* Le ministère de la Santé a été le premier à adhérer à la nouvelle approche basée sur les résultats, mais il est encore précoce d'évaluer les performances liées à une réduction de la dépense. * La logique de la performance reste incomplète sans l'instauration d'une politique de développement intégré. La logique de la performance prend de plus en plus le dessus de toute approche budgétaire. Elle est devenue une condition sine qua non de la réussite de la gestion des deniers publics dans la mesure où elle donne la priorité aux résultats. Elle permet ainsi de répondre à un double enjeu dans le sens où les résultats devraient être conformes à des objectifs préalablement définis. La logique de la performance sert à mieux conduire les politiques publiques, gérer les administrations et maîtriser les finances publiques. Aujourd'hui, certains départements ministériels en ont pris conscience et l'ont déjà intégrée dans leur politique budgétaire. On cite à titre d'exemple le ministère de la Santé qui a pris à bras le corps cette nouvelle approche à tel point qu'on le qualifie de pionnier. «Nous étions les premiers à adhérer à cette nouvelle approche budgétaire axée sur les résultats», confirme Abderrahmane Alaoui, chef de la Division financière au sein du ministère de la Santé. L'intégration de la nouvelle approche axée sur les résultats au sein du département de la Santé s'inscrit dans une politique de réforme participative, de proximité et de transparence. Dans le même sillage, le ministère de la Santé a mis en place différentes actions qui s'articulent autour de l'appropriation, dès l'année 2002, de la réforme de la dépense publique par le secteur de la santé, à travers l'introduction de la globalisation des crédits, la formation à la programmation stratégique et la globalisation des crédits de 500 gestionnaires (délégués, directeurs des hôpitaux, chefs de services administratifs ), l'élaboration en 2003 d'une lettre de cadrage déclinant les orientations stratégiques du plan d'action en domaines stratégiques de résultats. Le ministère de la Santé a procédé par ailleurs à l'élaboration, en 2004, à titre expérimental, des premiers contrats-programmes avec 15 hôpitaux et a réalisé en 2005, avec l'appui de l'OMS, une étude sur l'état des lieux des relations contractuelles dans le système de santé. Les indicateurs de performance retenus par le ministère de la Santé se répartissent selon la nature des domaines d'intervention (voir tableau). Ces indicateurs de performance n'ont pas pour vocation de se substituer au plan de développement économique et social, mais s'inscrivent dans la prospective budgétaire, offrant ainsi une meilleure visibilité. Ces indicateurs donnent ainsi aux gestionnaires une marge de manuvre dans la mesure où ils lient les moyens budgétaires mis à leur disposition aux résultats obtenus à travers la mise en place d'indicateurs chiffrés tels la réduction de la pathologie alfa d'un pourcentage x, la diminution du taux de mortalité intra-hospitalière d'un pourcentage y Après toutes ces actions entamées, les résultats se sont-il enfin manifestés ? «Les indicateurs sont là, mais il est encore prématuré de se prononcer sur la réduction de la dépense publique», précise notre responsable au sein du ministère de la Santé. Il s'empresse d'ajouter : «La réforme se fait d'une manière progressive et nous sommes aujourd'hui à la quatrième phase, à savoir la généralisation de la contractualisation des performances, une fois le dispositif complété par la mise en place d'un cadre de dépense à moyen terme». Cette démarche progressive retenue par le Maroc a pour principal dessein d'accompagner les différents départements ministériels dans le développement des outils nécessaires à la mise en uvre, qu'il s'agisse de l'élaboration d'indicateurs de performance, de la contractualisation avec les services déconcentrés ou de la programmation pluriannuelle. Quid de la nouvelle approche budgétaire ? Le premier axe de cette approche budgétaire axée sur les résultats est la globalisation de crédits qui constitue une démarche d'élaboration des indicateurs. Une telle démarche a permis de responsabiliser davantage les services déconcentrés en leur attribuant plus d'indépendance. C'est dans ce cadre qu'une circulaire a été élaborée et dont le contenu permet de préciser les conditions de bénéfice de la globalisation et le processus de sa mise en place. «Le présent rapport indique que la réforme de la globalisation a consisté à donner plus de souplesse de gestion aux gestionnaires, avec comme contrepartie la nécessité pour ces derniers de satisfaire à des objectifs mesurés par des indicateurs. Il précise que la globalisation a, dans l'ensemble, correctement fonctionné, mais que les méthodes d'évaluation des résultats obtenus devrait encore être améliorée», a annoncé Pierre Messali, de la Banque mondiale et responsable du projet d'évaluation de la gestion des finances publiques. (voir www.financesnews.press.ma). Le second axe de cette approche permet d'impliquer d'autres partenaires tels que les ONG, les associations, les services de coopération, les collectivités locales Ce partenariat a concerné les domaines relatifs aux prestataires de soins, d'acquisition de médicaments, de matériels, d'équipements, d'infrastructures La stratégie de contractualisation, qui constitue le troisième axe, a permis aux services déconcentrés du ministère de la Santé de devenir des acteurs plus actifs et plus impliqués dans le processus de préparation du budget. Elle a permis la création des espaces de dialogue à tous les niveaux. La coordination entre départements ministériels : un levier de performance Toutefois et même s'il est encore prématuré de se prononcer sur la réduction des dépenses publiques, des résultats ont été néanmoins constatés. «On peut citer, à cet égard, une meilleure maîtrise et appropriation par les sous-ordonnateurs des outils de programmation, une diminution considérable des demandes de suppléments de crédits, une meilleure maîtrise de la consommation et une diminution considérable des arriérés», s'enthousiasme A. Alaoui. « Mieux encore, désormais nous disposons d'outils fiables et tangibles à même de défendre notre position vis-à-vis du ministère des Finances et de la Privatisation», s'empresse-t-il d'ajouter. Et il précise que le budget octroyé au ministère de la Santé demeure en deçà des besoins. Même son de cloche chez un financier bien informé qui souhaite garder l'anonymat : « la logique de la performance est certes intéressante, mais elle reste dépendante de la contrainte financière». Et pour une meilleure illustration, il donne l'exemple d'un hôpital qui est soumis à la tutelle financière du ministère des Finances et de la Privatisation (MFP) et à celle technique du ministère de la Santé. Ce dernier fixe annuellement une fiche d'orientation où sont arrêtés des objectifs biens définis. Mais tant que le budget accordé par le MFP reste limité, les objectifs seront loin d'être atteints et les indicateurs de performance n'auront aucune signification. P. Messali a aussi adopté la même logique lorsqu'il annonce que : «les indicateurs devaient être affinés en qualité et en quantité, les ministères devaient rendre des rapports de performance plus consistants comme cela est prévu par le décret de 2001, la nomenclature budgétaire devrait être améliorée en vue d'adopter une approche véritablement pragmatique, ce qui n'est encore qu'à moitié le cas». Notre financier opte plus exactement pour une politique de développement intégrée. Il donne l'exemple suivant : le gouvernement se pose comme objectif d'augmenter le taux de scolarité dans le milieu rural, mais le fait de bâtir des écoles ne sert à rien si le village en question souffre d'une pénurie d'eau. Une responsabilité qui incombe au ministère de l'Équipement. Parce que dans ces conditions les enfants seront utiles à leurs parents pour rapporter de l'eau et dans ce contexte, la construction des écoles ne change pas grand-chose. Les investissements sans aucune valeur ajoutée sont monnaie courante dans notre pays. Cela laisse entendre que les indicateurs de performance devraient être complétés par une cohérence des axes stratégiques des différents départements. Au cas où les objectifs sont éparpillés, les efforts déployés vont se dissiper. Mais toujours est-il que nous devons nous féliciter d'avoir instauré cette nouvelle approche axée sur les résultats. Elle est certes encore à ses débuts, mais les résultats seront certainement là. Comme dit l'adage : «Petit poisson deviendra grand ». Au moment où nous mettions sous presse, 15 départements ont adhéré à ce dispositif. Ces départements gèrent 40% du budget de l'Etat. Un travail est aujourd'hui en cours pour permettre l'adhésion de six autres départements dès la prochaine Loi de Finances. D'autres actions sont également engagées par la Direction du Budget sous forme de soutien et d'accompagnement des autres départements ministériels pour activer leur adhésion à cette approche dès 2008. Pourvu que ça se propage !