eu à essuyer ne changent rien au plaisir quelle a eu à rencontrer des gens formidables, que ce soit dans la vie professionnelle, comme Nadia Bradley, Nadir Yata et Ali Basta aujourdhui disparus, ou encore Hubert Machtou, mais également les membres de son équipe quelle cite un à un et qui sont pour elle une source de fierté ou dans la vie privée comme son mari. Battante au moral dacier, journalise émérite, Samira Sitaïl est une femme passionnée !