La chaîne de télévision 2M s'est distinguée dans son traitement des attentats-suicides de Casablanca. Elle a été la première chaîne dans le monde à diffuser des images qui ont été reprises par les grandes chaînes d'information. Samira Sitaïl raconte l'exceptionnelle mobilisation de cette soirée et dénonce au passage de nombreux travers. La nouvelle est venue des téléphones mobiles. Elle a très vite fait le tour du Royaume. Personne ne voulait y croire. Les Marocains cherchaient à en apprendre plus sur cette nouvelle stupéfiante auprès des deux chaînes de télévision nationales. La deuxième chaîne a été la première à donner l'information. Une première fois sans images « aux alentours de 11h 15 mn », selon Samira Sitaïl. Il a été annoncé, avec des précautions rhétoriques, que quatre attentats ont été perpétrés à Casablanca et que des précisions seront données par la suite. Et c'est la course au zapping ! La chaîne de télévision Al-Jazeera a été évidemment privilégiée. Il est difficile de dire lequel de 2M ou d'Al-Jazeera a donné l'information en premier lieu. Mais elle a été largement commentée sur la chaîne établie au Qatar après 23 heures. La directrice de l'information de 2M sort de ses gonds dès qu'on lui parle du traitement fait par Al-Jazeera des attentats de Casablanca ce soir-là. « Je n'en veux pas à Al-Jazeera, mais à son correspondante au Maroc Ikbal Ilhami ». Cette dernière a selon Samira Sitaïl fait parler « un témoin oculaire » des les attentats de Casablanca à partir de Rabat. « Elle a donné une information tronquée, manipulée et mensongère ». En plus du faux témoin oculaire et du chiffre de sept attentats avancé, cette désinformation a trait également à la nature des cibles visées par les terroristes. Al-Jazzeera a en effet focalisé son traitement sur « les intérêts juifs ». L'on sait que les terroristes ont visé d'autres cibles dans leurs attentats. Ce soir-là, tout le monde attendait les premières images des attentats. Elles ont été diffusées par la deuxième chaîne nationale. Sa directrice d'information s'enorgueillit beaucoup de cet exploit. « 2M est devenue une source d'information pour les plus grandes chaînes de télévision dans le monde. Nos images, avec le logo de la chaîne, ont été reprises par CNN, Fox news, Al Jazeera et de nombreuses télévisons européennes ». Ces images ont été diffusées après minuit. Lorsqu'on se hasarde à l'interroger sur la durée observée entre le temps des attentats et les premières images montrées, la directrice de l'information de la deuxième chaîne nationale répond avec véhémence : «Pensez-vous être sérieux en supposant que deux heures c'est beaucoup !» Pourtant, Samira Sitaïl ne cache pas que les journalistes ont été immédiatement informés des attentats. Un journaliste de 2M a vécu, selon elle, l'un des attentats en direct. Il s'agit de Hassan Ben Rabeh qui a été témoin de l'attaque contre l'hôtel Farah. «Il m'a immédiatement appelée et j'ai envoyé une équipe sur place», dit Samira Sitaïl. «Mon beau-frère a également assisté à l'attentat de la Casa de Espana», ajoute-t-elle. Et c'est ainsi que quatre équipes de la deuxième chaîne ont été mobilisées pour couvrir cinq attentats. Interrogée sur le chiffre de quatre, Samira Sitaïl précise que 2M dispose de bien plus d'unités, mais qu'en raison de l'heure où les premières explosions ont retenti, il a fallu mobiliser des journalistes et des techniciens. Une seule équipe de tournage à l'extérieur assure la permanence la nuit à 2M. Par ailleurs, dans les images diffusées sur la deuxième chaîne, on ne voyait pas de scène choquante. « Nous avons filmé des corps déchiquetés, des murs éclaboussés de cervelle, des morceaux de chair, des corps démembrés. Nous avons ces images à 2M, mais nous avons choisi de ne pas les montrer par ce que la mort requiert une dignité que n'ont pas su respecter certains confrères de la presse écrite», précise Samira Sitaïl. Elle dénonce avec fougue «les têtes tronquées» et autres organes exhibées «sans état d'âme» dans certains journaux. «C'est du voyeurisme macabre !», conclut-elle.