* La ville ocre et la capitale du Souss, villes touristiques par excellence, sont menacées de pénurie d'eau à l'horizon 2010. q Les actions déployées actuellement par les pouvoirs publics parviendront-elles à éradiquer le phénomène du déficit hydrique ? * Dans un tel contexte, tourisme et agriculture sont-ils compatibles ? La pénurie d'eau à l'horizon 2010 pèse comme une épée de Damoclès sur le territoire national et sur certaines villes en particulier. Il ne s'agit pas de n'importe quelles villes, mais de Marrakech et Agadir, véritables locomotives du secteur touristique. A noter que l'économie de ces deux villes repose essentiellement sur l'agriculture et le tourisme. L'activité touristique à elle seule accapare 64,4% du total des nuitées dans les hôtels classés ; car les touristes qui se rendent au Maroc préfèrent le tourisme culturel ( Marrakech) et balnéaire (Agadir). Cette pénurie d'eau est très inquiétante, mais elle l'est d'autant plus dans un contexte où les regards sont braqués sur cette date fatidique en vue d'atteindre les 10 millions de touristes. A l'occasion du débat national sur l'eau tenu dans la capitale du Souss, il a été noté que le Maroc dispose d'un potentiel de ressources en eau naturelle estimé en année moyenne à près de 22 milliards de m3, soit l'équivalent d'un ratio de près de 730 m3/hab/an. Ce potentiel était évalué avant la prise en compte des années de sécheresse qui ont marqué les trois dernières décennies à près de 30 milliards de m3 par an. Le choix de la ville d'Agadir n'est pas le fruit du hasard, mais tient au rôle que joue la région dans le développement économique, la gestion des ressources en eau et l'affrontement des défis liés à la rareté des ressources en eau. Les recommandations ayant émané du débat ont insisté sur la préservation des surfaces irriguées et l'assurance d'alimenter en eau la population et les différentes activités touristiques. Ce déficit hydrique risque d'être aggravé par les conséquences des changements climatiques sur les ressources en eau et ne peut être résorbé ni par la mobilisation supplémentaire mais limitée des eaux de surface, ni par les eaux souterraines déjà exploitées. Par ailleurs, la dégradation de la qualité de l'eau devient l'un des problèmes majeurs qui affectent les ressources en eau. En effet, l'analyse des échantillons d'eau prélevés au niveau des stations de contrôle, qui se situent essentiellement en aval des points de rejets des eaux usées, montre que la qualité de l'eau de surface est de mauvaise qualité au niveau de 45% des stations de contrôle et que la qualité des eaux des nappes superficielles est de mauvaise qualité au niveau de 51% de ces mêmes stations. A l'avenir et suite aux changements climatiques que les experts prédisent, il faut s'attendre à une réduction supplémentaire qui se traduira par une diminution de nos ressources en eau estimée de 10 à 15%. Devant une telle situation, les responsables ne sont pas restés les bras croisés. Une réorientation de la politique de l'eau a été amorcée par les pouvoirs publics. Cette orientation vise essentiellement la rationalisation des investissements publics dans le domaine de l'eau en donnant la priorité à la gestion de la demande en eau et le rattrapage des retards accumulés au niveau de certains secteurs, notamment l'assainissement et l'épuration des eaux usées. Dans le même sillage s'inscrivent les techniques de dessalement de l'eau ayant connu au cours des dernières années un progrès notable en raison de la baisse du coût de l'équipement, de l'effet de taille des projets et de la réduction importante de la consommation d'énergie due à l'amélioration des performances de la technologie. Manque de coordination ! Bien que la pénurie d'eau s'avère de plus en plus inquiétante, les responsables au sein des organismes de tourisme ne semblent pas appréhender les choses comme elles doivent l'être. D'après Bentabib Abderrahim, du CRT Marrakech, l'alimentation en eau est assurée dans la ville ocre à l'horizon 2020 et désormais les efforts se concentrent sur l'après-2020. Mais cela ne devra pas occulter que les organismes de tourisme et ceux de l'eau ne travaillent pas en parfaite coordination. D'après Chehdane, Directeur général du CRT d'Agadir, l'organisme dont il est responsable se penche sur tout ce qui est tourisme. «Certes, parfois nous sommes appelés à participer à des séminaires sur le problème de l'eau, mais nous privilégions ceux portant sur le tourisme». Il en découle ainsi une coordination entre les départements de l'eau et du tourisme. Sur le plan touristique, Marrakech et Agadir sont en tête des nuitées dans les hôtels classés. Les performances réalisées à Marrakech dépassent de loin celles d'Agadir. La ville ocre représente 31,5% des nuitées dans les hôtels classés, ce qui témoigne de la popularité de Marrakech qui, d'année en année, attire de plus en plus de touristes étrangers. Conjugué à la pression démographique croissante, au développement urbain en plein essor, aux développements touristique et industriel très exigeants en eau en termes de volumes et de déficit, ce phénomène de limitation des ressources nous impose d'uvrer dans le sens d'une gestion plus rigoureuse de nos ressources en eau, de la conservation et de la préservation des ressources par l'épuration et le recyclage des effluents. Mais cela ne va pas sans une judicieuse coordination entre les différents partenaires et une meilleure répartition des rôles. Dans le cas contraire, nous serions obligés à l'horizon 2010 de faire le choix entre le tourisme et l'agriculture.