* Dans un contexte de libéralisation, lapproche budgétaire axée sur les résultats occupe une place de choix dans la réforme des finances publiques. * Cette nouvelle approche se base sur des indicateurs de performance. * La logique veut que 95 % du Budget sexécutent sur le terrain. Finances News Hebdo : Lun des piliers de la réforme des finances publiques est celle du Budget axée sur les résultats. Ce concept a-t-il été généralisé à lensemble des départements ministériels ? Abdellatif Bennani : La logique de résultats a été introduite dans les budgets sectoriels depuis maintenant 4 à 5 ans. Bien entendu, cest un travail de longue haleine. Comme vous lavez certainement constaté lors des interventions, toutes les expériences internationales concluent quil faut préparer les conditions de réussite de ce genre de réforme pour la bonne gouvernance, telles que les systèmes dinformation et les indicateurs de résultats les plus pertinents. Et bien évidemment, il faut avoir bien conçu à lamont des stratégies sectorielles. Je crois que le Maroc a suffisamment évolué pour quil y ait aujourdhui maturation de ses stratégies. Aujourdhui, nous pouvons constater que le Maroc opère par stratégies. Ainsi, nous disposons de stratégies pour pratiquement tous les secteurs, notamment le plan Emergence, le plan Azur La logique veut que ces stratégies soient déclinées dans les budgets sectoriels, mais avec des indicateurs de performances. Cest là où réside cette logique de résultat. Autrement dit, les ministères et les administrations qui sont en charge de lexécution de ces stratégies-là seront jugés non seulement sur le volume des crédits budgétaires qui leur seront alloués, mais surtout sur les résultats quils auront atteints. Cette logique est même développée aujourdhui dans les budgets sectoriels tels quils sont élaborés à loccasion de projets de lois de finances. Ces budgets sont désormais discutés au Parlement non seulement sur la base de stratégies, mais surtout sur la base dindicateurs de performances et de progrès accomplis de manière chiffrée. F. N. H. : Justement, la budgétisation sur les résultats implique la mise en place des indicateurs de performances. Actuellement où en sommes-nous ? A. B. : Chaque département dispose de ses indicateurs de performances. Dailleurs, depuis quelques années déjà, ces indicateurs font lobjet dun document qui va au Parlement. Donc, il y a un regard des parlementaires sur ces indicateurs. Bien entendu, il dépend de la perspicacité des parlementaires et de leur capacité à souligner la pertinence de ces objectifs. Il leur appartient, dans le cadre de commissions sectorielles, dexaminer les budgets de chaque ministère, les indicateurs de performances et de quelle façon ils ont été atteints. Ces indicateurs sont bons dans leur concept, mais encore faut-il les évaluer. Pour vous dire, il faut les auditer. Ainsi, il faut voir sils ont été respectés ou pas, et cest là le rôle de linspection générale des Finances et des inspections générales des ministères. A ce niveau, nous voulons que ce soit un travail de partenariat. Pour en revenir à votre question, aujourdhui, plus de trente ministères sont dotés dindicateurs sectoriels. Évidemment, la mise en place de ces indicateurs est un processus quil va falloir pérenniser et améliorer de façon continue. Ainsi, à chaque fois, nous en écartons un certain nombre qui ne servent à rien et essayons de choisir les indicateurs de résultats les plus significatifs. F. N. H. : Hormis les systèmes dinformation, quelles sont les conditions préalables pour réussir une réforme dune telle envergure ? A. B. : Il faut que tous ces projets, programmes et indicateurs se réalisent sur le terrain. Actuellement, nous avons des systèmes dinformation au niveau des administrations centrales. Mais il faut les mettre en réseau pour quon puisse travailler et évaluer à temps ces indicateurs. Lautre partie de cette réforme est cette espèce de contractualisation qui doit exister entre lAdministration centrale et les services extérieurs déconcentrés. La logique veut que 95 % du Budget sexécutent sur le terrain ; donc, aujourdhui on en est loin. La logique veut également que ces services extérieurs puissent être dotés de ressources humaines, de managers qui ont cette culture de la gestion de projet et qui devront avoir des délégations de crédits en étant les interlocuteurs porteurs de contrats dobjectifs avec leur propre administration. Cest dans ce sens que se sont engagés nombre de ministères, notamment le ministère de la Santé et celui de lEquipement. F. N. H. : Autre point important : la convergence des politiques publiques qui, il faut le dire, laisse à désirer. Aujourdhui, peut-on y prétendre ? A. B. : Cest un élément fondamental de laction sur le terrain. Aujourdhui, il est important davoir une conception intégrée de la politique publique au niveau de lEtat et quelle soit par la suite déclinée sur le terrain. Il y a des expériences mitigées. Ainsi, nous avons réussi sur certains points et pas sur dautres. Et très souvent, cest une affaire de terrain qui relève des walis et gouverneurs. Quand ces derniers sont dynamiques et très ouverts sur lensemble des ministères représentés au niveau territorial de leurs prérogatives, cest là où nous palpons du succès. En attendant un schéma plus formalisé, il faut bien accumuler un certain nombre dexpériences sur le terrain pour pouvoir légiférer autour de ça. Je sais que le ministère de lIntérieur qui est en charge de tous les aspects de déconcentration est en train de travailler, avec des ministères pilotes, sur cet aspect de la convergence. F. N. H. : Tous les projets contribuant à la modernisation des finances publiques sont bien ambitieux, mais dispose-t-on des ressources humaines et matérielles suffisantes pour les mener à bien ? A. B. : Je crois que ces moyens, il faut savoir se les constituer, se les faire au fur et à mesure. Déjà que nous disposons de moyens non négligeables qui sont déployés sur les secteurs dactivité hautement prioritaires comme léducation, la santé, lhabitat, les infrastructures Ce sont des moyens qui augmentent dannée en année et quil faut bien utiliser. Il sagit de la légitimité de lEtat. Nous navons pas le droit de gaspiller des ressources limitées par définition et qui concernent le citoyen. Cest largent du contribuable quil faut utiliser à bon escient. Il se peut quil y ait un problème de ressources humaines pour conduire ces programmes sur le terrain, mais je crois que ladministration regorge de compétences et quil suffit de les placer là où il faut en les dotant des responsabilités et des moyens qui leur permettent dy faire face. F. N. H. : Comment, daprés-vous, peut-on concilier la maîtrise de la dépense sans pour autant toucher aux programmes ? A. B. : La maîtrise de la dépense commence dabord par la nécessité détablir des normes de dépense. Cest-à-dire, des normes de coût. Ainsi, dès lors quon réalise des centaines de salles de classe, on devrait pouvoir aboutir à une normalisation du coût. Et à partir du moment où lon a maîtrisé le coût, on peut faire beaucoup de choses, doù lintérêt, à titre dexemple, de la comptabilité analytique pour pouvoir évaluer combien nous coûte la formation dun élève. F. N. H. : En quelques mots, comment évaluez-vous létat davancement de la mise en place de la réforme des finances publiques à ce jour ? A. B. : Cest un état davancement très positif. Il existe aujourdhui une prise de conscience chez tous les acteurs de la dépense publique, mais il faut encore aller de lavant. Car nous navons pas le choix, il sagit de préserver largent du citoyen.