* Le discours du Premier ministre relatif à la crise alimentaire est rassurant mais pas convainquant. * Le Maroc peut se targuer de son système de compensation, mais jusquà quand ? * Si la flambée des prix des produits de base persiste, quel sera le sort du Maroc ? «Nous devons nourrir les bouches affamées. C'est aussi abrupt que cela», a déclaré le Président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, au terme d'une réunion à Washington du Comité conjoint pour le développement de son institution et du Fonds monétaire international. Il estime pour autant que les manifestations qui ont eu lieu de par le monde ne doivent pas laisser insensibles les chefs de gouvernement. Ce problème est d'autant plus aigu que la part du revenu consacrée à l'alimentation atteint jusqu'à 75% dans les pays pauvres, contre 10 à 20% dans les pays riches. Cette thématique a fait lobjet dune conférence internationale à Rome organisée la semaine dernière par la FAO. Les facteurs expliquant cette crise sont essentiellement lenvolée des prix des denrées essentielles et l'utilisation d'une part croissante et significative des terres arables pour produire des biocarburants. Pratiquement, tout le supplément de récolte mondiale de maïs entre 2004 et 2007 a servi à fabriquer aux Etats-Unis cette alternative au pétrole. «Quand on lance, aux Etats-Unis, grâce à six milliards de subventions, une politique de biocarburant qui draine 138 millions de tonnes de maïs hors du marché alimentaire, on jette les bases d'un crime contre l'humanité pour sa propre soif de carburant», accuse Jean Ziegler. Autres facteurs et non des moindres contribuant à la crise alimentaire, la hausse de la demande dans les pays en pleine croissance comme la Chine et lInde et la sécheresse qui frappe de grands producteurs comme lAustralie. La question que se pose chacun de nous est : le Maroc est-il menacé par la crise alimentaire ? Bien que rassurants, les propos du Premier ministre à loccasion de son discours à Rome ne semblent pas convaincre. Même les déclarations des chefs dEtat et dorganisations internationales sont unanimes quant à lurgence dagir. Quarante pays, dont bon nombre d'Etats à niveau de développement comparable à celui du Maroc, ont d'ores et déjà tiré la sonnette d'alarme. C'est le cas notamment de l'Egypte, pays pourtant autosuffisant aussi bien en pétrole... qu'en céréales. Daprès les propos du Premier ministre : «Il ny a certainement pas lieu de salarmer, bien quune crise ne soit jamais à exclure. LEtat a fait le choix de payer à coups dimportations et de subventions le déficit en production agricole quil accuse. Assurément, le Maroc est lun des rares pays dans le monde à avoir institutionnalisé le système de compensation et donc à éviter la répercussion de la hausse. Un système de compensation qui bénéficie essentiellement aux plus aisés. Mais là, cest un autre problème. Aussi, faut-il sinterroger si la crise alimentaire ne touche pas déjà des pans de la société. Les problèmes de sous-nutrition sont très fréquents en milieu rural, mais on nen parle pas assez. Que risque le Maroc si la hausse persiste ? Notre système de compensation pourrait-il tenir davantage ? Les prémices ne sont guère rassurantes. La Banque mondiale avertit que l'inflation alimentaire n'est pas un phénomène temporaire et que les cours devraient rester supérieurs à ceux de 2004 jusqu'en 2015. La première urgence est de renflouer le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, dont le déficit de financement atteint 500 millions de dollars, souligne la Banque mondiale qui s'engage, par ailleurs à doubler le volume de son prêt en Afrique subsaharienne pour accroître la productivité.