Née à Mirabel, petit village du Sud-Ouest de la France, Béatrice Beloubad a reçu une éducation rigoureuse de ses parents protestants. Ils lui inculquaient, ainsi quà sa sur unique, la valeur du travail, au sein de la famille, à lécole et également dans la vie dune manière générale. Elève sage, trop sage même, Béatrice est élevée dans les grands espaces où elle forme une petite bande avec ses cousins. Une enfance tranquille, heureuse Mais elle commence à prendre conscience de la souffrance de sa mère. En effet, émigrée italienne mariée à un Français de souche, la mère de Béatrice est arrivée en France juste après la Deuxième Guerre mondiale. Les temps étaient difficiles et son intégration aussi. Bac économique, Béatrice opte pour une tout autre voie et sinscrit pour un DESS en psychopathologie à Toulouse. «Cétait une quête pour comprendre lautre. Et on ne peut comprendre lautre que lorsquon est au clair avec soi-même». «La vie estudiantine est importante dans la vie dune personne. Cest un moment où lon développe son relationnel et puis en 1981, on assistait à larrivée du socialisme au pouvoir. On a cru changer le monde, on ne la pas changé, mais on en a au moins rêvé. Et puis quand on a des objectifs, cela nous permet davancer dans la vie». Féministe convaincue, elle rencontre son mari durant ses études. «Il ne pouvait pas vivre en dehors de son pays et cétait quelque chose sur laquelle il ne pouvait pas revenir. Jai fait le choix de le suivre. Et nous sommes arrivés à Casablanca en août 1985. Certes, je connaissais le Maroc à travers les vacances que jy passais mais les vacances cest un peu le temps, entre parenthèses, où tout se passe bien». Mais, pour sy installer ! Très attachée à ses origines, Béatrice Beloubad fait tout de même le choix de suivre son mari au Maroc. Une épreuve difficile pour ses parents mais surtout pour sa mère qui a connu les affres de lexil. Mais disons quils ont été rassurés quand ils ont rencontré leur futur beau-fils. «Son attachement aux valeurs de la famille les a rassurés». Cétait un choc que de passer dune culture à une autre complètement différente. Certes, sa belle-famille était très ouverte et la bien adoptée. De même quelle avait un poids supplémentaire par rapport aux autres belles-filles, de nationalités différentes dailleurs, parce que son beau-père est un ancien combattant et quil partage une histoire avec la France. Mais le plus difficile de cet exercice dintégration se faisait à lextérieur et ce nétait pas toujours une partie de plaisir. À lépoque on avait une seule voiture et je marchais beaucoup pour aller à mes rendez-vous ou à mon travail et je me sentais souvent agressée par des regards, des paroles en lair». Le fait quen septembre de la même année elle intègre un jardin denfants lui a permis un contact formidable avec ses collègues et aussi avec les parents des enfants. Une fenêtre sur cette société marocaine où elle venait datterrir. «Les conseils de mes collègues mont été dune grande aide pour comprendre ce nouvel environnement dans lequel je vivais désormais et, en fonction de ce quon me disait, japprenais comment réagir, les limites à poser et linterprétation de ce que je vivais». Les premiers six mois de sa vie au Maroc furent très durs et bien que lidée de repartir en France lui ait effleuré lesprit, elle décide de rester aux côtés de son mari. Une année plus tard, Béatrice Beloubad fait son entrée dans lhumanitaire et elle na pas choisi la voie la plus facile. Pour sa première expérience, elle rejoint lAssociation des parents et amis denfants inadaptés. «Cétait le deuxième choc depuis mon arrivée au Maroc», dautant plus quelle était la responsable de lintégration professionnelle de ces jeunes une fois adultes. Elle se rappelle encore les conditions difficiles où elle devait exercer, en plus dêtre heurtée par des croyances ancrées qui veulent que les handicapés mentaux soient possédés. II lui était parfois complexe de travailler avec les familles qui se résignaient en prétextant la fatalité, ce qui leur permettait daccepter la maladie et toutes ses souffrances mais leur évitait toute remise en question. «Souvent, les chefs dentreprise préféraient donner des enveloppes daide à lassociation au lieu dinsérer ces jeunes dont personne ne voulait». De retour à lassociation, elle devait faire face à la détresse de ces jeunes et à langoisse de leurs familles. La naissance de sa fille va créer un déclic. Béatrice est plus que jamais résolue à rester au Maroc. «Ma fille est marocaine et dans son éducation il fallait toujours trouver un compromis, un équilibre pour lui éviter dêtre tiraillée entre deux cultures». Sa responsabilité de mère va donner un élan à son travail humanitaire. Béatrice poursuivra son travail non sans difficulté. En effet, elle ne voyait pas dun bon il les méthodes peu orthodoxes du Président de lassociation. Et après huit ans au sein de celle-ci, elle claque la porte. «Cétait un déchirement que de laisser ces 360 enfants derrière moi, mais je ne pouvais travailler dans de telles conditions...». Et elle a eu raison de partir puisque ce qui devait arriver arriva, des scandales de détournements dargent ont éclaté. Et ce que soupçonnait Béatrice sest avéré. En février 1995, cest une nouvelle page qui souvre dans la vie de Béatrice Beloubad. Un cap qui sappelle SOS Village dEnfants Maroc. «Il était nettement plus aisé de travailler avec des enfants abandonnés qui inspiraient la sympathie quavec des enfants souffrant de maladies mentales et puis lassociation ayant une structure et étant plus organisée, le travail était facilité». Une association qui travaille avec un budget sur lannée qui permet de programmer des actions avec la certitude de les reconduire lannée qui suit. Une stabilité qui la motive. Béatrice va tomber immédiatement sous le charme du concept de famille de substitution avec les mêmes valeurs quune famille ordinaire. Elle fut engagée pour la collecte de fonds, une mission quelle accomplit pendant une année avant de soccuper de la formation des collaborateurs. Le travail avec les enfants abandonnés lui donnait un autre regard sur le phénomène et par la même occasion, un autre angle de vue sur la société marocaine, un autre côté de la misère. En 1998, Béatrice Beloubad prend la direction de SOS Villages dEnfants Maroc. La consécration de ses efforts qui na dégale que la reconnaissance quelle lit dans les regards de ceux quelle a pu aider. «Nous avions à lépoque deux villages et un foyer et grâce au travail intéressant de léquipe nous avons lancé de nombreux projets». Et depuis lavènement de SM Mohammed VI, les choses ont rapidement évolué et au sein de lassociation, il a été constaté que cétait désormais les entreprises qui venaient frapper à sa porte. Un effet de dynamique impulsé par le Roi en personne, notamment avec le lancement de lINDH. Lenvironnement est devenu plus favorable au travail humanitaire. «En 20 ans, le Maroc sest beaucoup ouvert sur lextérieur, cest aussi un facteur qui a aidé à mon intégration». En 2004, lassociation a lancé le programme de renforcement de la famille pour prévenir labandon des enfants. Une ouverture de lassociation sur son environnement avec également des cours dalphabétisation et des formations aux activités génératrices de revenus en faveur des familles les plus vulnérables des actions, entre autres, pour être le plus utile possible. «Le Maroc enregistre un taux important dabandon des enfants par rapport à dautres pays voisins. Dans ce sens, il faut se pencher sérieusement sur ce phénomène pour en diminuer lampleur. Labandon est la plus grande violence quon puisse faire à un enfant, il en porte les séquelles à jamais». Pour concrétiser tous ces projets, la devise de Béatrice Beloubad est de ne jamais reporter à demain ce que lon peut faire aujourdhui, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. «Je sais que travailler avec moi peut être une grande souffrance pour mes collaborateurs». Avec 2.000 bénéficiaires à lAssociation, Béatrice accorde le plus clair de son temps au travail, mais la satisfaction de la mission accomplie est pour elle le plus beau cadeau de la vie.